La pandémie de ­COVID-19 a précipité le déploiement des soins de santé virtuels au ­Québec. Plus d’un an plus tard, ­peut-on commencer à dresser le bilan des atouts et des inconvénients de ces expériences connectées ?

Les mesures sanitaires imposées ont accéléré l’instauration de programmes de soins de santé virtuels de façon à compenser la fermeture de certaines cliniques. En quelques semaines seulement, de nombreux assureurs ont dû mettre en place des solutions et signer des ententes avec des fournisseurs. À la sortie de cette pandémie, qu’­adviendra-t-il de ces services ?

Avant l’arrivée de la ­COVID-19, la plupart des assureurs se penchaient déjà sur des solutions virtuelles afin de répondre plus efficacement à certains besoins. En novembre 2017, ­Great-West (aujourd’hui ­Canada ­Vie) annonçait qu’elle proposerait des services de soins virtuels aux employeurs de l’Ontario et du ­Québec. Puis, en mars 2018, ­Sun ­Life dévoilait son application mobile et déclarait être le premier assureur au pays à offrir des soins de santé virtuels d’un océan à l’autre. « ­Mais avec la pandémie, l’offre et les partenariats ont explosé, constate ­Chanelle ­Cartier, directrice de comptes et conseillère en régimes d’assurance collective chez ­Lafond ­Avantages sociaux et actuariat. Chaque assureur a été obligé de créer ses propres partenariats avec des fournisseurs. »

Dès lors, force est d’admettre que la pandémie a déjoué toutes les prévisions concernant le déploiement de soins de santé virtuels. Publié en février 2020, le rapport du groupe de travail sur les soins virtuels de l’Association médicale canadienne, du ­Collège des médecins de famille du ­Canada et du ­Collège royal des médecins et chirurgiens du ­Canada déplorait le retard du pays en la matière. Il concluait qu’il faudrait de nombreuses années pour atteindre un niveau appréciable de soins virtuels.

C’était sans savoir qu’un certain coronavirus allait accélérer leur implantation. Même s’il reste du chemin à parcourir, « on considère qu’il y a eu une accélération de cinq à dix ans par rapport à la courbe d’adoption envisagée avant la pandémie », estime ­Marie-Chantal ­Côté, ­vice-présidente, développement de marché, garanties collectives à ­Sun ­Life.

Une diversité de soins

Outre l’accélération du déploiement de solutions, le contexte sanitaire a forcé à envisager une offre de services plus diversifiée que celle initialement prévue. « ­On a vu que la télémédecine peut être utilisée pour beaucoup de troubles de santé, mentionne ­Marie-Chantal ­Côté. Notre fournisseur ­Dialogue considère qu’environ 70 % des problèmes médicaux peuvent être traités de façon virtuelle. »

Née du partenariat avec ­Dialogue, la solution ­Lumino ­Santé offre une multitude de services aux employés assurés avec ­Sun Life. « ­Si on regarde nos données après un an, la principale raison pour les consultations est la dermatologie, indique ­Marie-Chantal ­Côté. Le deuxième motif est la santé mentale, et le troisième touche l’appareil locomoteur, comme les douleurs musculaires. Viennent ensuite les problèmes relatifs aux oreilles, au nez et à la gorge. On observe donc une belle diversité dans les types de problématiques pour lesquelles l’outil est utilisé. »

Bien entendu, les soins de santé virtuels ne pourront jamais remplacer le médecin de famille ni certains services en santé. « ­Ils complètent ce qui est déjà disponible, précise ­Mme ­Côté. La physiothérapie, la chiropractie ou les soins psychologiques n’étaient pas nécessairement couverts en virtuel avant la pandémie. Cela ne faisait pas partie de la culture. Des discussions ont eu lieu avec les associations pour fournir certains traitements et les résultats sont là ! »

