Le taux d’inflation au pays a beau avoir chuté dans la fourchette cible du gouvernement, la Banque du Canada n’est pas encore prête à relâcher la pression.

Statistique Canada a rapporté mardi que l’inflation avait dégringolé à 2,8 % en juin. La baisse est spectaculaire puisque celle-ci s’élevait à 8,1 % l’été dernier.

Ce taux se situe dans la fourchette cible de 1 à 3 % établie par la Banque du Canada. La ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, s’est félicitée du taux d’inflation le plus bas parmi les pays du G7.

Malgré la bonne nouvelle, la Banque du Canada veut toujours mener la lutte à l’inflation. Il est plus vraisemblable qu’elle continue à hausser son taux directeur plutôt que de le réduire d’ici un proche avenir. Plus tôt ce mois-ci, elle l’avait porté à 5 %, une augmentation d’un quart de point, au moment où les indicateurs signalaient un taux d’inflation annualisé de 3,4 % en mai.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, avait alors déclaré que la banque centrale était prête à relever encore le taux directeur si de nouvelles données indiquaient qu’elle devait en faire plus.

Étant donné la situation, l’ardeur de la Banque du Canada peut sembler étrange : pourquoi continuer à hausser le taux directeur quand l’inflation a dégringolé de manière significative ?

Les économistes connaissent bien le décalage des politiques monétaires. Une hausse du taux directeur peut faire peser complètement son influence sur l’économie au bout d’une période d’un
à deux ans.

Mais la Banque du Canada est inflexible dans sa politique : son objectif fondamental est un taux d’inflation de 2 %, soit le point médian de la fourchette de 1 à 3 %. Pas plus, mais pas moins.

De nouvelles projections de la Banque du Canada suggèrent que les progrès constants réalisés contre l’inflation au cours de la dernière année vont ralentir. Elle prévoit que le taux d’inflation restera autour de 3 % au cours de la prochaine année et reviendra peu à peu à la cible de 2 % au milieu de 2025. L’atteinte de la cible pourrait nécessiter six mois de plus qu’il était initialement prévu.

Des économistes du secteur privé s’attendre à ce que le retour à une inflation de 2 % sera un défi difficile à relever. Le processus pourrait même subir quelques contretemps en cours de route.

Certains indicateurs demeurent inquiétants : notamment l’inflation de base qui permet de mieux jauger la pression des prix.

La baisse du prix de l’essence est la grande cause du ralentissement de l’inflation jusqu’à présent, mais le prix d’autres articles de tous les jours continue de grimper. Sans le prix de l’essence, le taux d’inflation au Canada aurait atteint 4 % en juin.

La hausse des prix dans les épiceries a atteint 9,1 %, par rapport à juin 2022. Dans une note transmise aux clients, l’économiste en chef adjoint de la CIBC, Benjamin Tal, dit que la banque centrale est une institution plus préoccupée par une inflation élevée que par le risque d’une récession.

« La banque centrale a beaucoup d’expérience et plus de moyens efficaces pour combattre une récession. Une hausse de l’inflation dépassant les prévisions est son pire cauchemar », écrit M. Tal.

Selon lui, on pourrait tirer la conclusion que la Banque du Canada est biaisée. Celle-ci en a souvent fait la preuve dans ses rapports sur la politique monétaire. Elle a plusieurs fois répété qu’elle était plus préoccupée par une inflation plus persistante que prévu que par le risque d’une récession mondiale.

M. Tal croit que ce biais a poussé la Banque du Canada à avoir pris des mesures excessives en juin. Toutefois, l’économiste souligne qu’elle devra reculer à un certain moment, surtout que les signes d’un ralentissement de l’économie se multiplient.

« La Banque du Canada pourra imposer une nouvelle hausse en septembre, mais, d’ici peu, elle ne pourra plus ignorer les actuelles forces désinflationnistes, même si elle est biaisée. »