Québec lance une consultation sur l’évolution des milieux de travail, qu’il s’agisse de télétravail, d’intelligence artificielle ou des répercussions de la transformation numérique du travail.
C’est un vaste chantier qu’ouvre le ministre du Travail, Jean Boulet, qui s’est déjà attaqué à l’encadrement du travail des jeunes et à une réforme du régime de santé et sécurité du travail.
«Cette consultation-là va me permettre de réfléchir, avec les acteurs du marché du travail, pour veiller — parce que c’est ça mon objectif ultime — à ce que notre cadre légal et réglementaire réponde à ces nouvelles réalités. Je réfère à la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la Loi sur les normes du travail et le Code du travail. Je trouve beaucoup que les développements technologiques accélèrent le rythme d’évolution du monde du travail», a-t-il confié en entrevue avec La Presse Canadienne.
La consultation abordera des thèmes comme le droit à la déconnexion, le recours à des moyens de pression en cas de télétravail, la surveillance des travailleurs avec les possibilités technologiques, par exemple. Jusqu’où vont les protections, droits et obligations de chaque partie?
Le tout pourrait déboucher sur un projet de loi, après une consultation de quelques mois.
Des sujets d’intérêt
La question de l’application au télétravail des dispositions anti-briseurs de grève du Code du travail, par exemple, se trouve déjà devant les tribunaux et a suscité beaucoup d’intérêt. Au Québec, le Code interdit d’avoir recours à des travailleurs de remplacement «dans l’établissement» où il y a grève ou lock-out. Mais où commence et où s’arrête l’établissement lorsque le salarié est en télétravail?
«Il y a des notions, dans nos lois, qui sont en lien avec les lieux physiques. Les travailleurs de remplacement, qu’est-ce qu’on va faire avec le droit de grève ou de lock-out dans un contexte de travail à distance et de télétravail? Ça suscite une réflexion. Ça va faire partie des thématiques où on va devoir réfléchir sur les moyens de pression en contexte de télétravail», explique le ministre Boulet.
En matière de surveillance des employés par les nouvelles technologies et de la surveillance de la productivité, «quelles sont les protections garanties aux employés face à ces changements-là, notamment en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne», soulève aussi le ministre du Travail.
Le droit à la déconnexion provoque aussi des discussions, dans un contexte où les milieux de travail doivent se soucier de plus en plus des risques psychosociaux liés au travail: épuisement, anxiété et autres.
Aussi, qu’en est-il des protections et obligations des parties dans le cas des travailleurs des plateformes numériques de livraison de repas ou de transport de personnes?
Et que dire de «l’intelligence artificielle, qui peut poser au travail des problèmes éthiques, tant dans les rapports collectifs qu’individuels», souligne le ministre Boulet. «Comment on va adapter le droit du travail et les relations de travail à cette nouvelle dynamique-là?» résume-t-il.
Le sujet est vaste. «il y a déjà des réflexions. On a commencé à ramasser, dans mon ministère, beaucoup d’informations. On est à l’affût de ce qui se passe à l’échelle internationale, dans le reste du Canada, aux États-Unis, en Europe. On veut vraiment que nos lois du travail soient les meilleurs reflets possible des retombées découlant de toutes les avancées technologiques que nous faisons», a conclu le ministre Boulet.