Près d’un travailleur sur quatre occupe désormais deux emplois, un phénomène entre autres lié au contexte inflationniste qui réduit le pouvoir d’achat des Canadiens.
C’est ce qui ressort d’un sondage en ligne réalisé pour le compte de TurboImpôt entre le 25 janvier et le 11 février dernier auprès de 1521 adultes canadiens sélectionnés au hasard et qui indique que 23 % des travailleurs ont déclaré avoir une activité secondaire, c’est-à-dire un second emploi rémunéré, en plus de leur travail principal.
Ces données rejoignent les observations non chiffrées de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec (CRHA). « Dans le contexte actuel, on voit effectivement des gens qui se trouvent un travail d’appoint, surtout le soir ou la fin de semaine », commente Manon Poirier, directrice générale des CRHA.
Le tout converge également avec les résultats d’une étude menée par H&R Block, publiée plus tôt ce mois-ci et dans laquelle on apprenait que 85 % des Canadiens étaient inquiets que leur revenu ne suive pas le rythme de l’inflation; ce faisant, 28 % auraient pris des mesures pour joindre les deux bouts, comme un deuxième emploi ou un passe-temps rémunéré, une statistique en hausse de 13 % par rapport à l’année précédente.
De plus, les jeunes sont majoritairement plus occupés, alors que 52 % des travailleurs en situation de double emploi appartiennent à la génération Z et 34 % des autres sont des millénariaux.
« Ça s’explique facilement: les jeunes sont les personnes les plus endettées, estime le chroniqueur économique François Gagnon, également porte-parole de TurboImpôt. Au cours des dernières années, plusieurs ont profité des taux d’intérêt plus bas pour acheter une propriété ou pour changer de voiture, mais avec la hausse de ces taux, ils se sont fait rattraper, c’est pourquoi certains vont chercher un deuxième, voir un troisième emploi pour joindre les deux bouts. »
La transparence pour profiter du pécule
Dans tous les cas, la prudence et la transparence sont de mise envers son – ou ses – employeur(s) afin d’éviter tout malentendu.
« Si on occupe un deuxième emploi en dehors de nos heures de travail, c’est une bonne pratique d’aviser son employeur, relève Mme Poirier. Dans plusieurs contrats de travail, on peut retrouver des clauses qui préviennent les employés de ne pas se placer dans des situations de conflit d’intérêts en travaillant pour une autre organisation dont les buts ou la mission serait contraire à celle de notre employeur, ou pour un compétiteur, par exemple. »
La possibilité de faire du télétravail a assurément facilité le cumul des emplois; en 2016, à peine 4 % des travailleurs travaillaient de la maison, une proportion qui a grimpé à 32 % en 2021, en raison de la pandémie de COVID-19, selon des données de Statistique Canada. Parmi ceux qui travaillent désormais majoritairement à domicile, près de 90 % ont déclaré être au moins autant, sinon davantage productifs.
Cela étant dit, rien ne semble indiquer qu’au Québec ou même à l’échelle canadienne, des travailleurs profitent du travail à domicile pour cumuler deux emplois à temps plein, une nouvelle tendance observée entre autres aux États-Unis et en Europe.
« Si c’est le cas, ça demeurerait somme toute assez marginal, estime Mme Poirier. Ça serait difficile de travailler le double dans une semaine de travail sans que cela ne se reflète dans le rendement d’au moins un des deux emplois. »
Encore une fois, le devoir de loyauté et la confiance entre un patron et un travailleur doivent primer, selon la directrice générale. « Ce lien de confiance pourrait être brisé si un employeur apprenait qu’un de ses employés travaillait pour une autre organisation alors qu’il est payé pour oeuvrer pour lui. »
Des impacts sur la fiscalité personnelle
Le cumul de deux emplois a des impacts sur la déclaration de revenus que les travailleurs doivent remplir d’ici le 30 avril prochain, rappelle TurboImpôt, qui a constaté dans le cadre de son enquête qu’à peine un peu plus de la moitié.
« Quand on occupe plus d’un emploi, ça se peut qu’on change de palier d’imposition, alors il faut prévoir qu’on va en payer un peu plus », souligne M. Gagnon.
Au Québec, 83 % des répondants ont reconnu que la situation économique avait eu un impact important sur leurs finances personnelles, mais seulement 19 % accordent une importance à leur remboursement d’impôt.
« C’est parce que 60 % des Québécois ne font pas de budget, indique M. Gagnon. D’où l’importance de parler finances et des avantages qui découlent d’une meilleure planification. »
Or, une bonne planification de ses dépenses déductibles et la réclamation de toutes les déductions auxquelles on a droit peuvent s’avérer profitables. « Beaucoup de gens oublient de faire le tour de leurs frais médicaux, qui leur donnent droit à des déductions, illustre le chroniqueur. Il y a aussi des étudiants qui ne remplissent pas leur déclaration parce qu’ils n’ont pas eu de revenu, mais qui auraient droit à des crédits d’impôt avantageux. »
Pour être représentatifs de la réalité, les résultats du sondage de Maru réalisé pour TurboImpôt ont été pondérés selon l’éducation, l’âge, le sexe, la région d’appartenance et la langue parlée à la maison.