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La forte hausse du prix des aliments ces derniers mois a incité les consommateurs à choisir judicieusement la composition de leur panier d’épicerie pour en extraire le maximum de valeur. Les employeurs doivent eux aussi naviguer dans un environnement inflationniste qui exerce énormément de pression sur les budgets salariaux. Tout comme leurs employés quand ils vont au supermarché, les employeurs auraient tout intérêt à optimiser chaque dollar investi dans leur panier de rémunération globale.

Les augmentations salariales devraient se chiffrer en moyenne à 4,1 % au ­Québec en 2023, selon les prévisions de l’Ordre des ­CHRA publiées en septembre. Si elles se concrétisent, ces hausses de salaire seront les plus élevées depuis 2008.

Les craintes grandissantes d’une récession en début d’année prochaine pourraient inciter les employeurs à plus de prudence, mais le manque criant de ­main-d’œuvre et la peur de susciter de l’insatisfaction chez les employés en versant des hausses salariales nettement en dessous du taux d’inflation leur laisse peu de marge de manœuvre.

La question se pose : ­serait-il avantageux de rediriger une partie des sommes prévues pour ces coûteuses augmentations salariales vers d’autres composantes de la rémunération globale, dont la valeur perçue par les employés serait supérieure ?

L’effet des hausses salariales sur la satisfaction des travailleurs et sur la capacité des organisations à attirer et fidéliser leur ­main-d’œuvre est incertain, et les études et sondages menés sur le sujet arrivent souvent à des conclusions contradictoires.

Les résultats d’un sondage de la ­Banque ­CIBC mené en septembre dernier montrent par exemple que c’est avant tout la perspective d’un meilleur salaire qui pourrait encourager un employé à changer d’emploi (34 %). Les avantages sociaux et les conditions de travail flexibles viennent ensuite (25 %).

Un sondage de ­Monster réalisé en ­Europe va dans le même sens : 60 % des répondants âgés de 18 à 36 ans interrogés indiquaient qu’être mieux payé était le principal facteur susceptible d’améliorer leur satisfaction au travail.

Un coup de sonde de ­Glassdoor va toutefois dans la direction opposée en indiquant que 79 % des salariés américains seraient prêts à renoncer à une hausse de salaire si leur employeur leur offrait des avantages plus généreux.

Année après année, un sondage du ­Healthcare of ­Ontario ­Pension ­Plan (HOOPP) permet en outre de constater qu’une majorité de travailleurs seraient prêts à renoncer à un salaire plus élevé en échange d’un bon régime de retraite (70 % en 2021).

Il va sans dire que, dans le contexte actuel de croissance rapide de l’indice des prix à la consommation, les augmentations de salaire sont possiblement surveillées d’un peu plus près par les travailleurs. Il n’en reste pas moins qu’une tendance semble se dégager : des hausses de salaire raisonnables sont primordiales pour ne pas créer de l’insatisfaction chez les employés, mais ce n’est certainement pas grâce à elles que les organisations vont parvenir à fidéliser ou à améliorer le niveau de ­mieux-être de leur personnel.

Les augmentations de salaire sont en effet vite oubliées. Les nombreux travaux sur la motivation au travail du professeur à l’ESG ­UQAM ­Jacques ­Forest tendent à démontrer que l’argent améliore certes les conditions de vie, jusqu’à un certain point, et permet de compenser les irritants. Cependant, le ­bien-être au travail et la productivité proviennent surtout de la satisfaction de besoins psychologiques, comme se sentir compétent, efficace et utile.

Il serait donc tout à fait raisonnable pour un employeur d’allouer ne ­serait-ce que quelques dixièmes de point de pourcentage des sommes prévues en augmentation salariale à d’autres fins. Une bonification des régimes de retraite ou d’avantages sociaux, entre autres, a bien plus de chance d’améliorer le ­mieux-être des travailleurs que quelques dizaines de dollars de plus sur leur paie.

Un sondage de ­Mercer réalisé en 2021 suggérait que la valeur financière perçue par les employés des différents avantages dont ils bénéficient s’écartait souvent du budget réellement octroyé par leur employeur pour ces mêmes avantages. Les employeurs dépensent par exemple beaucoup plus pour les protections traditionnelles comme l’assurance médicaments ou invalidité que ce que les employés croient. Par contre, les employés tendent à surévaluer les sommes investies par leur organisation dans les soins de santé virtuels, tellement ces derniers sont devenus précieux à leurs yeux.

C’est une vraie aubaine pour les promoteurs de régime, qui peuvent tirer parti de cette perception pour optimiser chaque dollar investi dans leurs avantages sociaux, au profit de leurs employés.

Parce qu’­au-delà de leur stricte valeur pécuniaire, les différents éléments composant la rémunération globale offerte par un employeur en disent long sur les valeurs organisationnelles. Et de simples augmentations de salaire, même généreuses, ne sont sans doute pas le meilleur moyen de démontrer ces valeurs.


• Ce texte a été publié dans l’édition de décembre 2022 du magazine Avantages.
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