Dans un monde idéal, le gestionnaire de fonds devrait obtenir des rendements élevés dans tous les types d’environnement économique et être capable de protéger le capital quand les marchés sont à la baisse. Malheureusement, de tels gestionnaires existent seulement dans nos rêves. Dans un contexte institutionnel, les gestionnaires de fonds sont plutôt jugés sur une base relative face à un indice de référence.

En terme quantitatif, nous cherchons donc des gestionnaires avec une valeur ajoutée rencontrant nos attentes et ayant le meilleur ratio d’information. Ce gestionnaire devra par la suite respecter le budget de risque qu’on lui accorde en termes de volatilité de sa valeur ajoutée.

Le ratio d’information
Le ratio d’information est calculé en utilisant la valeur ajoutée annualisée divisée par l’erreur de calquage. L’erreur de calquage est mesurée par l’écart type de la valeur ajoutée. Cette mesure permet d’évaluer le talent d’un gestionnaire en fonction des risques qu’il a encourus. Pour deux gestionnaires avec la même valeur ajoutée, nous allons préférer le gestionnaire avec le ratio d’information le plus élevé. Selon certaines constatations historiques, un ratio d’information minimal pour considérer un gestionnaire serait de 35%. Un gestionnaire de premier quartile enregistre un ratio d’information d’environ 50%.

Une autre mesure de risque intéressante est la perte maximale annuelle en termes de valeur ajoutée. Quand nous analysons la performance historique d’un gestionnaire, il est bon d’évaluer le pire des scénarios en assumant que vous êtes assez malchanceux pour investir juste avant que le gestionnaire ne connaisse sa pire année. Cette mesure porte le nom de valeur à risque(VaR)et est largement utilisée dans le domaine financier pour évaluer les risques. Pour considérer un gestionnaire, le ratio de la valeur ajoutée sur la perte maximale(VaR)devrait être d’au moins 15%, alos qu’un gestionnaire de premier quartile devrait avoir un ratio supérieur à 20%.

Les limites de l’erreur de calquage
L’erreur de calquage doit être calculée contre un indice de référence valable aux yeux de l’investisseur. L’élément de base de tout processus d’investissement est la politique de placement du client incluant son portefeuille de référence. Ce portefeuille inclut diverses catégories d’actifs et il est choisi pour rencontrer certains critères en termes de rendement et de risque pour le client.

Dans cette étape, des indices de références passifs sont choisis pour des fins de représentativité des placements désirés. Par la suite, au lieu de seulement investir passivement dans les indices, des gestionnaires actifs sont choisis pour ajouter de la valeur face aux indices. C’est ainsi que ces indices de référence deviennent des critères d’évaluation du travail des gestionnaires qui devront définir leur style selon la volatilité face à ces indices. Un gestionnaire qui accepte un mandat contre un indice ne devrait pas pouvoir par la suite justifier ses contre-performances en utilisant l’excuse que son style — telle valeur ou croissance — n’est pas en sa faveur. De son côté, l’investisseur devrait ajuster la politique de placement pour s’ajuster à l’indice du gestionnaire s’il croit que l’utilisation de cet indice rencontre mieux ses objectifs et qu’il désire engager ce gestionnaire.

L’erreur de calquage la plus utilisée est celle chiffrée sur l’historique entière de la performance du gestionnaire afin de mesurer les risques réellement encourus par le gestionnaire. Cette mesure n’est pas suffisante car elle ne nous indique pas le risque des positions prises dans le portefeuille actuel. Une mesure de calquage actuelle doit être calculée sur une base régulière à partir des titres détenus dans le portefeuille pour s’assurer des risques pris par le gestionnaire et permettre d’identifier rapidement un changement de cap en fonction du risque.

Comment un gestionnaire fait-il pour ajouter de la valeur?
Nous voulons que le gestionnaire ajoute de la valeur face à son indice de référence. Le but du gestionnaire est donc de créer des déviations de pondération dans son portefeuille afin de s’éloigner du portefeuille de référence et de capturer des écarts de rendement entre les titres surpondérés et sous-pondérés. Par exemple, si un titre a un rendement de 30% et l’autre titre a un rendement de 10%, il existe un écart de rendement de 20% entre ces deux titres. Une surpondération de 5% dans le bon titre contre une sous-pondération de 5% dans le titre moins performant donnerait une valeur ajoutée de 1% sur le portefeuille.

La gestion de portefeuille inclut donc deux types de décision : la sélection de titres pour décider des titres surpondérés et sous-pondérés, et l’ampleur des déviations de pondération pour chacune des décisions. La sommation de toutes les décisions prises se traduit en erreur de calquage implicite des décisions actuelles du portefeuille. Un nombre peu élevé de décisions de sélection et une utilisation de grandes déviations augmenteront le risque de gestion active ou d’alpha. Un gestionnaire doit donc être en mesure de fournir en tout temps à son client le risque actuel de son portefeuille face à son indice de référence. Ainsi, un comité de retraite pourrait choisir un gestionnaire en fonction des risques qu’il désire prendre.

Le processus de sélection de titres utilisé par le gestionnaire peut être basé sur une approche ascendante ou descendante. Une approche descendante implique que le gestionnaire analyse le marché dans son ensemble afin de déterminer si c’est un bon temps pour acheter des actions. Par la suite, il détermine quels secteurs devraient être le plus favorisés. Il choisit enfin les meilleurs titres dans chacun des secteurs. L’approche ascendante est à l’opposé de l’approche descendante. Ici, le gestionnaire choisit les titres selon leurs propres mérites et construit le portefeuille par la base. Il est difficile de conclure de l’impact direct de l’approche du gestionnaire sur le risque, car il dépend essentiellement du nombre de décisions et de l’ampleur des déviations des pondérations.

