La fatigue mentale augmente le risque de diabète de type 2 chez les femmes, révèle une récente étude. Réduire leur stress s’avère d’autant plus important qu’elles réagissent mieux que les hommes au soutien offert.
Pusieurs études publiées ces dernières années, comme l’Enquête québécoise sur des conditions de travail, d’emploi et de santé et de sécurité du travail, ont révélé que les hommes et les femmes sont assujettis à des conditions de travail différentes et que, même lorsque les conditions de travail semblent identiques, leurs effets sur la santé des femmes peuvent différer.
Les employées féminines sont donc plus à risque de développer certaines maladies chroniques, comme le diabète, particulièrement celles qui ont une surcharge de travail. Or, les femmes réagissent souvent mieux aux mesures de soutien contre le stress que leurs collègues masculins, ce qui pourrait contribuer à amoindrir le risque de développer des maladies chroniques. Que peuvent faire les entreprises pour mieux épauler leurs employées ?
Surcharge de travail et diabète
L’étude canadienne, menée sur 12 ans auprès de 7 065 tra-vailleurs et publiée en 2018 dans la revue BMJ Open Diabetes Research and Care, indique que le risque de diabète est de 63 % plus élevé chez les femmes dont la semaine de travail dépasse régulièrement les 45 heures, alors qu’il diminue chez les hommes dont le nombre d’heures de travail augmente.
Plus récemment, les résultats d’une étude française effectuée auprès de 70 000 femmes et parue dans le European Journal of Endocrinology suggèrent de prendre en compte la fatigue mentale comme facteur de risque du diabète de type 2. Les chercheurs ont observé que, parmi les 24 % de participantes ayant affirmé que leur travail était mentalement éprouvant, 21 % étaient plus susceptibles de souffrir du diabète de type 2.
« Les femmes ont la charge mentale du milieu familial. Même si l’aide des conjoints est de plus en plus présente, s’occuper de la famille, des parents, des enfants repose encore beaucoup sur elles. »
– Chanelle Cartier, Lafond Avantages sociaux et actuariat
Bien que ces études ne permettent pas de constater une corrélation directe, elles révèlent que les conditions de travail affectent différemment les femmes et les hommes. « Les études démontrent que le stress joue un rôle sur le développement de la maladie à long terme, car il libère du cortisol, lequel fait augmenter la glycémie, explique Chanelle Cartier, directrice administrative et conseillère en régimes collectifs chez Lafond Avantages sociaux et actuariat. Tous ceux qui ont des facteurs de risque, comme un surplus de poids, un tour de taille élevé, de mauvaises habitudes de vie ou des prédispositions génétiques, et qui subissent un stress chronique au travail sont plus à risque de développer un diabète.
Pourquoi les femmes surmenées au travail seraient plus à risque que les hommes qui subissent la même surcharge de travail ? « Il faut tenir compte du changement de paradigme qui ne s’est pas encore opéré, souligne Mme Cartier. Les femmes ont aussi la charge mentale du milieu familial. Même si l’aide des conjoints est de plus en plus présente, s’occuper de la famille, des parents, des enfants repose encore beaucoup sur elles. » Le même constat a d’ailleurs été fait par l’auteur de l’étude canadienne précitée qui indiquait que les femmes ont moins de temps à consacrer à l’exercice physique et à la nutrition en raison de leurs responsabilités familiales. « On s’aperçoit aussi qu’en période de stress les gens s’alimentent moins bien, parce qu’ils n’ont pas le temps, ajoute Suzanne Paiement, associée, Santé chez Normandin Beaudry. Cela influe sur la préparation de repas équilibrés et sur le temps consacré à l’activité physique. »
Diabète et comorbidités