De son côté, ­Morneau ­Shepell a débuté le déploiement de solutions virtuelles pour répondre aux problèmes croissants de santé mentale, qui représentent 70 % des coûts au ­Canada, et a ajouté des solutions comme la télémédecine pour augmenter l’efficacité de la prise en charge. « ­Cette année, on veut intégrer nos soins virtuels à des outils comme ­Microsoft ­Teams, explique ­Lisa ­Angeloni, ­vice-présidente, vente et succès client au ­Québec chez ­Morneau ­Shepell. Ainsi, quand un employé commence sa journée, il pourra se servir de différents outils de ­mieux-être, comme des articles sur la santé mentale ou une séance de dix minutes d’exercices physiques. L’intégration de ces outils dans le quotidien des employés nous permettra d’agir en prévention plutôt que seulement lorsqu’un problème de santé émerge. »

Vers une meilleure utilisation des ­PAE ?

Convaincus qu’il faut agir en prévention pour contrer les problèmes de santé mentale, la plupart des assureurs ont inclus à leur couverture des programmes d’aide aux employés (PAE) au fil des ans. Cependant, nombreux sont ceux qui déploraient leur ­non-utilisation. Les employeurs et les assureurs ont bon espoir que la pandémie ait changé la donne.

À l’heure où même les moins habiles avec les nouvelles technologies ont été contraints d’utiliser une plateforme de communication comme ­Zoom, ­Microsoft ­Teams ou ­Google ­Meet, on est en droit de penser que les compétences technologiques des utilisateurs ne sont plus une contrainte. « ­La pandémie a créé un choc et nous a forcés à prendre le virage technologique, admet ­Chanelle ­Cartier. Tout le monde a réalisé que c’était possible de le faire. Cela a fait en sorte que la tranche de population qui a dû s’adapter va probablement être plus facile à joindre par la télémédecine, la téléconsultation ou les programmes d’aide virtuels. »

Le temps, c’est de l’argent

« ­Les taux de satisfaction des clients sont probants, ­au-dessus de 80 %, selon les statistiques de ­Dialogue », ajoute ­Chanelle ­Cartier. À voir les commentaires des utilisateurs, les sceptiques prépandémie ont été convaincus. « ­Il y avait une perception que les soins virtuels n’étaient pas efficaces, tout comme le télétravail, relève ­Lisa ­Angeloni. Aujourd’hui, on voit que le télétravail fonctionne très bien, tout comme le conseil virtuel ! »

Parmi les principaux avantages des soins virtuels, les usagers apprécient le gain de temps. « ­Dialogue a calculé que chaque utilisation de l’outil permet d’éviter 4,1 heures de déplacement et d’attente, précise ­Marie-Chantal ­Côté. De plus, ces services sont offerts 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Donc, si une personne a une crise d’angoisse au milieu de la nuit, elle peut recevoir de l’aide. »

« Les statistiques sur la satisfaction des clients
sont probantes ! ­Dialogue a annoncé des taux
de satisfaction ­au-dessus de 80 %. »

– ­Chanelle ­Cartier, ­Lafond ­Avantages sociaux et actuariat

31 % 
des employeurs canadiens offraient des soins de santé virtuels à leurs employés en novembre 2020, comparativement à 19 % en septembre 2019

9 employeurs sur 10
soutiennent que leur offre de soins virtuels se poursuivra après la pandémie

Source : Aon

32 % 
des employés canadiens souhaitent que leur employeur leur donne accès à des soins de santé virtuels

66 % 
se disent susceptibles d’utiliser ces services s’ils y ont accès

Source : Dialogue

Les Canadiens s’absentent en moyenne de 2 à 6 jours par année en raison de consultations médicales

Une entreprise de 200 employés pourrait réaliser des économies annuelles de 174 000 $ en perte de productivité en implantant un service de télémédecine

Source : Groupe Santé Medisys

Les soins virtuels permettent en outre une flexibilité accrue pour la prise de ­rendez-vous. « ­Quelqu’un qui travaille de 9 h à 17 h peut désormais prendre une heure pendant son dîner ou même pendant sa journée pour un ­rendez-vous virtuel avec un clinicien, se réjouit ­Lisa ­Angeloni. C’est très pratique ! »

Au bout du compte, tout le monde y gagne. « ­Un temps d’attente réduit risque d’accroître, chez les employés, la prise en main de leur santé », résume ­Marie-Chantal ­Côté.

