Jusqu’au milieu des années 1990, le processus décisionnel des institutions financières en matière d’investissement se résumait souvent à des considérations de rentabilité. Pour la plupart, le concept de responsabilité des personnes et des institutions avait une dimension presque exclusivement juridique.

Cette vision des choses s’est radicalement transformée. De plus en plus, les investisseurs institutionnels reconnaissent que les questions environnementales, sociales et de gouvernance d’entreprise(ESG), porteuses de développement durable, peuvent exercer une influence positive sur la qualité et la performance de leurs portefeuilles de placements, et servir les intérêts à long terme de leurs bénéficiaires.

La nouvelle discipline d’investissement socialement responsable que se sont donnés certains des plus grands investisseurs institutionnels du monde est vite apparue comme l’un des meilleurs moyens de contribuer à la prise en compte des facteurs ESG. En 2005, un puissant groupe de 20 investisseurs internationaux représentant à l’époque un actif sous gestion de plus de 2000 milliards de dollars américains(dont au Québec, la Caisse de dépôt et placement du Québec et Bâtirente)se sont en effet engagés à respecter six Principes pour l’investissement responsable(www.unpri.org/principles):

1. Prendre en compte les questions ESG dans les processus d’analyse et de décision en matière d’investissement.
2. Être un actionnaire actif, prenant en compte les questions ESG dans ses politiques et pratiques de placement.
3. Demander aux entités dans lesquelles il investit de publier des informations appropriées sur les questions ESG.
4. Favoriser l’acceptation et l’application des Principes dans l’industrie du placement.
5. S’efforcer, collectivement avec ses co-signataires, d’accroître son efficacité dans l’application des Principes.
6. Rendre compte de ses activités et des progrès qu’il réalise dans l’application des Principes.

Afin de promouvoir efficacement les considérations ESG dans l’environnement d’affaires des investisseurs institutionnels, le groupe des 20 propose plusieurs stratégies qui sont vraiment porteuses, comme par exemple:

  • demander aux gestionnaires et conseillers externes de tenir compte de ces considérations dans leur prestation de services respective;
  • ne pas hésiter à revoir des liens d’affaires avec des fournisseurs qui ne répondent pas à leurs attentes en matière d’ESG; ou
  • demander aux sociétés où ils investissent la publication de rapports de performance en matière de développement durable, dans une forme comparable d’une entreprise à l’autre.

C’est ici que les travaux de la Global Reporting Initiative(GRI), une organisation non gouvernementale basée à Amsterdam, sont mis à profit. Depuis 2002, la GRI propose aux entreprises des Lignes directrices pour le reporting développement durable(www.globalreporting.org). Ce guide est maintenant utilisé par des centaines de sociétés publiques de grande taille soucieuses d’offrir à tous les intéressés ─ clients, employés, partenaires d’affaires et bien sûr, leurs actionnaires individuels et institutionnels ─ un bilan transparent de leurs réalisations en matière d’ESG.

Au Canada, l’analyse de l’information non financière présentée dans ce type de rapport peut être complétée par le recours à des instruments de mesure et de comparaison de rendements comme le Jantzi Social Index (www.jantzisocialindex.com), un indice composé d’actions de sociétés respectant certains critères qui démontrent leur engagement en faveur du développement durable.

Selon certains, il reste encore beaucoup à faire pour véritablement généraliser la dissémination d’information sur la performance en développement durable ou sur les risques non financiers de la part des entreprises, et surtout celles de taille plus modeste ou basées dans des marchés émergents. Il faudra donc voir si la discipline d’investissement socialement responsable qu’entendent appliquer certains des plus grands pourvoyeurs institutionnels de capitaux ─ qui comme on le sait, se tournent de plus en plus vers les marchés émergents pour diversifier leur actif ─ pourra accélérer la tendance.