Même les programmes d’avantages sociaux les plus généreux et aboutis ne passeront pas le test de satisfaction des employés s’ils ne sont pas bien communiqués et compris. Deux entreprises ont pris les moyens pour que leurs travailleurs considèrent leur rémunération globale à sa juste valeur.
« On a réalisé que lorsque nos employés comparaient leur rémunération à celle proposée par nos concurrents, ils regardaient seulement le salaire », a expliqué Sylvie Lanoix, vice-présidente, services spécialisés RH au Mouvement Desjardins lors de la dernière édition de la conférence Rémunération globale du journal Les Affaires. « Il y avait une fausse perception que c’était plus payant de travailler ailleurs. »
Il y a à peine deux ans, l’institution financière avait un long chemin à parcourir pour faire réaliser à ses quelque 55 000 employés la réelle valeur des différentes composantes de leur rémunération globale, ajoute-t-elle.
En 2022, l’inflation élevée et la pénurie de main-d’œuvre ont poussé de nombreux employeurs du secteur financier à se lancer dans une surenchère salariale, certains d’entre eux allant même jusqu’à procéder à deux augmentations de salaire à l’intérieur d’une même année.
« Nous ne sommes pas allés là, car nous savions, études de marché à l’appui, que nous étions compétitifs en matière de rémunération globale. Mais encore faut-il que les employés le sachent, et il ne faut jamais tenir pour acquis que c’est le cas », mentionne Sylvie Lanoix.
Desjardins offre par exemple à l’ensemble de ses salariés un généreux régime de retraite à prestations déterminées. « C’est un élément très distinctif chez Desjardins, nous sommes l’un des rares employeurs du secteur privé à en offrir encore un, poursuit-elle. Le problème, c’est que les employés n’étaient pas conscients de la valeur d’un tel régime. »
L’objectif de Desjardins était donc simple et complexe à la fois : valoriser les différents éléments de son programme de rémunération globale sans y allouer de budget supplémentaire.
Le pilier de cette campagne de valorisation a été la création d’un relevé personnalisé de rémunération globale qui indique en dollars la valeur de chaque avantage, soit le salaire, le boni annuel, le régime de retraite, l’assurance collective et les conditions de travail.
Produit à même le système de gestion des ressources humaines de l’entreprise, le relevé est accessible en ligne en tout temps et mis à jour en temps réel, notamment lors d’une promotion ou de la révision salariale annuelle. Les travailleurs peuvent ainsi constater le poids de chaque composante de leurs avantages sociaux dans leur rémunération totale.
Un nouvel outil centralisé d’information sur la rémunération et les avantages sociaux a aussi été introduit sur le portail des employés de l’organisation. Des capsules d’information sur les assurances collectives et le régime de retraite y sont notamment proposées. Des liens vers les différentes sources d’information sont également intégrés au relevé de rémunération globale.
« Ces outils permettent aux gestionnaires de devenir des ambassadeurs du programme de rémunération globale lorsqu’ils reçoivent des questions de leurs employés à ce sujet », précise Sylvie Lanoix.
Les retombées de ces initiatives de valorisation de la rémunération globale sont déjà positives, assure-t-elle. Dès la première semaine de disponibilité du relevé de rémunération globale personnalisé, 46 000 des quelque 55 000 employés de Desjardins sont allés le consulter. Un peu plus de 33 000 ont fait de même lors de la dernière révision salariale. « Les résultats de nos sondages montrent en outre une meilleure compréhension de la valeur financière de nos avantages sociaux chez les employés. »
33,9 %
Proportion équivalente de leur masse salariale que les entreprises privées québécoises de 200 employés et plus dépensent en moyenne en avantages sociaux et en heures chômées payées.
Source : Institut de la statistique du Québec
Mettre fin aux bruits de couloir
Si le manque de communication est à la source de nombreuses insatisfactions en ce qui a trait à la rémunération, les erreurs de conception des régimes d’avantages sociaux sont aussi parfois en cause.
