L’Organisation mondiale de la santé(OMS)définit la santé
comme étant « la mesure par laquelle une personne ou un groupe
peut réaliser ses aspirations et satisfaire ses besoins en plus de s’adapter
aux changements et au milieu ». Dans cette perspective, les programmes
de promotion de la santé améliorent la santé globale des
employés et la santé financière de l’organisation.
En effet, on observe que chez les entreprises qui se sont dotées d’un
programme de santé, les employés offrent un meilleur rendement,
s’absentent moins souvent pour des raisons de santé et restent à
leur emploi plus longtemps.

Les programmes de promotion de la santé au travail se sont multipliés
au cours des dernières années aux États-Unis ainsi qu’au
Canada. Au Québec, quelques initiatives sont rapportées, mais
force est de constater que ce ne sont pas la majorité des entreprises
québécoises qui offrent des activités en promotion de la
santé au travail. Leur faible implication dans la promotion de la santé
peut s’expliquer, en partie, par le fait que contrairement aux entreprises
québécoises et canadiennes, les entreprises américaines
assument l’ensemble des soins de santé, y compris l’hospitalisation et
les visites médicales. Toutefois, cette situation est en train de changer.

Le déficit santé des entreprises
Déjà, en 1998, le Dr Kenneth Pelletier de l’Université
de Stanford, chercheur émérite en gestion des programmes de santé
en entreprise, affirmait lors d’une conférence donnée à
Montréal, que les coûts de santé atteindraient des proportions
telles qu’il faudrait tôt ou tard que les entreprises québécoises
s’y intéressent. Depuis les dernières années, sa prédiction
semble se confirmer avec l’augmentation sans cesse croissante des primes
d’assurances qui auront possiblement doublé d’ici 2010. Les
primes versées par les employeurs et les employés, notamment pour
l’assurancevie, l’assurance-invalidité et l’assurancemédicaments,
ont augmenté de 15-16 % par année en moyenne au cours des trois
ou quatre dernières années. Certains régimes ont même
vu leurs primes augmenter de plus de 40 %.

À titre d’exemple, considérons un régime dont les
primes globales coûtent cette année 3 000 $ par employé,
en moyenne, payées au deux tiers par l’employeur(2000 $)et au
tiers par l’employé(1000 $). Si rien ne change, ces primes pourraient
coûter globalement 6 000 $ en 2010, soit 4 000 $ à l’employeur
et 2 000 $ à chaque employé.

Aussi, avec le vieillissement de la population et les médicaments qui
coûtent de plus en plus cher, cette tendance sera lourde à renverser.
Les chiffres qui suivent en témoignent : les personnes âgées
de 45 à 55 ans dépensent deux fois plus en médicaments
que ceux de 25 à 35 ans, tandis que les personnes de 55 à 65 ans
dépensent en moyenne trois fois plus.

D’autres données sont tout aussi révélatrices des
impacts financiers pour les entreprises des problèmes de santé
de leurs employés. Ainsi, les données de Statistiques Canada révèlent
que :

  • Les problèmes reliés au stress et au surplus de travail coûtaient
    aux employeurs plus de 12 milliards de dollars annuellement.
  • Statistiques Canada a aussi rapporté qu’environ 9,3 jours
    complets de travail sont perdus chaque année par employé pour
    des raisons personnelles ou de santé.
  • Le coût indirect, comme le temps perdu en raison de limitations à
    court et à long terme et les futures pertes de productivité
    dues à la mortalité prématurée et à la
    maladie, serait estimé à 129 milliards de dollars au Canada.

Des programmes santé personnalisés
Conscientes de la valeur de leurs employés en tant qu’individus
et soucieuses d’attirer et de retenir une main-d’oeuvre qualifiée,
de plus en plus d’entreprises cherchent à développer leurs
ressources humaines en misant sur la promotion de la santé, du mieux-être
au travail et les avantages sociaux indirects. D’autres sont plutôt
animés par la volonté de trouver des solutions à la croissance
des coûts des avantages sociaux. Ces entreprises tentent par divers moyens
de freiner l’escalade des coûts et l’un d’eux est la
mise en oeuvre de programme de santé et de mieux-être axé
sur la prévention, le dépistage des maladies et l’adoption
de saines habitudes de vie.

