Le gouvernement fédéral offre une nouvelle aide aux entreprises pour leur permettre de traverser la crise de la COVID-19 sans trop de dégâts. Cette fois, il s’agit du Crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE).

L’aide vient avec un avertissement du premier ministre Justin Trudeau. « Il s’agit d’un financement de transition, pas d’un chèque en blanc », a lancé le premier ministre lundi avant-midi.

Ce sont seulement les entreprises ayant des revenus de 300 M$ ou plus qui pourront bénéficier de ce crédit.

En annonçant la mesure, à Toronto, le ministre fédéral des Finances Bill Morneau a souligné que ces prêts serviront aux entreprises aériennes et au secteur énergétique, deux secteurs qui espéraient un plan d’aide spécifique de la part d’Ottawa.

« C’est pour tous les secteurs. Ça veut dire (que) pour les compagnies comme Air Canada ou WesJet, ça va être très important. Pour les compagnies dans le secteur de l’énergie, ça va être important », a déclaré M. Morneau au cours d’une conférence de presse, lundi matin.

Et comme il s’agit là de garanties de prêts, le ministre Morneau était incapable d’estimer le coût de la mesure.

Ottawa espère que ce crédit pourra éviter la faillite aux grandes entreprises canadiennes. Mais celles qui seront déjà engagées dans des procédures d’insolvabilité n’y auront pas accès.

Le secteur financier est exclu de la mesure. Certaines entreprises sans but lucratif, comme les aéroports, y auront droit.

Les entreprises admissibles doivent demander un financement de 60 M$ ou plus pour obtenir ce crédit d’urgence.

« Nous protégerons les contribuables en mettant en place des limites strictes sur la rémunération des dirigeants (…). Les entreprises ne pourront pas obtenir ce financement si elles ont été reconnues coupables d’évasion fiscale », a promis le ministre Morneau.

« Il y aura des limites fermes pour les dividendes, les rachats d’actions et la rémunération des dirigeants. Pour contrer l’évitement fiscal et l’évasion fiscale, les entreprises devront partager avec nous leur structure financière complète lorsqu’elles présentent une demande pour obtenir du financement », a renchéri M. Trudeau quelques minutes plus tard, en point de presse devant la porte de sa résidence.

Ottawa exige aussi que les entreprises qui profitent de ce crédit respectent les objectifs gouvernementaux en matière d’environnement et de climat, ce qui pourrait mettre en doute l’accès des entreprises pétrolières canadiennes à ce CUGE.

Le chef conservateur Andrew Scheer n’a pas tardé à exprimer son inquiétude pour le secteur pétrolier, déclarant qu’il lui faut plus que ce crédit. Du côté des néo-démocrates, on reproche plutôt à la nouvelle mesure de ne pas exclure toutes les compagnies qui utilisent des paradis fiscaux.

Vendredi, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé que la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC) serait offerte pour une plus longue période que prévu. Il n’était pas prêt, la semaine dernière, à donner plus de détails.

Cette subvention, qui fournit 75 % du salaire des employés, mais avec un plafond de 847 $ par semaine payés par Ottawa, devait initialement prendre fin le 6 juin.

Deux millions d’emplois perdus en avril

L’économie canadienne a perdu près de deux millions d’emplois en avril, un record, la fermeture de services non essentiels pour ralentir la propagation de la COVID-19 ayant dévasté l’économie et contraint les entreprises à fermer temporairement.

La perte de 1 993 800 emplois s’ajoute à celle de plus d’un million d’emplois perdus en mars, tandis que des millions d’autres travailleurs ont vu leurs heures et leurs revenus réduits.

Le nombre de chômeurs a augmenté particulièrement rapidement au Québec.

Selon Statistique Canada, le taux de chômage a grimpé à 13 % au pays, alors que la pandémie frappait de plein fouet, alors qu’il avait été de 7,8 % en mars.

Il s’agit du deuxième taux de chômage le plus élevé jamais enregistré, les pertes d’emplois s’étendant au-delà du secteur des services pour inclure la construction et la fabrication.

Les économistes s’attendaient en moyenne à la perte de quatre millions d’emplois et à un taux de chômage de 18 %, selon les prévisions recueillies par la firme de données financières Refinitiv.

