Quelles sont les conséquences d’une implantation d’un régime à cotisations déterminées sur l’âge de retraite?

Les régimes à prestation déterminée(PD)et les régimes CD ont tous deux des avantages et des inconvénients; il est donc complexe de déclarer lequel des deux régimes est le plus favorable. La réponse dépend du contexte: objectifs du régime de retraite, situation du marché financier, âges des participants, etc. Il faut alors comparer sur une même base, c’est-à-dire que les cotisations patronales et celles des participants sont aussi généreuses dans les deux régimes. Le manque d’information explique parfois que certains participants de régime CD investissent leurs cotisations dans des véhicules de placement trop sécuritaires, et par conséquent, avec un rendement attendu plus faible. Une approche idéale pour remédier à ce problème est d’offrir un montant de prestation minimum au régime CD, comme c’est le cas pour le régime CD gouvernemental australien.

Une alternative intéressante est de se pencher sur le fonctionnement des régimes Cash Balance, populaires aux États-Unis. Ils sont fondés sur le même principe que les CD, à l’exception que l’employeur garantit un taux de rendement aux participants ainsi qu’un taux de conversion en rente. Il gère également à lui seul le risque d’investissement. L’avantage principal de ce régime est que l’employé reçoit un état financier annuel de son compte personnel et perçoit la valeur de ses prestations très facilement.

L’Australie, qui faisait face à un problème de vieillissement de la population, a instauré en 1992 l’exclusivité des régimes CD. Le gouvernement avait trois défis, soit de procurer aux retraités plus de revenus, de dynamiser l’économie globale du pays et de réduire ses engagements financiers. Voici trois raisons qui expliquent le transfert de PD à CD :
1- L’aversion grandissante des employeurs relativement à la volatilité du coût des régimes;
2- L’augmentation du nombre de lois régissant les PD;
3- La hausse du taux de roulement chez les employés.

L’avantage principal de ce changement est que le montant accumulé est facilement transférable entre employeurs. Les cotisations peuvent être converties en rentes et ou en retraits forfaitaires selon un calendrier de paiements prédéterminé à partir de 55 ans(60 ans en 2025). De plus, le gouvernement garantit que la rente convertie ne sera pas inférieure à 25 % du revenu du participant.

Le système de régime de retraite du Royaume-Uni est défini par plusieurs paliers. Le premier est le régime CD obligatoire qui représente la nouvelle version de la sécurité du revenu gouvernementale à la vieillesse. Les autres paliers sont facultatifs, mais souvent encouragés par l’employeur: compte d’épargne pour la retraite individuelle ou régime de retraite offert par la compagnie. En mars 2004, plus de la moitié des employés cotisaient dans des régimes d’employeurs – le deuxième palier – la plupart étant sous forme CD.

Au Singapour, les contributions employeur et employé s’élèvent jusqu’à 32 % et servent aussi à payer les dépenses médicales du participant. Il devient très intéressant d’observer comment d’autres systèmes fonctionnent pour se comparer et nous permettre d’améliorer le nôtre.

À l’étape de l’accumulation, on se penche sur l’accroissement du fond à travers le temps. Dans les régimes PD, les prestations sont déterminées en fonction du revenu, de l’âge et du nombre d’années de participation. La valeur des prestations commence à 0 jusqu’à la date de pleine acquisition. La valeur des prestations s’accroît lentement dans ses débuts, puis s’accélère avec les années de service. On observe un bond de valeur à la première date de retraite facultative, puis un second à la date de retraite sans réduction. Éventuellement, la valeur des prestations croît de façon très lente et il est même possible d’observer une décroissance. On en tire donc la conclusion que les régimes PD encouragent les employés à rester auprès de leur employeur dans leur début de carrière sans toutefois les retenir au-delà de 25-30 ans. Pour ce qui est des régimes CD, l’évolution de la valeur des prestations n’est pas dépendante du temps et est caractérisée par une croissance positive sans bonds de valeur.