Outre le souhait des employeurs d’avoir des employés en santé, plusieurs sont préoccupés par le coût exponentiel lié aux maladies chroniques comme le diabète, d’autant plus que ce dernier s’accompagne souvent d’une ou de deux autres maladies chroniques. « Dans les bases de données de Normandin Beaudry, 5 % de l’ensemble des participants à un régime privé d’assurance médicaments consomment un médicament pour le diabète, mentionne Suzanne Paiement. Par ailleurs, 50 % des participants prennent au moins un médicament pour une maladie chronique. De ceux-là, 40 % en consomment aussi un deuxième pour une autre affection chronique. Ceux qui consomment deux médicaments pour une maladie chronique ont 15 % de chance d’en consommer un troisième et 5 % de chance d’en prendre un quatrième. Dès lors, les personnes à qui on diagnostique une maladie chronique, comme le diabète, ont un potentiel d’affecter les coûts des régimes d’assurance collective, ce qui se traduit par une augmentation des primes pour les employés et les employeurs. »
Agir en prévention
Suzanne Paiement constate que les programmes de prévention des maladies chroniques se sont multipliés dans les milieux de travail depuis dix à quinze ans. « Les organisations sont de plus en plus sensibilisées à l’intégration de saines habitudes de vie dans un monde où la conciliation travail-famille est parfois difficile à réaliser, mentionne-t-elle. Promouvoir une bonne hygiène de vie auprès des employées permet de réduire le diabète, mais aussi l’hypertension et le cholestérol. »
Bien entendu, le stress fait partie des paramètres à contrôler en raison de ses effets collatéraux. « On aime prôner la conciliation travail-famille pour soutenir les femmes, parce que c’est habitudes de vie sont contrôlées a moins de chance de développer une autre maladie chronique. »
« Si on accompagne rapidement les employées au moment où elles reçoivent un diagnostic, on évite que les comorbidités viennent s’installer. »
– Suzanne Paiement, Normandin Beaudry
Les solutions passent d’abord par la formation des gestionnaires. « La plupart des gestionnaires sont laissés à eux-mêmes, remarque Chanelle Cartier. Ils réclament de la formation. » Le respect de la vie privée agit également comme un frein dans les interventions des employeurs. « Mais ce n’est pas nécessairement à eux d’agir, précise Suzanne Paiement. Ils doivent trouver des partenaires pour le faire. La confidentialité reste une préoccupation à laquelle il faut toujours être sensible. Toutefois, l’assureur qui reçoit une réclamation pour un médicament peut offrir à l’employé des solutions pour l’accompagner dans la prise en charge de sa maladie. »
Quant à l’employeur, il peut toujours encourager l’utilisation des programmes de prise en charge. « La mise en place de coaching est une avenue dont on fait la promotion auprès de nos employeurs, indique Mme Paiement. Il faut les sensibiliser à l’ensemble des interrelations entre l’information, la prise de médicaments, l’effet du stress et le manque d’activité physique dans la gestion du diabète. »
Et les hommes ?
Plusieurs études rapportées par le Centre d’études sur le stress humain ont démontré que les femmes communiquent plus leurs émotions et leurs tracas que les hommes et que ces derniers ont une plus forte réponse de combat ou de fuite. « C’est moins tabou pour une femme d’avouer qu’elle a besoin d’aide, admet Suzanne Paiement. C’est mieux accepté socialement que pour les hommes. On voit quand même une évolution sociétale, mais il faut continuer à briser les stigmates autour de la santé mentale. »
Dès lors, certaines organisations ont commencé à adapter leurs programmes de prévention du stress pour mieux cibler la clientèle masculine. « On voit certaines entreprises à prédominance masculine changer leur message, confirme Suzanne Paiement. Elles abordent la problématique du point de vue de la performance et adoptent un langage plus masculin. »
Chanelle Cartier croit qu’il serait utile de mieux former les gestionnaires masculins pour répondre aux besoins spécifiques des employés masculins. « En mars dernier, le premier ministre du Québec a fait appel aux influenceurs pour convaincre les jeunes de rester confinés chez eux et de ne pas se rassembler en raison de la COVID-19. De la même façon, il pourrait être plus efficace que ce soit des gestionnaires masculins qui s’adressent aux hommes pour leur dire qu’avoir un problème de santé mentale n’est pas une honte, que tout le monde vit du stress et qu’il faut arrêter de vivre cela tout seul. »
• Ce texte a été publié dans l’édition de mai-juin 2020 du magazine Avantages.
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