Les employés sont la plus grande richesse d’une entreprise et
des employés qui perçoivent que leur employeur est préoccupé
par leur mieux être et leur santé ont plus à coeur le succès
de l’entreprise et s’absentent moins souvent pour des raisons de
santé.

L’élaboration d’un programme de gestion de la santé
en entreprise repose sur une analyse des besoins des employés et de l’employeur
et le développement d’une approche personnalisée en matière
de services de santé, en réponse à ces besoins. Plusieurs
activités sont offertes aux entreprises telles que les profils santé,
les kiosques santé, les conférences en milieu de travail, les
conseils santé d’infirmières. Voici quelques exemples :

Évaluation de l’état de santé
Grâce à un questionnaire sur la santé et les habitudes de
vie(alimentation, stress, activité physique, consommation
de médicaments, tabagisme, etc.), l’employé a accès
à son profil santé personnalisé.

Activités d’éducation à la santé
et de dépistage de problèmes de santé

Par le biais de journées santé réalisées dans le
milieu de travail, les employés peuvent bénéficier de l’expertise
d’infirmières, de nutritionnistes, de kinésiologues qui
les conseillent sur différents aspects de leur santé(tension
artérielle, glycémie, cholestérol sanguin, poids santé,
alimentation, etc.). Des cliniques de vaccination ainsi que de la diffusion
d’information(affiches, capsules santé sur Intranet, bulletins
santé)sont aussi prévues au programme.

Ateliers et conférences
Selon les besoins exprimés par les employés, plusieurs thèmes
peuvent être développés dans le cadre de rencontres et d’échanges
d’information : gestion du stress, saine alimentation, activité
physique, cessation tabagique, conciliation travail-famille, etc.

Des suivis personnalisés
Pour les personnes ayant besoin d’une aide personnalisée pour un
problème de santé particulier, le service de consultation téléphonique
avec une infirmière offre le soutien nécessaire pour la saine
gestion de la santé, avec un accent particulier sur les habitudes de
vie. Les suivis offerts touchent différentes problématiques :
aide en cessation tabagique, contrôle du diabète, de l’hypercholestérolémie,
de l’hypertension, du poids, etc.

L’évaluation du retour sur l’investissement
On reconnaît intuitivement qu’un milieu de travail sain est aussi
avantageux pour l’entreprise que pour les gens qui y travaillent mais il faut
démontrer que c’est rentable pour obtenir l’appui de la haute
direction et les budgets requis pour implanter des programmes de gestion de
la santé. Le facteur de succès des programmes de mieux-être
et de promotion de la santé en entreprise réside donc dans la
capacité de quantifier l’impact des activités et le retour
sur l’investissement.

Il est indispensable de prévoir, dans la planification, une méthodologie
d’évaluation qui évite le piège de la gestion en
silo et qui quantifie notamment les conséquences de ne pas intervenir,
l’atteinte des objectifs, l’amélioration du climat de travail
et la réduction des coûts d’invalidité et des services
assurés par le régime d’assurance collective.

Les programmes de gestion et de promotion de la santé gagneront en popularité
dans la mesure où l’on s’assure de quantifier, de façon
intégrée, leurs effets sur le rendement global du personnel et
leur incidence sur l’organisation.

La prévention, c’est rentable
Les entreprises qui investissent dans la promotion de la santé de façon
professionnelle obtiennent des résultats mesurables:

  • Réduction des coûts d’absentéisme, d’invalidité
    et de roulement de personnel
  • Amélioration du moral des employés
  • Accroissement de la productivité, du rendement et de la qualité
  • Augmentation de la satisfaction des clients et des collaborateurs
  • Amélioration de l’image de l’entreprise

Plus le nombre de saines habitudes de vie augmentent chez un employé,
plus il est probable qu’il s’absente moins de 10 jours par année.
La majorité des études réalisées ont démontré
que les bénéfices d’un programme de santé en entreprise
varient de 500 à 700 $ par travailleur par année.

Il est de plus en plus établi que les programmes de santé en
entreprise sont rentables. Alors, la question n’est plus de savoir si
oui ou non une entreprise devrait adhérer à un tel programme,
mais bien de s’interroger sur ses besoins, sur la meilleure façon
de l’implanter et de l’évaluer pour un rendement optimal.

Christian Carrier est psychologue et associé du Groupe Pro Santé

Jacques Hébert FICA, FSA, est vice-président, Groupe-conseil
Aon