Richard est membre d’un comité de retraite. Il devait assister,
ce soir, à une réunion du comité au cours de laquelle des
décisions importantes devront être prises, notamment en matière
de gouvernance du régime de retraite. Malheureusement, il ne pourra être
présent à cette réunion pour des raisons familiales. De
toute façon, il se dit que cela ne change rien pour lui car il ne peut
pas être tenu responsable des décisions prises en son absence.
Il se trompe.
Contrairement à ce qu’il peut croire, Richard sera solidairement
responsable, avec les autres membres du comité de retraite, des décisions
qu’ils prendront au cours de la réunion. En effet, en vertu de
la Loi sur les régimes complémentaires de retraite(« Loi
RCR »), il sera imputé d’avoir approuvé toute décision
prise en son absence. Toutefois, si après avoir pris connaissance de
ces décisions, Richard considère que l’une d’entre
elles est susceptible de nuire aux intérêts du régime, il
devra dans un délai raisonnable transmettre par écrit sa dissidence
à l’égard de cette décision aux autres membres du
comité de retraite. Dans ces circonstances seulement, il aura alors raison
de croire qu’il ne pourra pas être tenu responsable de cette décision.
Il s’agit là d’une règle qui concerne les devoirs
et obligations des membres d’un comité de retraite. Bien que plusieurs
de ces règles se retrouvent dans les lois qui régissent les régimes
de retraite, l’Association canadienne des organismes de contrôle
des régimes de retraite(ACOR)a récemment fait connaître
son point de vue sur l’étendue de ces devoirs et obligations. Pour
les comités de retraite, l’occasion est donc belle de prendre du
recul et d’analyser leur situation actuelle dans un contexte de gouvernance.
En fait, pas seulement les comités de retraite : tout administrateur
d’un régime de juridiction fédérale devrait également
se préoccuper du présent article en y faisant les adaptations
nécessaires.
Voici quelques questions, et des éléments de réponse,
pour encadrer cette réflexion.
Pourquoi la gouvernance ?
Quels sont les objectifs de la gouvernance en matière de régimes
de retraite? Deux axes principaux se dégagent : Encadrer l’administration
d’un régime de retraite de façon à assurer le respect
des obligations découlant du régime.
Réduire les risques du régime et viser à limiter la responsabilité
du comité de retraite à titre d’administrateur du régime.
L’administrateur d’un régime de retraite étant assujetti
à une obligation de moyens, la gouvernance pourrait donc éventuellement
permettre au comité de retraite de démontrer plus facilement qu’il
a agi, dans l’accomplissement de ses devoirs et obligations, comme une
personne raisonnable.
En effet, à la lumière des récents développements
en matière de régie d’entreprise et de régime de
retraite, les administrateurs de régimes de retraite doivent, plus que
jamais, être conscients de leurs devoirs et obligations. À titre
d’exemple, pensons aux récentes lignes directrices publiées
par l’ACOR :
La ligne directrice n° 3 portant sur les régimes de capitalisation,
publiée le 28 mai 2004(applicables aux régimes de type cotisations
déterminées); et
La ligne directrice n° 4 portant sur la gouvernance des régimes
de retraite, publiée le 25 octobre 2004(applicables tant aux régimes
à prestations déterminées qu’aux régimes à
cotisations déterminées).
Bien qu’il n’y a actuellement aucune obligation légale de
se conformer à ces lignes directrices, il n’en demeure pas moins
important pour le comité de retraite d’adopter un programme de
gouvernance qui tienne compte de ces lignes directrices. En effet, elles seront
vraisemblablement prises en considération par les tribunaux lorsqu’ils
auront à établir les meilleures pratiques en matière de
gouvernance de régimes de retraite.
Le rôle de fiduciaire: qu’est-ce
que ça implique ?
En vertu de la Loi RCR, le comité de retraite agit à titre de
fiduciaire et d’administrateur du régime de retraite. Dans ce contexte,
le comité de retraite est tenu d’agir avec prudence, diligence
et compétence, comme le ferait une personne raisonnable en pareilles
circonstances. Le rôle qui incombe au comité de retraite fait donc
en sorte que sa responsabilité pourrait éventuellement être
mise en cause par les participants.
Tel que mentionné auparavant, la gouvernance a pour but d’assurer
le respect des obligations envers le régime. Le programme de gouvernance
doit donc identifier les différents devoirs et obligations du comité
de retraite.
Bien entendu, le comité de retraite n’est pas obligé d’accomplir
lui-même l’ensemble de ses devoirs et obligations. Il peut, à
moins d’en être empêché par le texte du régime,
confier l’exécution de certaines tâches à différents
intervenants. C’est d’ailleurs souvent ce qui se produit. Ainsi,
selon les circonstances, le comité de retraite confie certaines tâches
à des tiers dans le cadre d’un acte de délégation,
d’un mandat ou d’un contrat de service. Dans ce contexte, le programme
de gouvernance identifiera tous les intervenants à qui le comité
a confié des responsabilités et un rôle spécifique
à jouer.
En matière de délégation de pouvoirs, rappelons que la
Loi RCR précise que le comité de retraite répond de son
délégataire en fonction du soin avec lequel il l’a choisi
et des instructions qu’il lui a données. En appliquant ce principe
à l’ensemble des différents intervenants, le comité
de retraite devrait s’interroger sur la façon avec laquelle il
a choisi les différents intervenants à qui il a confié
des tâches spécifiques. Le programme de gouvernance devrait ainsi
prévoir une politique de sélection des différents intervenants.
Cette politique pourrait, par exemple, faire état de critères
devant être pris en considération dans le choix d’un intervenant.
Enfin, chaque intervenant doit bien comprendre son rôle et ce que le
comité attend de lui. Ses responsabilités doivent être clairement
établies et non sujettes à interprétation.
Malgré tout, le comité de retraite ne peut pas, en raison de
son rôle de fiduciaire, se dégager de toute responsabilité
même s’il a confié des responsabilités à différents
intervenants. Il doit exercer un certain degré de surveillance. Dans
le cadre de son programme de gouvernance, le comité de retraite devrait
établir les mesures à prendre pour exercer cette surveillance.
Comment s’assurer que les membres du comité
de retraite s’acquittent adéquatement de leur rôle ?
Afin d’évaluer l’information qu’ils reçoivent
des différents intervenants, de leur poser des questions et de prendre
des décisions éclairées, les membres du comité de
retraite devraient avoir une base commune de connaissances utiles à leur
rôle. Le programme de gouvernance pourrait donc faire état :
des connaissances minimales qu’un membre doit avoir;
du délai à l’intérieur duquel un membre doit acquérir
ou parfaire ces connaissances;
des différents programmes ou sources de formation disponibles et jugées
appropriées;
d’un budget de formation ainsi que des règles applicables.
Enfin, les membres du comité devraient documenter leurs différentes
décisions.
Deux pièges à éviter
Il ne suffit pas d’adopter un programme de gouvernance simplement parce
que tout le monde dit que c’est ce qu’il faut faire. Encore faut-il
établir un programme qui fonctionne et dont le comité de retraite
assure le suivi.
La mise en place du programme n’est pas la dernière étape.
Le succès d’un programme de gouvernance repose en partie sur l’évaluation
périodique qui en est faite. Le programme doit donc évoluer dans
le temps pour refléter les nouveaux besoins.
La gouvernance n’est pas simplement une mode passagère; c’est
le cadre de référence grâce auquel un comité de retraite
peut aspirer à une saine gestion de ses activités.
FRANÇOIS TURGEON est directeur, Régimes de retraite pour Morneau
Sobeco à Montréal.