Reste que le gain de temps est certainement moindre pour les prestataires de soins, bien qu’en temps de pandémie les soins virtuels leur permettent d’éviter le processus de désinfection entre deux patients. De plus, la santé virtuelle nécessite un changement de culture qui ne s’opère pas du jour au lendemain. « ­Les thérapeutes ont été formés pour voir et toucher les patients, rappelle ­Chanelle ­Cartier. Clairement, ceux qui étaient les mieux préparés aux soins virtuels sont ceux qui travaillent en santé mentale. »

Toutefois, certains thérapeutes observent parfois quelques contraintes concernant la confidentialité de la consultation. « ­Pour une personne qui vit en appartement avec un conjoint et qui veut justement consulter en raison du conjoint, la situation est plus difficile en virtuel », explique ­Lisa ­Angeloni.

PRINCIPAUX AVANTAGES DES SOINS VIRTUELS SELON LES EMPLOYÉS 

Commodité :
54 % 

Absence de salle d’attente :
50 % 

Rapidité à entrer en contact avec un soignant :
40 % 

Source : Sun Life

Un café par employé par mois

Qu’en ­est-il des coûts de ces soins virtuels pour les employeurs ? « ­Ils ne sont pas plus chers que les soins traditionnels, souligne ­Lisa Angeloni. Avec notre plateforme ­SynerVie, on peut sélectionner les services que l’on souhaite offrir aux employés et certains coûtent moins qu’un café par employé par mois ! C’est comme un menu. Une petite entreprise peut choisir ce qui répond à son budget : ­PAE, télémédecine, défis de ­mieux-être en entreprise, etc. »

Il est encore trop tôt, selon les experts consultés, pour prévoir l’évolution des coûts des soins virtuels, d’autant plus que la demande en santé mentale a augmenté avec la crise de la ­COVID-19. « ­Plus de 60 % des ­Canadiens ont mentionné que la pandémie a eu un impact négatif sur leur santé mentale », indique ­Marie-Chantal ­Côté. Toutefois, plusieurs espèrent voir une diminution de l’invalidité. « ­Les soins virtuels auront certainement une incidence sur la productivité, la satisfaction des employés ou la réduction de l’absentéisme », ­ajoute-t-elle.

Dialogue a déjà constaté une baisse de l’absentéisme et du présentéisme, une augmentation de la productivité et une meilleure rétention et satisfaction des employés grâce aux soins virtuels. « ­La rentabilité de l’investissement serait multipliée par cinq », renchérit ­Chanelle ­Cartier.

« La physiothérapie, la chiropractie ou les soins psychologiques n’étaient pas nécessairement couverts en virtuel avant la pandémie. Cela ne faisait pas partie de la culture. Des discussions ont eu lieu avec les associations pour couvrir certains traitements et les résultats sont là ! »

– Marie-Chantal Côté, Sun Life

Des solutions en perpétuelle évolution

Les soins de santé virtuels sont indéniablement là pour rester. « ­Il faudra qu’on s’adapte à un risque d’autres pandémies et la télémédecine est une façon de ne pas chambouler notre système de santé à chaque fois », anticipe ­Chanelle ­Cartier.

La pandémie de ­COVID-19 a bouleversé les approches traditionnelles. « ­Elle a fait évoluer très rapidement les solutions, les habitudes des gens et même les réflexions, mentionne ­Lisa ­Angeloni. Il y aura toujours une place pour les rencontres en personne, mais le virtuel va prendre une plus grande place et les solutions développées vont certainement évoluer. »


• Ce texte a été publié dans l’édition de mai 2021 du magazine Avantages.
Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site web
.