![]() |
Le ministre de la Santé, Philippe Couillard, rejette deux des principales recommandations du rapport Castonguay sur le financement de la santé, soit l’augmentation de la taxe de vente et l’imposition d’une franchise annuelle aux citoyens, une mesure «difficilement applicable».
Le ministre Couillard a rapidement réagi au dépôt du rapport intitulé En avoir pour notre argent, présenté par le président du groupe, M. Claude Castonguay, et les deux vice-présidents, M. Michel Venne et Mme Joanne Marcotte, qui proposent aux Québécois un nouveau « contrat social » afin d’assurer à tous les citoyens les soins requis en temps opportun, dans le respect de notre capacité collective de payer.
Pour les membres du groupe, le Québec doit assurer la pérennité du système public de santé en augmentant sa productivité et en ajustant la croissance des dépenses publiques de santé au taux de croissance de la richesse collective, et cela, tout en améliorant l’accès aux soins et la qualité des services. Pour ce faire, ils en appellent à la responsabilité de l’ensemble des acteurs du système.
Freiner la croissance des dépenses
Ralentir la croissance des dépenses de programmes de sorte qu’elle n’excède pas celle de notre richesse collective demeure l’une des recommandations centrales du rapport. Le groupe propose ainsi de ramener de 5,8 % à 3,9 % la croissance des dépenses publiques de santé sur un horizon de cinq à sept ans.
Pour y parvenir, le rapport proposait un plan d’action réaliste et opérationnel. Comme les mesures proposées n’auront pas leur plein effet dans l’immédiat, le groupe recommande la mise en place d’un fonds de stabilisation dédié à la santé. Ce fonds serait financé par l’utilisation d’une portion de la taxe de vente du Québec (TVQ), soit 1/2 % ou 1 %, et par une franchise variant selon les revenus et l’utilisation des soins médicaux. Un tel fonds contribuerait à limiter l’empiètement de la santé sur les autres missions de l’État. Le groupe de travail rejette le recours à un ticket modérateur.
Couverture du régime public
Constatant que des soins moins essentiels ou dont la valeur coût/bénéfice n’a pas été démontrée sont couverts, alors que d’autres ne le sont pas, le groupe recommande au gouvernement de revoir la couverture publique du système actuel de santé qu’il juge incohérente et figée.
Il invite donc le gouvernement à procéder à une révision systématique et structurée de cette couverture publique sur une base continue en se dotant d’un mécanisme permanent, crédible et légitime. Les membres du groupe sont conscients de proposer un changement profond, mais ils sont convaincus que celui-ci s’impose. Bien loin de remettre en question l’idée même d’une couverture publique, les limites qu’ils proposent de définir en assureraient la pertinence.
Un organisme crédible et indépendant
Afin notamment de définir la couverture publique des soins, de déterminer des indicateurs de performance et de réviser périodiquement la liste des médicaments assurés, le groupe recommande la création d’un institut national d’excellence en santé.
Formé par la fusion du Conseil du médicament du Québec, de l’Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé et du Commissaire à la santé et au bien-être, l’organisme serait indépendant du ministre. Ses interventions pourraient servir à informer le public, à diffuser des résultats de recherche, à recommander les meilleures pratiques auprès des praticiens et à établir des directives auprès des praticiens, celles-ci prenant la forme de protocoles cliniques.
Des services plus accessibles
Convaincu que le développement des cliniques de santé permettra de désengorger les hôpitaux et d’offrir des soins à meilleur coût, le groupe recommande d’en accélérer le développement avec l’objectif d’assurer à chaque Québécois l’accès à un médecin de famille, d’ici cinq ans.
Par ailleurs, le groupe formule certaines recommandations à l’égard du vieillissement et de la perte d’autonomie. Ainsi, les membres du groupe recommandent que le gouvernement accorde la priorité au maintien à domicile et qu’il soutienne à cette fin, dans ce secteur, un niveau élevé d’investissement. Compte tenu que les ressources sont limitées, le groupe de travail recommande que l’admissibilité à un crédit d’impôt fasse l’objet d’un test de revenus.
Le groupe recommande également que les soins médicaux, infirmiers et spécialisés couverts à domicile le soient de manière universelle par le régime public. Tout en recommandant que le ministère de la Santé et des Services sociaux confie en concession, aux ressources appropriées, l’opération des CHSLD, les membres du groupe conviennent de la nécessité d’engager une réflexion sur les répercussions du vieillissement de la population, sur le moyen et le long terme.
Innovations et rôle du secteur privé
Le groupe de travail propose un certain nombre d’initiatives afin d’améliorer l’accès aux soins dont un rôle accru du secteur privé dans le but d’en faire un allié du secteur public. Ainsi, le groupe recommande qu’un médecin puisse être autorisé à exercer selon une pratique mixte, à l’intérieur des limites prescrites et sous condition d’une entente avec son établissement.
Le rapport propose également que la loi autorise le recours à l’assurance privé pour des services déjà couverts par le régime public. Il suggère de plus la mise en oeuvre de projets de démonstration visant à tester d’autres modes de gestion d’hôpitaux sans but lucratif afin d’identifier de nouvelles voies fructueuses. Ces trois recommandations ont cependant fait l’objet d’une position dissidente par l’un des membres du groupe, M. Michel Venne.
