De plus en plus de participants aux régimes à cotisation déterminée s’approchent de la retraite et pensent à leur décaissement. Si leurs options ne sont pour l’instant pas très nombreuses, cela devrait changer dans les prochaines années.

Les ­Canadiens qui arrivent à la retraite après avoir cotisé à un régime ­à cotisation déterminée (CD) se voient aujourd’hui offrir deux possibilités : l’achat d’une rente viagère ou le transfert des sommes accumulées durant toutes ces années de vie active dans un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) ou un fonds de revenu viager (FRV).

« ­Le marché est encore jeune, commente ­Christine ­Girvan, directrice générale de ­MFS ­Canada. En ­Australie, 87 % des actifs se trouvent dans des régimes ­CD. C’est 50 % environ aux ­États-Unis.

L’Australie est donc en train de développer des solutions adaptées et a fait évoluer sa législation afin de permettre la création d’outils innovants. Au ­Canada, les premiers cotisants à des régimes ­CD arrivent aujourd’hui à la retraite. Or, le cadre légal mis en place alors que la grande majorité des régimes étaient à prestations déterminées (PD) freine les employeurs dans l’octroi de régimes ­CD incluant le décaissement. »

Mme ­Girvan insiste sur la nécessité de bien communiquer avec les participants, et ce, bien avant la période de décaissement. Si, avec un régime ­PD, il est très simple de savoir à combien se montera effectivement sa retraite, rien n’est moins vrai dans le cas d’un régime ­CD.

« ­Il est plus difficile d’avoir de la visibilité, car cela dépend de nombreux facteurs, ­précise-t-elle. La façon dont le membre a cotisé, bien sûr, mais aussi sa longévité et l’évolution des marchés financiers. C’est le rôle des fournisseurs de régime de bien faire comprendre cela aux participants afin qu’ils prennent par la suite les bonnes décisions avant même le décaissement selon leur tolérance au risque et leurs objectifs de vie à la retraite. »

Rente ou placements ?

Chacune des deux solutions offertes présente en effet des avantages et des inconvénients. La rente viagère permet de compenser le risque de longévité puisqu’elle assure au retraité un revenu jusqu’à son décès. Les bas taux d’intérêt actuels la rendent cependant peu attrayante. Surtout, elle n’est pas très populaire chez les ­Canadiens, qui ont l’impression de « donner » à une compagnie d’assurance tout l’argent accumulé pendant leurs années de labeur avec le risque de mourir assez jeune et d’avoir reçu bien peu en regard de la valeur d’achat de la rente.

« ­Non seulement il n’y a pas de retour en arrière possible, mais en plus, au moment du décès, rien ne revient aux héritiers, confirme ­Jean-Daniel ­Côté, ­vice-président, retraite à ­BFL ­Canada. C’est le principe d’une assurance. On peut quand même y ajouter des garanties, afin par exemple que la rente soit payée sur 15 ou 20 ans minimum et que le résidu aille aux héritiers, mais ce n’est pas gratuit. »

Or, pour chaque dollar de revenu annuel, il faut avoir cotisé de 20 à 25 $ environ. Ainsi, une rente achetée 200 000 $, c’est environ 8 000 $ de rente annuelle…

« ­Les gens pensent que parce qu’ils ont accumulé 200 000 $, ils sont riches, ajoute M. Côté. Mais c’est loin d’être le cas. »

La grande majorité des ­Canadiens se tournent donc vers le ­FEER ou le ­FRV afin de prendre leur argent et de s’occuper ­eux-mêmes, ou par l’entremise d’un conseiller, de le placer pour le faire fructifier.

« ­Le risque, c’est alors celui de la longévité, à savoir de vivre plus longtemps que ses placements, explique ­René ­Beaudry, associé principal chez ­Normandin ­Beaudry. D’autant que les ­Canadiens ont tendance à gérer leurs actifs de manière trop prudente. Sans compter que les frais sont alors élevés.

Jusqu’à deux fois plus que lorsque l’argent était administré dans le régime collectif, durant la phase d’accumulation. Et bien sûr, les marchés financiers peuvent être très fluctuants, ce qui n’est pas sans stress. »

Report des rentes gouvernementales

Pour remédier à ces risques, les fournisseurs de régimes imaginent depuis plusieurs années des solutions hybrides. Le principe est d’analyser la situation des participants de manière globale, car chacune est unique. Il n’est pas rare qu’un jeune retraité ait eu dans le passé un régime à prestations déterminées, puis à cotisation déterminée. Il y a aussi les rentes des différents paliers de gouvernement et puis de l’épargne, enregistrée ou non.

« ­Il est important de faire une planification holistique de la retraite, et donc du décaissement, en fonction des besoins de chacun, souligne ­Michel ­Fortin, responsable du domaine ­Avoirs au ­Québec pour ­Mercer. Pour cela, il faut passer par un planificateur financier. »

« ­Les gens sont réticents à donner 2 000 $ d’honoraires à un professionnel, fait cependant valoir ­Jean-Daniel ­Côté. Mais dans un monde idéal, ils devraient tous passer par là. Ils ne se rendent pas compte à quel point ils prendraient de meilleures décisions
de retraite. »

Tous les experts interrogés dans le cadre de ce dossier s’accordent par exemple sur le fait qu’il faille repousser le plus possible le déclenchement des rentes gouvernementales, tant du côté de la ­Régie des rentes du ­Québec (RRQ) que du ­Régime de pensions du ­Canada (RPC). La loi autorise aujourd’hui à repousser ce moment jusqu’à 71 ans. Or, selon une nouvelle étude de l’Institut C.D. Howe, reporter la prise des prestations publiques de retraite de dix ans (à 70 ans au lieu de 60) permettrait de doubler la valeur de la rente.

« ­Il est donc intéressant de décaisser les sommes accumulées dans son régime ­CD au moment de la prise de la retraite et d’utiliser ensuite les rentes gouvernementales en éliminant le risque de longévité, puisque ­celles-ci sont versées jusqu’au décès, note ­René ­Beaudry. Voyant cela, on peut se questionner sur la pertinence de cette limite de report fixée à 71 ans. Les gouvernements devraient envisager de la reculer à 75 ans. »

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