La répartition d’actifs des régimes de retraite à travers le monde est depuis longtemps dominée par les obligations(pour limiter le risque relatif aux engagements des régimes)et les actions, pour lesquelles un rendement supérieur est attendu. Les actions ont conséquemment été la principale source de risque.
Après la débâcle boursière du début de la décennie, les caisses de retraite ont cherché à réduire leur exposition liée aux actions en augmentant leur allocation à d’autres catégories d’actifs. La figure1 montre qu’en moyenne, les caisses ont placé leurs portefeuilles pour plus de la moitié en actions et pour une fraction minime dans des actifs moins classiques, exception faite de l’immobilier.
Bon nombre de régimes sont actuellement sous capitalisées, et on voit mal comment les seuls marchés boursiers et obligataires les tireraient d’affaire, étant donné l’appétit général pour le risque et le désir d’éliminer les déficits dans des délais raisonnables.
Aussi les caisses de retraite doivent-elles trouver de nouvelles sources de rendement, sinon le manque à gagner devra être comblé par des cotisations additionnelles.
Nouvelles sources de rendement
Comme le démontre la figure 1, les caisses souhaitant voir au-delà des actions ont choisi l’immobilier, sauf dans quelques pays où elles ont misé sur des fonds de couverture ou des placements privés. Ces changements ont entraîné une diversification qui a permis de s’éloigner de la prime de risque des actions. Par contre, à mesure que les caisses de retraite investissent en plus grand nombre dans ce type de placements, les occasions de rendements supérieurs diminuent, bien que les bénéfices de la diversification pour atténuer le risque demeurent.
Évidemment, toutes les catégories d’actifs ne permettent pas d’obtenir des rendements supérieurs. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles certaines catégories peuvent être avantageuses, particulièrement si le marché est:
-relativement inconnu
-nouveau
-peu analysé
-insécurisant
Mais plus il y a d’investisseurs à l’affût d’une occasion sur un marché donné, moins celui-ci a de chances de procurer un rendement supérieur. La plus forte espérance de gain réside donc dans les catégories non classiques, qu’on a avantage à découvrir avant les autres, c’est-à-dire d’être en quelque sorte un pionnier.
Figure 1 – Répartitions moyennes de caisses de retraite par pays
La prime du pionnier
Dans le monde des affaires, la première société importante à défricher un nouveau marché peut bénéficier d’une «prime du pionnier». Elle peut prendre sa part du marché sans concurrence, bâtir une fidélité chez ses clients et établir une tarification à son avantage.
Dans le monde des placements, être pionnier consiste à déceler et à investir dans les marchés et les catégories d’actifs d’avenir tôt dans le cycle et à les exploiter avant les autres. Ces occasions – stratégiques plus que tactiques – offrent aux investisseurs pionniers de hauts rendements potentiels. Cela est d’autant plus vrai lorsque la question de la capacité entre en jeu.
Par définition, une catégorie d’actifs qui fait déjà l’objet d’un article dans une publication comme celle-ci a peu de chances d’offrir toutes les caractéristiques d’une occasion réellement pionnière. Mais plusieurs catégories assez nouvelles et dites «alternatives» peuvent être prometteuses, parce qu’elles n’ont pas encore attiré beaucoup de capitaux de la part des investisseurs institutionnels(voir les exemples dans les encadrés). De plus, elles procurent les avantages de la diversification, améliorant ainsi l’efficience des placements.
Défis en matière de gouvernance
Une caisse de retraite qui investit dans une nouvelle catégorie d’actifs qui n’est pas encore populaire peut se heurter à plusieurs défis. Non seulement est-il nécessaire de posséder les aptitudes pour découvrir une occasion avant les autres, mais il faut également avoir la capacité de l’exploiter. Cela est exigeant sur le plan de la gouvernance, et nous pensons que seule une caisse possédant une structure solide à cet égard pourra réussir hors des sentiers battus.
Les défis à relever tiendront du fait que:
- les responsables des placements de la caisse auront sans doute peu de connaissances au sujet de la nouvelle catégorie d’actifs et ne pourront guère profiter de l’expérience d’autres investisseurs;
- les placements de la caisse se distingueront des autres caisses, ce qui engendre un risque pour sa réputation;
- le choix du «moment idéal» pour investir est délicat et fait courir le risque d’un engagement prématuré;
- la structure de gouvernance de la caisse et les outils de gouvernance peuvent ne pas être suffisants pour bien gérer le placement.