Par ailleurs, les membres proposent que les initiatives relativement au rôle du secteur privé et celles découlant des gestes déjà posés par le gouvernement soient évaluées sur un horizon de cinq ans.
Des médicaments mieux utilisés
Le groupe de travail propose au gouvernement de resserrer les règles relatives à l’application des mesures d’exception prévues au Régime général d’assurance médicaments en tenant compte impérativement des avis du Conseil du médicament.
Il propose également que soit confiée à un seul organisme l’autorité sur l’ensemble des avis émis, au sein du système de santé, sur la valeur thérapeutique et sur le rapport coût-efficacité des médicaments. Il recommande finalement de modifier les paramètres du régime public d’assurance médicaments de manière à ce que les adhérents assument l’intégralité du coût du régime pour leur groupe d’assurés.
Revoir la gouvernance
Les efforts réalisés à ce jour pour améliorer la qualité des soins n’ont pas permis de corriger certains problèmes observés au chapitre de la gouvernance. Les membres du groupe s’entendent sur la nécessité de bien distinguer les structures de gouvernance du système des producteurs de services. Ainsi, le groupe recommande de recentrer la mission du ministère de la Santé et des Services sociaux sur, notamment, l’établissement de la politique et des objectifs de santé et qu’il se désengage de la production des soins proprement dite.
À l’égard des agences régionales, le groupe est d’avis qu’elles devraient avoir notamment pour mission de traduire la politique et les priorités nationales en stratégies d’implantation sur leurs territoires. Tout en reconnaissant la nécessité pour celles-ci de bénéficier d’une large autonomie, le groupe suggère de regrouper les 18 agences actuelles en 6 à 8 agences. Le groupe formule également un ensemble de recommandations visant à accroître l’autonomie des producteurs de services – les CSSS, les cliniques de santé et les autres établissements – tout en les rendant davantage responsables de leur gestion.
Les membres du groupe préconisent un système de santé fondé sur la reconnaissance des droits et des obligations de chacun. Ainsi, tout en reconnaissant leur liberté professionnelle, ils recommandent que des ententes contractuelles soient désormais établies entre les médecins, et les établissements ou les cliniques.
Le groupe est finalement d’avis qu’un programme doit être mis en place afin d’évaluer la performance des établissements et que les résultats des évaluations soient publicisés périodiquement. Il recommande finalement de chapeauter chaque agence régionale et chaque établissement par un conseil d’administration composé d’un nombre limité de membres indépendants, choisis en raison de leur compétence, et qu’ils soient rémunérés.
Allocation des ressources
Le rapport fait ressortir que presque tous les pays industrialisés ont procédé à une modification plus ou moins profonde de leur mode de budgétisation des établissements dans le but de mieux contrôler la hausse des coûts de santé. Ces modifications découlent d’un constat commun : les anciens modes budgétaires n’incitent pas à l’efficacité.
Devant ce constat, le rapport recommande que pour le financement des établissements, la méthode des budgets historiques soit remplacée de façon progressive par la méthode d’achat de services. Dans un tel contexte, les établissements auraient un intérêt financier à bien desservir leurs patients puisque l’argent suivrait ces derniers au lieu des les précéder.
Le compte santé
Les membres du groupe proposent aussi que le ministère de la Santé et des Services sociaux produise chaque année un compte santé qui serait déposé par le ministre à l’Assemblée nationale et étudié en commission parlementaire.
Le groupe de travail présente dans son rapport un exemple de ce que pourrait être le compte santé. L’objectif d’une telle publication est de disposer d’un bon portrait du financement de la santé ainsi que d’un outil d’analyse rigoureux et opérationnel.
Loi canadienne sur la santé
Afin de répondre à son mandat, le groupe de travail a procédé à une réflexion concernant la Loi canadienne sur la santé. À la lumière de cette démarche, le groupe est d’avis que la loi canadienne gène l’évolution des systèmes publics de santé des provinces canadiennes et que cette loi devra, tôt ou tard, être adaptée aux réalités d’aujourd’hui.
Pour les membres du groupe, les dispositions inadaptées et indûment contraignantes de la Loi canadienne sur la santé devraient faire place à un cadre souple favorisant l’adaptation des systèmes de santé des provinces, fondé sur le respect de leur compétence en la matière.
Autres recommandations
Le rapport contient d’autres recommandations, notamment, au chapitre de la prévention de la maladie, de la promotion de la santé, de l’organisation du travail, des relations avec les syndicats et des frais accessoires pour les cliniques de santé. Enfin, le groupe de travail recommande la mise en oeuvre d’un programme permanent de réévaluation des frais administratifs et de révision de la tarification des services.
Conclusion
Le groupe de travail ne remet en cause aucun des principes fondamentaux du régime actuel. Les changements qu’il propose sont cependant majeurs. Le principal défi que nous avons à relever collectivement est d’adapter notre système de santé aux réalités et au contexte du XXIe siècle.