L’entreprise de gestion immobilière Logisco, qui exerce ses activités dans la région de Québec, a passé les dernières années à mettre de l’ordre dans son programme de rémunération globale. « Les sondages de satisfaction menés auprès des employés révélaient qu’ils appréciaient la culture d’entreprise et l’organisation dans son ensemble, mais beaucoup moins la rémunération », a relaté Annick Paradis, directrice principale, expérience-employé et amélioration continue, dans le cadre de la même conférence.
En 2019, avant l’entrée en vigueur des premiers changements au programme d’avantages sociaux, Logisco proposait un système de rémunération à la carte qui créait de la confusion non seulement chez les employés, mais également chez les gestionnaires, qui peinaient à comprendre les politiques de rémunération et de congés de l’entreprise.
« On avait plusieurs cailloux dans le soulier », confirme Mme Paradis. Les quatre semaines de vacances offertes par l’organisation incluaient Noël et le jour de l’An, des jours fériés. Il s’agissait donc en réalité de 18 jours de vacances, et non de 20. Un détail qui peut sembler quelque peu anodin, mais qui entraînait beaucoup de bruits de couloir de la part d’employés se plaignant qu’il ne s’agissait pas de quatre « vraies » semaines de vacances.
Après avoir mené des sondages à l’interne, des groupes de discussion et s’être comparée au marché avec l’aide de firmes de consultation, l’entreprise, qui compte environ 450 employés, a entrepris un vaste chantier de modernisation de ses avantages sociaux.
Les premiers correctifs ont été apportés en 2020, avec l’adoption des quatre « vraies » semaines de vacances, l’élargissement du compte de soins de santé et l’abandon de la rémunération à la carte. « Les gens n’en comprenaient pas bien le principe, ils oubliaient qu’ils avaient mis une portion de leur augmentation de salaire ailleurs, comme dans des congés, ce qui générait de l’insatisfaction », souligne Annick Paradis.
L’année suivante, le programme d’épargne-retraite a été bonifié et tout l’actif accumulé, même celui provenant des cotisations patronales, a été désimmobilisé. « La portion employeur peut elle aussi être utilisée dans le cadre du régime d’accession à la propriété », note Mme Paradis. Un congé d’anniversaire a été instauré pour tous les employés, et l’assurance maladies graves s’est ajoutée aux protections existantes.
En 2022, l’entreprise a réintroduit un principe de rémunération flexible en donnant la possibilité aux employés d’allouer 2 % de leur salaire en cotisations supplémentaires au REER collectif ou alors d’obtenir cinq jours de congé.
Finalement, en 2023, Logisco a procédé à la refonte de son régime d’assurance collective, les travailleurs considérant que l’ancienne mouture ne leur en « donnait pas assez pour leur argent ». Un service de soins de santé virtuels a notamment été ajouté. Les employés du siège social ont également obtenu congé les vendredis après-midis, tandis que le fonctionnement des primes liées aux années de service a été révisé.
Pour s’assurer que les travailleurs soient bien au fait de tous les changements apportés à leurs avantages sociaux, l’entreprise a mis en place différents outils de communication, tels que des capsules vidéo et des infographies à saveur humoristique. Un assistant virtuel propulsé par l’intelligence artificielle est même en cours d’implantation. « On a aussi mis en place une clinique de dépannage pour les gestionnaires. On voulait s’assurer qu’ils deviennent des ambassadeurs de notre programme de rémunération globale », soutient Annick Paradis.
Mais comment elle et son équipe ont-elles pu convaincre la haute direction de l’entreprise de se lancer dans un tel projet de modernisation des avantages sociaux ? « Nous avons abordé le sujet en ayant toutes les données en main pour convaincre les dirigeants. Tout était chiffré et documenté avec des sondages et des études de marché. C’est la clé du succès. »
• Ce texte a été publié dans l’édition de novembre 2024 du magazine Avantages.
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