Surmonter ces défis suppose un bon accès à des ressources, soit internes ou externes, ainsi qu’un processus dynamique de repérage d’occasions intéressantes. Afin de gérer convenablement le risque de la caisse, il serait probablement opportun de détenir plusieurs petites positions dans les catégories d’actifs non classiques. Finalement, à défaut d’avoir en place une structure de gouvernance supérieure et des outils bien rodés, mieux vaut laisser passer l’occasion.
Dans les exemples des encadrés, nous donnons un bref aperçu de deux sortes d’actifs non classiques qui deviennent plus accessibles aux caisses de retraite. Nous ne les décrivons pas pour en analyser les mérites ou voir si elles constituent un placement souhaitable dans le contexte actuel, mais simplement pour illustrer l’immense variété des possibilités. Avant de s’engager dans une telle voie, les investisseurs ont intérêt à faire leurs devoirs, et à faire appel à des services-conseils appropriés en matière de placements.
Bourse du carbone
Un nombre croissant de gens préoccupés d’environnement estiment que le rejet dans l’atmosphère terrestre de gaz à effet de serre(GES)provoquent un réchauffement planétaire, des variations climatiques locales plus complexe et un plus grand nombre de catastrophes naturelles. Il s’ensuit que de nombreux États et organismes supranationaux sont convaincus de l’urgence de réduire ces émissions pour essayer d’en atténuer les effets. Il existe deux moyens de réduire les rejets de GES:
- l’instauration de plafonds limitant les émissions;
- l’imposition de taxes sur le carbone rejeté.
Bien que le Protocole de Kyoto ne soit pas appliqué de façon complète, il met en place les éléments nécessaires à la création d’un marché des GES, qui est issu de décisions politiques et ne peut fonctionner que s’il est encadré par les lois. Tant que les États restent résolus à réduire les émissions de GES, mais que les mesures prises dans ce sens restent limitées, les prix des émissions de carbone peuvent continuer à monter. C’est pourquoi des investisseurs institutionnels souhaiteront peut-être sonder ce marché afin d’en évaluer les risques et les possibilités.
À l’heure actuelle, seuls les investisseurs de grande taille ont accès à ce marché, en général par le biais de fonds de couverture qui y investissent dans le cadre d’une foule d’autres stratégies. Ces fonds ont eu tendance à se concentrer sur les occasions de placement à relativement court terme. On assiste, depuis peu toutefois, à la multiplication de fonds spécialisés qui, disposant d’experts dans les domaines visés et ayant en plus une approche à long terme, «investissent» littéralement dans le carbone au lieu d’y spéculer à court terme.
Prêts à effet de levier
Ce type de prêt constitue des prêts consortiaux consentis à des emprunteurs américains ou européens dont la cote de crédit est en deçà d’une cote de première qualité. L’effet de levier, ici, qualifie la structure sous-jacente du produit et non le placement de l’investisseur. Toutefois, les gestionnaires de portefeuille auront tendance à offrir un éventail de fonds, avec ou sans un effet de levier appliqué à chaque fonds.
En général, les prêts à effet de levier sont des prêts de qualité inférieure à taux flottant mais de rang supérieur dans la structure de capital du débiteur. De ce fait, ils ont tendance à donner lieu à moins de défaillances que les obligations. Il en existe principalement deux types:
- ceux émis par des sociétés de placement privé visant à financer des acquisitions à levier;
- ceux destinés à financer les affaires de l’emprunteur.
Pour réussir dans ce genre de catégorie, il faut avoir un gestionnaire très compétent, capable de repérer les occasions de placements, et donc d’avoir des relations au sein des sociétés de placement privé et des syndicats de banques. En outre, le gestionnaire doit avoir les compétences nécessaires pour analyser le crédit, particulièrement pour éviter les défaillances.
Les investisseurs ont plutôt accès à cette catégorie d’actifs par des caisses en gestion commune, bien que les gestionnaires étalent souvent les entrées d’argent dans le temps pour préserver l’effet de levier du portefeuille. Malgré son développement, le marché des prêts à effet de levier est assez restreint. Par conséquent, la capacité est plutôt limitée. En outre, les honoraires des gestionnaires sont relativement élevés.
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