Les coûts liés à la santé des employés pèsent de plus en plus en lourd au chapitre des dépenses organisationnelles. Que ce soient les frais reliés à l’absentéisme occasionnel, à l’invalidité de courte ou longue durée, aux soins de santé ou aux médicaments, la liste est longue et coûteuse pour les entreprises. Une gestion efficace de ces dépenses est donc primordiale, d’autant plus que les entreprises font désormais affaire dans des marchés plus compétitifs que jamais.

Heureusement, de nombreux employeurs ont déjà mis en place des programmes de prévention et de promotion de la santé au travail à titre de solution pour mieux contrer ces coûts. Dans le contexte actuel de saine gouvernance et de justifications budgétaires, il importe de bien évaluer ces investissements, de les mesurer et, idéalement, de calculer le rendement sur les investissements (RSI).

Mesurer est essentiel

Pour bien gérer, il faut bien mesurer. Il s’agit là d’un principe de base en gestion qui s’applique également aux investissements en prévention et en promotion de la santé. Le Conference Board du Canada a d’ailleurs publié un rapport à cet effet intitulé Justifier les investissements dans la santé et le mieux-être au travail, dont la traduction française est prévue pour ce mois-ci. Cette étude publiée en juin 2012 a pour objectif premier de conseiller les employeurs quant à la justification des investissements en matière de mieux-être au travail et de les aider à en faire valoir les retombées dans le cadre de programmes intégrés et structurés de prévention et de promotion de la santé.

En outre, ce rapport soulève que les sociétés canadiennes comprennent intuitivement les avantages d’investir dans des programmes de prévention et de promotion de la santé pour leurs employés, mais éprouvent toutefois certaines difficultés à en démontrer un RSI positif. Ainsi, les employeurs misent plutôt sur les retombées directes et les résultats positifs de leurs programmes de mieux-être pour en justifier les coûts, par exemple une diminution des demandes de prestations d’invalidité ou une responsabilisation accrue des employés. Mais ces simples indicateurs ne sont toutefois pas suffisants pour obtenir le portrait global de la situation.

Le rendement sur investissement (RSI)

Le RSI est une mesure du rendement du capital investi dans des programmes de santé et de mieux-être c’est-à-dire le calcul des bénéfices nets retirés de ces programmes comparativement à leurs coûts. Il s’agit donc d’une évaluation comptable des gains par rapport aux dépenses des programmes.

Un exemple de calcul du rendement sur investissement est présenté dans le rapport du Conference Board. Il s’agit d’un outil simple et accessible, qui n’est toutefois pas parfait. Il comporte assurément l’avantage d’être utile pour estimer les gains des programmes et pour ainsi guider les orientations futures.

Un programme qui tient la route

De nombreuses études ont démontré les avantages liés aux investissements dans les programmes de santé pour les employés, que ce soient la diminution du coût des avantages sociaux, la réduction de l’absentéisme, la baisse du présentéisme (situation où un employé est présent au travail sans être pleinement productif) ou encore l’augmentation de la productivité.

Mais avant de penser à mesurer, il est primordial d’avoir un programme de mieux-être qui tient la route. Et, avant de songer à instaurer un tel programme, les sociétés doivent établir un cadre pour l’élaboration d’un programme global de santé et de mieux-être, dont le succès passe obligatoirement par l’adhésion de la haute direction (voir Figure 1). En réalité, pour que ces programmes génèrent des retombées positives et concluantes, ils doivent être pris au sérieux au sein des sociétés. Ainsi, quelques journées dédiées à la santé au cours d’une année ne pourront faire, à elles seules, une réelle différence.

Force est de constater que plus un programme est perfectionné et intégré, plus il donnera de résultats. À cet égard, il importe de souligner qu’un programme global et structuré doit être en lien avec le travail réalisé en gestion de l’invalidité. À titre d’exemple, l’absentéisme occasionnel est souvent mal géré dans les organisations et les mesures mises en place pour prévenir l’invalidité comportent de nombreuses lacunes.

Un cadre de mesure

Le RSI se mesure donc lorsque le programme est à un niveau perfectionné, c’est-à-dire lorsqu’il y a un lien direct entre les stratégies de l’organisation et les résultats désirés (voir Figure 2).

De façon simplifiée, il faut au départ obtenir les mesures en fonction des objectifs organisationnels, telles qu’une analyse détaillée des coûts de santé de l’assureur, les coûts de l’absentéisme et de présentéisme occasionnel, le taux de roulement, etc. Par la suite, il faut mesurer le changement de ces coûts après trois ans et en retirer les économies, le cas échéant.

Le calcul du RSI peut paraître simple de prime abord, mais les composantes coûts et épargnes peuvent s’avérer difficile à quantifier. L’étude du Conference Board fait ressortir que les employeurs ont de la difficulté à mesurer le RSI, en raison notamment des problèmes que posent la compilation des données en provenance de diverses sources, ainsi que le manque de ressources ou de savoir-faire. De plus, les retombées de ces programmes de mieux-être sont souvent intangibles, subjectifs et le lien entre bénéfices et programmes peut être difficile à établir.

Mesurer est sans contredit un pas dans la bonne direction. Sans nécessairement calculer un RSI élaboré dans toutes les organisations, certaines retombées peuvent être considérées et mesurées pour démontrer les avantages des programmes de prévention et de promotion de la santé. Par exemple, il est pertinent de mesurer les facteurs de risque tels que l’embonpoint, le stress, la sédentarité et le climat de travail par des questionnaires santé et démontrer un changement dans le temps à la suite de l’implantation des programmes. Les résultats des diverses études ont toujours démontré que les habitudes de vie et les facteurs de risque sont les plus importantes variables influençant la santé et que le coût des soins médicaux et de l’invalidité est directement lié aux styles de vie des employés et à leurs facteurs de risque.

En somme, les sociétés canadiennes en sont généralement à leur tout début quant au calcul du RSI lié aux programmes de prévention et de promotion de la santé. Mais il est essentiel que les entreprises se dotent d’outils pour y parvenir, afin d’en mesurer les retombées financières, d’en assurer le bon déploiement et de justifier ces investissements par rapport aux autres priorités de l’organisation. En l’occurrence, bien mesurer permet de prendre les bonnes décisions.

Emmanuelle Gaudette est directrice, Prévention et promotion de la santé, Gestion de la santé et des absences, à la Standard Life.