Le taux de chômage aurait été de 17,8 % si l’enquête sur la population active de l’agence fédérale avait compté parmi les chômeurs les 1,1 million de personnes qui ont cessé de chercher du travail, probablement parce que la paralysie économique a limité les possibilités de recherche d’emploi.

Au total, plus d’un tiers de la population active ne travaillait pas ou avait réduit ses heures de travail en avril, un « taux de sous-utilisation » plus de trois fois plus élevé qu’en février, avant l’arrivée de la pandémie.

Le premier ministre Justin Trudeau a indiqué vendredi, après la publication du rapport de Statistique Canada, que le gouvernement fédéral ferait tout ce qu’il peut pour voir ceux qui ont perdu leur emploi, ou qui ont vu une baisse de revenu, récupérer ces pertes.

« Ces chiffres nous disent ce que nous savions déjà: à l’heure actuelle, les Canadiens souffrent à cause de cette pandémie. Chacun a sa propre histoire, mais tout se résume à une période très difficile pour beaucoup de gens », a-t-il affirmé.

Pertes plus importantes chez les femmes

Les travailleurs vulnérables qui ont généralement un emploi à temps partiel ou temporaire dans des emplois peu rémunérés ont été particulièrement touchés par les pertes d’emplois. Les femmes ont enregistré des pertes d’emplois plus importantes dans l’ensemble, mais le nombre d’hommes sans emploi en avril a comblé l’écart entre les hommes et les femmes au chapitre des pertes cumulatives d’emploi.

Presque toutes les pertes d’emplois pour les hommes depuis février touchaient des emplois à temps plein, contre 69,9 % pour les femmes.

« Ces résultats, combinés avec les différentes industries dans lesquelles les hommes et les femmes ont perdu leur emploi (par exemple, chez les hommes, un plus grand nombre de pertes d’emplois ont été enregistrées dans la construction, et un moins grand nombre, dans le commerce de détail), laissent supposer que les défis associés à la relance de l’économie à la suite de la crise économique liée à la COVID-19 pourraient être différents chez les hommes et chez les femmes », a indiqué Statistique Canada dans son rapport.

En mars, les restrictions sanitaires ont forcé la fermeture d’entreprises non essentielles, entraînant des mises à pied et des coupes dans les heures de travail, les entreprises essayant de gérer leurs coûts alors que leurs revenus plongeaient.

Les petites entreprises, définies comme celles de moins de 20 employés, ont mis à pied 30,8 % de leurs travailleurs, les moyennes entreprises ont fait de même avec 25,1 % de leurs travailleurs et les grandes entreprises ont vu leur nombre d’employés chuter de 12,6 %.

Les secteurs les plus touchés ont été ceux du commerce de détail, de l’hôtellerie, de la restauration et des bars, qui ont continué de subir des pertes en avril. Les pertes dans le secteur des services se sont poursuivies en avril, avec une baisse de 1,4 million ou 9,6 %, a précisé Statistique Canada.

Proportionnellement, les pertes ont été plus importantes dans les industries productrices de biens comme la construction et la fabrication, qui, ensemble, ont perdu 621 000 emplois, soit une baisse de 15,8 %, après être restées pratiquement inchangées en mars.

Le Québec durement touché

La plus forte hausse du taux de chômage en avril parmi les provinces du Canada a été observée au Québec: il s’est établi à 17 % comparativement à 8,1 % en mars; le taux du mois dernier a été le plus élevé depuis 1976 dans la province.

Le nombre de chômeurs a augmenté de 367 000 au Québec, plus rapidement que dans les autres provinces. De plus, la hausse du nombre de personnes mises à pied temporairement a été proportionnellement plus élevée au Québec tandis que l’augmentation du nombre de personnes inactives a été proportionnellement plus faible.

Dans les Maritimes, la plus forte hausse du taux de chômage entre mars et avril a été constatée par Statistique Canada au Nouveau-Brunswick, où il est passé de 8,8 % à 13,2 %.

Il a aussi augmenté en Nouvelle-Écosse, où il est passé de 9 % à 12 %. La hausse a été moins forte à l’Île-du-Prince-Édouard, de 8,6 % en mars à 10,8 % le mois dernier.

Statistique Canada a aussi observé une hausse du taux de chômage en Ontario, mais dans une bien moindre proportion qu’au Québec: il est passé en un mois de 7,6 % à 11,3 %.