
L’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés suggère au gouvernement du Québec d’exiger plus de transparence de la part des employeurs.
Il n’est pas question de dévoiler les salaires de tout un chacun, mais de mieux présenter et expliquer les échelles salariales d’une entreprise, a nuancé la directrice générale de l’Ordre, Manon Poirier, en entrevue lundi.
« Dans beaucoup d’organisations, c’est très opaque, a-t-elle souligné. Ça ne veut pas dire que ce n’est pas rigoureux ou que ce n’est pas équitable, mais c’est souvent opaque pour les individus. »
L’opacité est plus grande dans les milieux non syndiqués, tandis que les échelles salariales sont généralement plus détaillées dans les conventions collectives négociées par un syndicat.
Même dans les milieux syndiqués, une plus grande transparence pourrait être bénéfique, croit toutefois Mme Poirier.
« Au-delà de l’échelle de salaire ou du taux horaire, c’est aussi d’expliquer derrière les coulisses comment ces postes-là sont identifiés, a-t-elle expliqué. Comment évalue-t-on leur impact ? Donc, qu’est-ce qui fait que tel poste est à tel niveau ? »
La proposition renforcerait le lien de confiance entre l’employeur et l’employé, a-t-elle avancé. Exiger plus de transparence amènera aussi les entreprises à redoubler d’efforts pour s’assurer que leurs politiques de rémunération sont adéquates.
« Ça s’assure que le travail de coulisse est bien fait, qu’il est bien monté », a-t-elle plaidé.
Au Canada, cinq provinces ont déjà une loi sur la transparence salariale ou sont en voie d’en adopter une, a indiqué l’Ordre dans son avis.
Des chercheurs d’emplois frustrés
Le manque de transparence est un irritant majeur pour ceux qui cherchent un emploi, a constaté Mme Poirier.
Elle mentionne que 90 % des candidats veulent connaître la rémunération offerte pour un poste, en citant un sondage en ligne effectué en 2023.
« On associe souvent cette demande aux jeunes, mais je pense que c’est une évolution de l’ensemble des générations sur le besoin de savoir exactement quel est le niveau qu’on paye pour ce poste-là, par souci de clarté, pour s’assurer qu’il y a une belle adéquation. »
Avoir l’information d’emblée permettrait d’éviter, tant aux employeurs qu’aux candidats, de perdre son temps dans une démarche vouée à l’impasse.
Des candidats peuvent tout simplement bouder une entreprise qui ne jouerait pas cartes sur table. Il peut être frustrant de ne pas pouvoir connaître les échelles salariales au début d’une première entrevue d’embauche.
« Ça commence mal une relation, a déploré Mme Poirier. Le processus d’embauche, ça traduit nos valeurs, nos façons de faire. »
La dirigeante de l’Ordre cite le même sondage qui dévoile que le quart des répondants se sont déjà désistés d’une démarche de recrutement, car on ne leur avait pas transmis suffisamment d’information salariale.
Le sondage a été effectué en 2023, un moment où le marché de l’emploi était plus vigoureux, mais il démontre tout de même les attentes des travailleurs.
Le Conseil de recherche et d’intelligence marketing canadien précise qu’une marge d’erreur ne peut être attribuée aux sondages en ligne, car ils ne procèdent pas à un échantillonnage aléatoire de la population.
Une négociation plus équitable
Sans être une solution magique, une plus grande transparence pourrait aussi contribuer à améliorer l’équité salariale entre les hommes et les femmes ou pour certains groupes racisés, a ajouté Mme Poirier.
Avec plus d’informations en main, les femmes, par exemple, seraient mieux outillées pour négocier une rémunération équitable par rapport à leurs collègues, a défendu la dirigeante de l’Ordre.
« Les recherches démontrent que les femmes négocient moins leur salaire, a-t-elle expliqué. En donnant plus d’information, on vient soutenir ces femmes-là, ce qui va leur permettre peut-être d’avoir une négociation basée sur des données probantes.
« Ce n’est pas une solution magique, mais c’est un autre instrument », a-t-elle enchaîné.