
Des critères de type intangibles ont souvent un poids important dans les prises de décisions. Ce n’en est pas moins le cas pour des membres de comités de placement et des consultants lorsqu’ils examinent des services de gestion de portefeuille. Une étude réalisée dans le cadre d’une maîtrise en administration des affaires (MBA)1 a en effet révélé que lors de la sélection de gestionnaires de portefeuille, les comités accordent un poids total de près de 50 % à la qualité des services, à l’aspect relationnel et à l’image de marque.
Or, les services étant par nature intangibles, il demeure bien difficile de pouvoir en évaluer la qualité avant de les avoir reçus. En fait, seulement deux critères permettraient de le faire, soit l’aspect matériel (par exemple les présentations, le site internet ou même l’apparence du personnel) et la crédibilité (celle de la firme et du personnel). Qui plus est, selon les créateurs américains du modèle SERVQUAL2, qui permet de mesurer la qualité des services, deux autres critères liés à la qualité seraient plus difficilement évaluables, et ce, même après avoir reçu les services. Nous parlons ici de la compétence et de la sécurité.
Néanmoins, la majorité des membres de comités de placement accordent fort probablement une importance capitale à la compétence de même qu’à la sécurité, lors de la sélection de nouveaux gestionnaires de portefeuille. Se doter alors d’une grille d’évaluation rigoureuse pourrait sans aucun doute être fort utile. Cette dernière aiderait à évaluer de façon plus rationnelle ces éléments plus intangibles.
Pour développer une telle grille, les membres de comités de placement pourraient tout d’abord déterminer leurs critères essentiels de sélection de gestionnaires de portefeuille en se posant certaines questions. Par exemple, quel niveau d’importance devrait-on accorder à la capacité de la firme de gestion d’actifs et du gestionnaire de portefeuille d’offrir des services et une performance de façon constante? On pourrait aussi s’interroger quant à l’importance de leur capacité d’honorer les promesses faites. Devrait-on miser sur des communications claires et transparentes ? Une dernière considération pourrait être l’importance à accorder au sérieux et à la réputation de la firme et de son personnel.
Une fois créée, cette grille d’évaluation pourrait être approfondie en déterminant, le plus concrètement possible, des éléments précis qui permettent d’évaluer chacun des critères sélectionnés. À titre d’exemple, le comité pourrait examiner la pertinence des articles et commentaires écrits ou même les entrevues avec les médias réalisées par les gestionnaires de portefeuille afin d’aider l’évaluation de la compétence de ces derniers.
Au-delà des critères liés à la qualité des services, le même exercice serait également avantageux sur le plan des critères d’ordre relationnel. En effet, et à l’instar des résultats de la recherche mentionnée ci-haut, la confianceenvers l’équipe d’investissement et de la firme de gestion d’actifs est sans doute une condition sine qua non pour bien des membres de comités de placement lors de la sélection de gestionnaires de portefeuille.
D’ailleurs, une recherche sur la confiance des investisseurs effectuée par Edelman Berland pour le compte de l’Institut CFA en 2013 abonde en ce sens. Cette étude fût menée à travers le monde et plus de 2000 investisseurs, dont 500 investisseurs institutionnels, furent interrogés. Les résultats ont démontré que le plus important facteur dans la prise de décision d’embauche est que l’investisseur fait confiance au gestionnaire d’actifs pour agir dans son meilleur intérêt. De plus, les attributs qui génèreraient de la confiance sont principalement liés au comportement du gestionnaire.
Le tableau ci-dessous présente des critères liés à la qualité des services et d’autres d’ordre relationnel que peuvent utiliser les promoteurs de régime de retraite lors de la sélection de gestionnaires de portefeuille. Il restera alors à définir lesquels sont les plus importants pour chaque comité, et quels éléments précis et tangibles pourraient être utilisés pour bien les évaluer, tout en leur donnant une pondération respective. Ce même tableau pourrait aussi être adapté afin d’évaluer les firmes de gestion d’actifs et gestionnaires une fois après ces derniers embauchés. En se basant sur des éléments concrets, les membres de comité de placement seront non seulement bien outillés, mais sauront rendre tangible l’intangible.
Isabelle Gervasio, MBA est gestionnaire du marketing de produit chez Croesus Finansoft.
Liste d’éléments intangibles |
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Critère |
Définition |
CRITÈRES RELIÉS À LA QUALITÉ DES SERVICES |
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Accessibilité |
Capacité d’avoir un accès direct à l’équipe d’investissement et aux hauts dirigeants. |
Aspect matériel |
Apparence du support matériel, des communications et celui du personnel. |
Communication |
Qualité des communications, transparence, moyens utilisés pour informer, pertinence des informations, rapidité de partage des informations, niveau d’écoute. |
Compétences |
Compétences et connaissances de l’équipe d’investissement et du personnel de soutien. |
Compréhension des clients |
Capacité de l’entreprise à comprendre les besoins des clients. Inclut la capacité de procurer une attention personnalisée. |
Courtoisie |
Politesse, amabilité et respect de la part de tout le personnel. |
Fiabilité |
Capacité de la firme de gestion d’actifs d’offrir un service et un rendement de façon constante, de toujours réaliser le service correctement et d’honorer ses promesses. |
Personnalisation des services |
Capacité de la firme de gestion d’actifs de personnaliser ses services et portefeuilles selon des besoins spécifiques des clients. |
Réactivité |
La volonté du personnel de servir les clients et la rapidité avec laquelle ils réalisent le service. |
Sécurité |
L’absence de danger, de risque et de doute. Inclut la sécurité financière et la confidentialité des renseignements fournis. |
CRITÈRES D’ORDRE RELATIONNEL |
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Confiance |
Faire affaire avec une firme en qui l’on a confiance et qui est intègre. |
Crédibilité |
Sérieux, honnêteté et réputation de la firme et de ses employés. |
Engagement |
Degré d’engagement d’une firme dans la relation avec le client. Temps et ressources alloués pour développer et maintenir la relation. Efforts supplémentaires qu’elle démontre pour ce faire. |
Satisfaction |
Satisfaction générale envers les services fournis pour répondre aux besoins et objectifs au fil du temps. |
Valeurs communes |
Partage des mêmes valeurs, ex. : investissement socialement responsable (ISR). |
Tableau inspiré du modèle de Parasuraman et coll. (1985) et de celui de Theron (2008) puis adaptés par Isabelle Gervasio.
1 Gervasio, Isabelle (2013). « Motivations d’achat des comités de placement et des consultants lors d’acquisition de service de gestion de portefeuille.» Recherche marketing dirigée dans le cadre d’un MBA effectué à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.
2 Parasuraman, A., Zeithaml, V. and Berry, L. (1985). « A Conceptual Model of Service Quality and Its Implications for Future Research. » Journal of Marketing, volume 49, numéro 4, p. 41-50.