RIEN NE VA PLUS pour les régimes à prestations déterminées
(régimes PD)au Canada. Dans un sondage mené il y a quelques mois
par la Société Watson Wyatt et le Conference Board du Canada auprès
de chefs des finances, trois menaces principales à la viabilité
des régimes PD ont été relevées, soit la volatilité
des cotisations futures(67 %); le déséquilibre ou l’asymétrie
entre les risques assumés dans le provisionnement des régimes
et les bénéfices qui y sont associés(57 %)et la volatilité
des charges de retraite qui ont une incidence sur les états financiers
des entreprises(53 %).
Les gouvernements se rendent également compte que le provisionnement
des régimes PD pose des problèmes. La Régie des rentes
du Québec est d’avis que ce genre de régime contribue efficacement
au maintien du niveau de vie après la retraite et cherche à en
faciliter la survie.
La planification de la retraite
Pour un travailleur dont le salaire est d’environ 38 000 $, soit le salaire
industriel moyen, les régimes gouvernementaux peuvent fournir un revenu
de retraite d’environ 40 % de son revenu avant sa retraite. Les besoins
financiers après la retraite varient selon les individus, mais un revenu
cible de 70 % du revenu avant la retraite est généralement accepté.
La différence de 30 % doit donc être assurée par les régimes
d’employeurs ou par l’épargne personnelle.
Selon Statistique Canada, 41 % des travailleurs participaient à un régime
de retraite d’employeur en 2004, dont 34 % à des régimes
PD. Ces régimes contribuent donc, dans une certaine mesure, au revenu
de retraite des travailleurs.
Les risques associés aux régimes
PD
Le seul fait d’offrir un régime PD comporte certains risques. Alors,
pourquoi courir ce risque? Simplement parce que, comme pour toute décision
d’affaires, l’employeur espère en retirer certains bénéfices.
Dans le cadre d’une philosophie de ressources humaines équilibrée,
un régime PD peut constituer un puissant outil d’attraction, de
fidélisation et de gestion des employés.
Un régime PD garantit une certaine rente de retraite aux participants.
Avec une formule de rente fondée sur le salaire, l’employé
peut prévoir quel pourcentage de son revenu avant la retraite sera remplacé.
Cependant, le fonctionnement d’un tel régime peut être difficile
à comprendre et à expliquer. C’est un défi –
et un risque – de taille pour l’employeur.
La question du risque est au coeur du débat. La majorité des
participants à des régimes PD croient fermement que si leur régime
accuse un déficit, la totalité de leur rente leur est due et que,
si le régime se trouve en position de surplus, ce surplus leur appartient.
Ils voient dans les médias que les entreprises qui enfreignent cette
règle risquent de faire face à des poursuites. Pourtant, c’est
l’employeur qui a assumé tous les risques du régime.
C’est cette asymétrie dans le provisionnement que 57 % des chefs
des finances voient comme une menace à la survie des régimes.
Cette règle influence les décisions d’investissement, de
financement et de conception de régime. Si le risque associé à
un régime s’avère trop grand, l’employeur pourra être
tenté de se tourner vers d’autres formules de rémunération.
Les employeurs qui offrent des régimes PD doivent tenir compte d’un
autre risque : le taux d’intérêt qui doit être utilisé
pour évaluer ses obligations afin de mesurer la solvabilité du
régime en cas de dissolution. Ce taux est fondé sur les rendements
des obligations et fait en sorte qu’il est très difficile de prévoir
les cotisations futures. Certains employeurs jugent qu’il est inacceptable
de voir leurs cotisations augmenter de façon considérable pour
parer à l’éventualité d’une dissolution de
régime alors que, la plupart du temps, cette probabilité est très
faible, voire inexistante. C’est cette volatilité dans les cotisations
futures que 67% des chefs des finances voient comme une menace à la survie
des régimes PD.
Jusqu’ici les autorités gouvernementales étaient demeurées
plutôt inactives face aux problèmes des régimes PD. Si elles
n’interviennent pas, nous nous dirigeons tout droit vers la disparition
des régimes PD, en faveur d’autres formes de rémunération
qui n’assurent pas nécessairement une sécurité de
revenu à la retraite.
Face à ce constat, les autorités ont décidé d’agir.
Dans un document intitulé Vers un meilleur financement des régimes
de retraite à prestations déterminées, la Régie
suggère, entre autres, de prolonger la période d’amortissement
des déficits de solvabilité de cinq à dix ans, d’autoriser
le financement des cotisations liées à la solvabilité au
moyen d’instruments financiers telles des lettres de crédit et
de permettre aux employeurs de s’entendre au préalable avec les
participants sur la propriété des surplus. Ces mesures ne sont
pas parfaites, mais elles constituent un pas en avant qui pourrait aider à
réduire la volatilité des cotisations futures et à remédier
partiellement au problème d’asymétrie.
Pourquoi s’acharner à conserver
un régime PD?
Les risques associés aux régimes PD n’ont rien de nouveau,
mais ils sont devenus plus apparents au cours des dernières années
à cause des faibles rendements des caisses de retraite.
Beaucoup d’employés ne se considèrent pas des experts en
matière de placements et apprécient le fait qu’en participant
à un régime PD, ils n’ont pas à se soucier des placements
de leur fonds de retraite. Ils sont assurés d’un certain niveau
de revenu après leur retraite.
Les régimes PD ont été conçus à une époque
où la plupart des employés demeuraient au service d’une
même organisation pour une grande partie de leur carrière. L’employeur
offrait un régime PD afin de s’occuper de ses employés au
moment de la retraite. Le monde du travail a beaucoup changé et les employés
changent plus souvent d’employeur. Le nouvel objectif des régimes
PD est de fournir une retraite convenable aux employés à un coût
et à un risque que l’employeur peut et veut assumer à long
terme.
Afin de diminuer la volatilité de ses cotisations sans toutefois augmenter
le coût du régime, l’employeur pourrait abolir les cotisations
futures des employés et modifier d’une valeur équivalente
les prestations accessoires(telles les clauses de retraite anticipée
ou les rentes de raccordement)qui sont les plus susceptibles d’augmenter
cette volatilité.
L’employeur qui veut également réduire ses coûts
pourrait revoir la conception de son régime afin de diminuer les prestations
futures, tout en offrant aux employés une compensation à court
terme et en communiquant clairement sa philosophie.
Ces changements sont mieux perçus lorsque l’employeur adopte par
la même occasion un autre instrument d’épargne avantageux
sur le plan fiscal qui permet aux employés d’épargner davantage
en vue de la retraite.
D’ailleurs, les employés doivent dorénavant participer
activement à la planification de leur retraite et ne pas s’en remettre
entièrement aux rentes de l’État et à celles de leurs
divers employeurs. Ils sont les seuls à pouvoir bien évaluer leurs
besoins.
Les régimes PD sont bel et bien menacés. Ils continuent cependant
d’être attrayants pour certains employés et certains employeurs.
Pour en assurer la survie, les employeurs souhaitent que les gouvernements posent
des gestes concrets. Toutefois, les employeurs doivent aussi faire leurs devoirs
et se pencher sur la conception de leurs régimes pour qu’ils demeurent
attrayants. Il serait souhaitable que les régimes PD restent viables,
afin d’encourager les employeurs à les conserver, dans la mesure
où ils correspondent à leur stratégie de ressources humaines
et d’affaires.
DANIELLE ÉTHIER, FSA, FICA, est conseillère principale chez Watson
Wyatt à Montréal.