AUTORITÉ RÉGLEMENTAIRE des régimes de retraite privés,
la Régie des rentes du Québec vise ce qu’il y a de mieux
pour les travailleurs. Or, le mieux est parfois l’ennemi du bien. Sa récente
suggestion de surcapitaliser les régimes pourrait nuire à un autre
objectif de la RRQ, soit d’encourager un plus grand nombre d’employeurs
à offrir des régimes à prestations déterminées.

Les membres de l’Association canadienne des gestionnaires de fonds de
retraite, communément appelée PIAC, gèrent plus de 680
milliards$ pour le bénéfice de millions de participants. La section
québécoise a présenté un mémoire à
la Régie à la suite de son excellent document de consultation
: «Vers un meilleur financement des régimes de retraite à
prestations déterminées ».

Selon nous, les régimes à prestations déterminées
permettent le regroupement d’actifs importants, ce qui facilite la gestion
professionnelle, la diversification et la gestion des risques pour les participants,
notamment celui de prendre sa retraite après une sévère
correction de marché. Ils permettent aussi de réduire significativement
les frais de gestion par rapport aux régimes à cotisation déterminée
et aux REER. Par conséquent, le rendement – net des frais –
est généralement plus élevé pour les caisses de
retraite à prestations déterminées, ce qui réduit
le coût de la retraite pour l’ensemble de la société.

Nous comprenons le désir du législateur de protéger les
bénéfices promis aux participants. Toutefois, cette notion de
sécurité doit s’interpréter dans une perspective
plus large. Qui plus est, il faut éviter d’accroître une
complexité qui rebute déjà les employeurs.

La Régie comprend que les promoteurs, qui doivent combler les déficits
actuariels créés par les aléas des marchés, soient
troublés par l’incertitude entourant la propriété
d’éventuels surplus. Cette asymétrie économique créé
par certaines décisions des tribunaux nuit considérablement à
la pérennité des régimes à prestations déterminées.

Les estimations des actuaires de la valeur du passif et de l’actif seront
souvent révisées dans la longue vie d’un régime de
retraite. La RRQ propose néanmoins une provision pour écart défavorable
obligeant les régimes à maintenir un actif supérieur au
passif afin de parer aux aléas des marchés.

PIAC n’appuie pas cette mesure car elle entraînerait une hausse
importante des coûts, qui inciterait les promoteurs à mettre fin
à leur régime, plutôt qu’à consolider la sécurité
des futurs retraités.

Cette obligation de surcapitalisation augmenterait artificiellement le passif
des régimes sans nécessairement réduire la fluctuation
des cotisations. De plus, en alourdissant la charge financière des entreprises,
elle affaiblirait leur compétitivité face à leurs concurrents
des autres provinces et pays. Enfin, elle accentuerait le problème d’asymétrie
économique que la RRQ dit pourtant vouloir diminuer. En effet, pourquoi
les promoteurs entreprises voudraientils créer un coûteux surplus
de 10 %, si sa propriété est incertaine?

D’autres mesures proposées par la RRQ, jumelées à
nos suggestions, suffisent à limiter le risque des participants, tout
en réduisant l’asymétrie entre le traitement des surplus
et des déficits. Par exemple, la mesure transitoire qui porte la période
d’amortissement des déficits de solvabilité de cinq à
dix ans, à condition qu’elle soit assortie d’une garantie
financière. Cette mesure, suggérée à l’origine
par PIAC et que nous voudrions permanente, accorde plus de souplesse aux promoteurs
des régimes pour faire face aux aléas des marchés, tout
en protégeant les participants.

À cet égard, la notion de «garantie» pourrait être
élargie pour permettre une «clause banquier». Ainsi, au lieu
d’utiliser des instruments financiers, telle une lettre de crédit
qui garantie la sécurité des prestations de retraite sans générer
de rendement pour la caisse de retraite, des cotisations en dollars pourraient
être versées à la caisse et être remboursables lorsque
le régime atteindra le seuil de la pleine capitalisation sur une base
de solvabilité(100%). Pour fins de simplicité, le remboursement
pourrait se limiter aux cotisations versées, sans tenir compte des rendements
obtenus sur ces sommes.

Comme le mentionnait récemment le gouverneur de la Banque du Canada,
David Dodge, les régimes à prestations déterminées
apportent des bénéfices économiques considérables,
tant au retraité qu’à l’ensemble de la société.
Malheureusement, leur survie est menacée car plusieurs entreprises estiment
que le jeu n’en vaut plus la chandelle. Le législateur doit les
encourager à persévérer, plutôt que d’imposer
de nouvelles charges.