Les salaires et les avantages sociaux des travailleurs américains ont augmenté au cours des trois derniers mois de 2023 au rythme le plus lent depuis deux ans et demi. Cette tendance pourrait affecter la décision de la Réserve fédérale quant au moment où elle commencera à réduire les taux.

Les rémunérations, mesurées par l’indice gouvernemental du coût de l’emploi, ont augmenté de 0,9 % au cours du trimestre d’octobre à décembre, en baisse par rapport à une augmentation de 1,1 % au trimestre précédent, a annoncé mercredi le département du Travail des États-Unis. Par rapport au même trimestre de l’année précédente, la croissance de la rémunération a ralenti, passant de 4,3 % à 4,2 %.

L’augmentation des salaires et des avantages sociaux est restée globalement solide, mais le ralentissement pourrait contribuer à réduire l’inflation et sera probablement bien accueilli par les décideurs de la Réserve fédérale. La Fed devrait maintenir son taux directeur à court terme inchangé après la conclusion de sa prochaine réunion mercredi.

Cela pourrait toutefois indiquer qu’elle est sur le point de diminuer son taux au cours de l’année.

« Ce n’est pas une bonne nouvelle pour nos salaires, mais une bonne nouvelle pour l’inflation et la perspective de réductions significatives des taux d’intérêt par la Fed », estime le chef économiste à la banque européenne ING, James Knightley.

Même si les responsables de la Fed ont annoncé qu’ils abaisseraient leur taux de référence cette année, ils n’ont pas précisé à quel moment, une décision très attendue par les investisseurs de Wall Street et de nombreuses entreprises.

Le ralentissement des gains salariaux pourrait inciter la Fed à réduire ses taux d’intérêt dès mars, estiment les économistes. Néanmoins, la plupart des analystes s’attendent à ce que la première réduction ait lieu en mai ou juin.

Depuis la pandémie, les salaires ont augmenté en moyenne à un rythme historiquement rapide, avant de s’ajuster à l’inflation. De nombreuses entreprises ont dû proposer des salaires beaucoup plus élevés pour attirer et retenir leurs travailleurs.

Pourtant, les embauches ont ralenti ces derniers mois, à des niveaux plus proches de ceux qui prévalaient avant la pandémie. La création d’emplois plus modeste a réduit la pression exercée sur les entreprises pour qu’elles proposent des augmentations salariales importantes.

La Réserve fédérale considère l’indice gouvernemental du coût de l’emploi comme l’un des indicateurs de salaires et d’avantages sociaux les plus importants, car il mesure l’évolution des salaires pour le même échantillon d’emplois.

Hausse du salaire minimum en mai

Au Québec, le salaire minimum sera haussé de 50 cents, passant de 15,25 $ à 15,75 $ l’heure à compter du 1er mai prochain.

Québec a pris cette décision « en raison de l’incertitude économique » qui touche notamment le commerce de détail et la restauration — des secteurs qui vivent présentement une situation difficile, voire des fermetures.

Selon le ministère du Travail, 200 700 travailleurs seront touchés par cette hausse du salaire minimum, dont 111 200 femmes.

Le ministre du Travail, Jean Boulet, justifie la hausse de 50 cents l’heure par l’incertitude économique

« Il faut comprendre que hausser le salaire de façon importante pourrait avoir un effet négatif et entraîner une pression importante pour les employeurs et ainsi occasionner des fermetures dans le milieu du commerce au détail, des restaurants ou bien de l’hébergement, ce qui n’est pas souhaitable, avec tout ce que cela pourrait entraîner comme conséquences néfastes sur l’économie québécoise. »

Le gouvernement souhaite que le salaire minimum se maintienne à environ 50 % du salaire moyen. Avec la prochaine hausse, il atteindra 50,8 %.

Le ministre Boulet souligne que la hausse annoncée équivaudra à 3,28 % et qu’elle sera ainsi « plus élevée que l’inflation anticipée pour l’année financière 2024-2025 qui est de 2,3 % ».

Il fait aussi valoir que le gouvernement « a fait de grands efforts pour protéger la population contre l’inflation », comme la distribution de chèques ponctuels, le plafonnement de tarifs gouvernementaux, une baisse d’impôt et la bonification du crédit d’impôt pour aînés.

Travailleurs et employeurs

Le Collectif pour un Québec sans pauvreté n’est « pas du tout » satisfait de cette hausse. « C’est presque une insulte », s’est exclamée en entrevue sa porte-parole, Virginie Larivière.

« Dans le contexte actuel, où on voit une hausse fulgurante des personnes qui ont des revenus d’emploi et qui sont obligées de passer à la banque alimentaire » pour se nourrir, une augmentation à 15,75 $ l’heure est nettement insuffisante, à ses yeux.

Elle s’indigne aussi dans le contexte où il y a pénurie de main-d’œuvre, particulièrement dans les secteurs à bas salaire et dans le contexte où Québec a même dû encadrer le travail des enfants.

Mais du côté de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), qui représente des PME, le vice-président pour le Québec, François Vincent, se dit « soulagé » par cette « hausse modérée ».

« C’est une hausse qui semble raisonnable dans le contexte », mais qui accroît tout de même les coûts pour les petites et moyennes entreprises, a-t-il fait valoir en entrevue.

Les PME, rapporte-t-il, souhaiteraient « que les augmentations du salaire minimum soient accompagnées d’une baisse du fardeau fiscal, d’une baisse des taxes sur la masse salariale ou d’un crédit d’impôt qui pourrait être disponible pour les aider ».

La plus grande centrale syndicale du Québec, la FTQ, a jugé qu’offrir une hausse de 50 cents l’heure était « complètement déconnecté de la réalité ». « Le gouvernement se moque du pauvre monde », a réagi le secrétaire général, Denis Bolduc.