Graphique 1 : L’accroissement de la valeur du fond des régimes de retraite

Au moment de la retraite, pour les participants au régime CD, il y a une décision à prendre quant à l’utilisation du montant accumulé. Cette étape est appelée «décumulation» et peut se faire, dans divers pays, sous quatre formes : retrait du montant forfaitaire, retraits selon un calendrier de paiements, par conversion en rente ou par distribution différée.

Le montant forfaitaire: Quoique ce type de prestation soit le plus simple, il n’est pas nécessairement le plus efficace pour garantir un revenu adéquat tout au long de la retraite. On permet le retrait du montant forfaitaire dans plusieurs pays comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande et Singapour. Selon la structure du régime de retraite, il est possible de faire un retrait partiel du montant forfaitaire et d’utiliser le reste du montant à d’autres fins.

Calendrier de paiements: C’est au Chili, pays où les régimes CD sont obligatoires, qu’on a observé pour la première fois ce type de distribution dans le but de servir comme alternative à l’achat d’une rente. Cette forme de prestation est une solution à l’incertitude du prix des rentes et de leurs disponibilités. Cette option est aussi offerte dans d’autres pays commeen Argentine, au Mexique et en Australie.

Rente: À noter qu’en Bolivie et en Suisse, la transformation du montant forfaitaire en rente est obligatoire et régit par la loi. Certains pays de l’Europe de l’Est pensent aussi adopter ce règlement.

Distribution différée: Cette option consiste à laisser son argent dans la caisse de retraite pour reporter à plus tard la décision de distribution des cotisations accumulées.

Les retraités des régimes CD profitent alors d’un plus grand degré de flexibilité et de liquidité. Il ne faut pas tenir pour acquis que la rente viagère est la meilleure option. Voici plusieurs raisons qui justifient un autre choix que celui de la rente:

• La subdivision du montant forfaitaire pour acquitter des frais médicaux ou pour réserver des legs à ses héritiers;
• Le manque de flexibilité au niveau des transferts ou de révocabilité des rentes;
• La présence de certaines rentes gouvernementales qui peuvent ne pas inciter l’achat de rentes supplémentaires.

Au Royaume-Uni, on impose à la population de 75 ans de se procurer une rente avec le reste du fond du régime de retraite après avoir permis de retirer jusqu’à 25 % en montant forfaitaire. Il faut donc faire attention avant de dire que la rente viagère devrait être le choix par défaut car ce n’est pas le cas ailleurs et cela semble bien fonctionner.

Les régimes PD ont leurs avantages, mais ce ne sont pas nécessairement les meilleurs modèles de régime de retraite pour l’époque dans laquelle nous vivons. La volatilité des marchés financiers et la modification de la carrière type ont contribué à remettre en question la supériorité des régimes PD. Nous avons démontré que les régimes CD sont simples à transférer et ne causent aucunes pertes majeures affectant le montant forfaitaire du participant. L’absence d’incitatifs artificiels dans les régimes CD peut expliquer pourquoi les participants prennent leur retraite en moyenne plus tard que les employés des régimes PD. Un régime CD peut être investi de façon plus dynamique qu’un régime PD et procurer une rente plus élevée aux participants.

On a aussi vu que la conversion en rente n’est pas toujours l’option optimale. Alors, la liberté de choix de distributions dans les régimes CD peut être une très bonne alternative. Les pays qui ont migré vers les régimes CD comme l’Australie et le Royaume-Uni présentent une expérience très positive. Les régimes de retraite québécois et canadiens pourraient alors eux aussi en retirer des bénéfices. On voit donc qu’il est loin d’être évident que les régimes PD sont meilleurs que les régimes CD. Ces derniers constituent peut-être même les régimes de retraite de demain.

Récipiendaire d’une bourse d’excellence de l’ICRA pour sa recherche sur les régimes de retraite, Ziad Semaan est conseiller adjoint chez Normandin Beaudy. Cette recherche a été rendue possible grâce à la collaboration du directeur de la recherche, M. René Delsanne de l’Université du Québec, et au programme de bourse universitaire de l’Institut canadien de la retraite et des avantages sociaux(ICRA). Vous pouvez consulter l’étude complète de M.Semaan sur le site web de l’ICRA au www.cpbi-icra.ca