Certains gestionnaires diront qu’ils ne gèrent pas leur portefeuille en tenant compte de leur indice et pourrait avoir une volatilité plus grande contre l’indice de référence. En fait, l’erreur de calquage est la seule chose que l’investisseur peut contrôler dans le processus d’investissement. La gestion indicielle qui sert à répliquer le rendement d’un indice a une erreur de calquage très faible de moins de 0,5%. Une gestion de type indice plus pourrait quant à elle avoir une erreur de calquage de 2% avec pour objectif d’apporter une valeur ajoutée de 1%. Un autre gestionnaire pourrait avoir un budget de calquage plus élevé de 4% avec un objectif de valeur ajoutée de 2%. À la limite, un gestionnaire qui ne contrôle pas ses risques contre son indice pourrait se retrouver avec une erreur de calquage d’environ 10% mais devrait avoir un objectif de valeur ajoutée de 5% pour compenser pour ses risques. Avec un gestionnaire possédant une forte valeur ajoutée et une forte volatilité, vous courrez toujours le risque que vous investissez avec lui au début de sa mauvaise année et que la pente soit très difficile à remonter par la suite.

Une autre approche à la gestion traditionnelle des actions est l’utilisation d’un gestionnaire d’un fonds de couverture neutre face au marché. Cette approche est utilisée par les gestionnaires alternatifs afin d’isoler le talent de sélection(alpha)du rendement attribuable à l’indice de référence(bêta). Un exemple de cette approche est de simplement de classer les titres de chacun des secteurs en ordre de préférence et d’acheter les titres se classant dans le premier 30% et de vendre à découvert les titres du dernier 30%. Par la suite, le choix des pondérations pourrait être basé selon la volatilité des titres afin de minimiser les risques de pondérations.

Cette stratégie de placement est du type rendement absolu et est évaluée contre le rendement du marché monétaire. Cette approche de gestion est innovatrice et permet d’exploiter dans son ensemble le talent de sélection d’un gestionnaire avec de nombreuses décisions et des pondérations dans les titres qui tendent vers une forte diversification des risques. Le gestionnaire devrait posséder des talents additionnels face au gestionnaire traditionnel, car il utilise de nouveaux outils tels les ventes à découvert et possiblement le levier.

Que doit-on rechercher chez un gestionnaire?
D’un point vue quantitatif, nous désirons un gestionnaire avec une valeur ajoutée qui rencontre nos objectifs, un bon ratio d’information et avec une perte annuelle maximum acceptable. Il reste ensuite à déterminer si le gestionnaire est capable de constance et de voir si sa performance a seulement été causée par la chance.

D’un point vue plus qualitatif, idéalement le gestionnaire que nous recherchons devrait posséder certaines caractéristiques clés tels la discipline, le focus, la persistance, l’intelligence, la créativité, l’effort au travail et un sens du placement. Ces qualités sont toutefois difficiles à mesurer et elles ne garantissent pas la constance des résultats.

Ce que nous recherchons avant tout est la possibilité pour le gestionnaire de répéter sa performance. Pour savoir si son approche fonctionne vraiment et qu’elle a des chances de constance, nous devons déterminer si le gestionnaire serait en mesure d’enseigner à d’autres membres de son équipe son processus, afin que, par la suite, ceux-ci réussissent également à ajouter de la valeur. Un processus de sélection, de choix de pondération et de gestion des risques doit donc être suffisamment clair pour permettre une certaine discipline et une amélioration dans le temps.

Les caractéristiques idéalement recherchées pour fin de constance sont :

  • Produit bien défini
  • Équipe performante avec des rôles biens précis
  • Objectifs de rendement et de risque bien identifiés
  • Indice de référence clair et approprié
  • Identification d’un univers d’investissement
  • Processus d’investissement bien défini
  • Utilisation de recherche interne avec valeur ajoutée
  • Utilisation de divers outils liés à l’analyse fondamentale, les mesures d’évaluation, l’analyse technique et la gestion des risques
  • Plusieurs décisions quant à la diversification des sélections et des pondérations
  • Valeur ajoutée dans divers environnements
  • Valeur ajoutée supérieure sur différentes périodes
  • Contrôle du risque de calquage et des déviations de secteurs et de titres
  • Corrélation négative de la valeur ajoutée avec son indice de référence ou d’autres éléments du portefeuille serait un plus. Cette corrélation pourrait toutefois changer dans le temps.

À retenir

  • Pour un même rendement espéré, nous choisirons le gestionnaire avec l’erreur de calquage le plus faible et le ratio d’information le plus élevé
  • Pour un même ratio d’information nous aurons tendance à choisir le gestionnaire moins risqué si son rendement est suffisant pour rencontrer nos objectifs car nous n’avons pas besoin de prendre des risques supérieurs. Dans un contexte de budgétisation des risques, la quantité de risque n’est pas illimitée et nécessite une allocation judicieuse.
  • Pour un gestionnaire qui combine une forte valeur ajoutée, une grande erreur de calquage, un fort ratio d’information et une perte maximale élevée, le risque d’entrer au mauvais moment est très important. Même s’il est tentant de sélectionner un gestionnaire possédant une forte valeur ajoutée, il y a toujours le risque que vous investissez juste avant que ce gestionnaire connaisse sa pire année. Ceci changerait complètement l’attrait de ce gestionnaire.
  • Une combinaison de gestionnaires plus volatiles avec de bons ratios d’information pourrait être une solution à considérer pour améliorer la valeur ajoutée et tirer profit de l’effet de diversification de ces gestionnaires.
Robert Auger, MSc, CFA, est conseiller principal chez Gestion conseil Aon, à Montréal.