CONTENU PARTENAIRE

Au Canada, l’obésité est plutôt répandue chez les personnes en âge de travailler : 24,6 % des personnes âgées de 18 à 34 ans, 33,2 % des personnes âgées de 35 à 49 ans et 33,9 % des personnes âgées de 50 à 64 ans déclarent en être atteintes.1 Maladie chronique et souvent évolutive, l’obésité est liée à une mauvaise qualité de vie, à une détérioration de la santé mentale et à des problèmes de santé graves comme le cancer, le diabète et les maladies cardiovasculaires.2 À la fin de la vingtaine, Sandra Elia a vécu ses moments les plus sombres avec l’obésité. Elle a depuis trouvé des manières durables de gérer son poids et elle s’est bâti une carrière florissante comme conseillère certifiée en dépendance alimentaire, auteure et conférencière. Elle est également présidente du conseil d’administration et directrice de la formation et de la représentation des patients de l’organisme Obesity Matters.

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C’est un problème médical réel, complexe, chronique et récurrent et qui mérite d’être traité. Et non, le traitement ne consiste pas à “manger moins et bouger plus”.

— Sandra Elia

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Tanya Mohan

Pouvez-vous nous dire comment l’obésité vous a affectée au fil des ans?

L’obésité jette une ombre obscure sur la plus grande partie de ma vie. Elle a eu une incidence dramatique sur mon estime personnelle en grandissant. Ça a été une lutte quotidienne contre les pensées intrusives liées à la nourriture. Et même en ce qui concerne les vêtements, je ne peux jamais porter exactement ce que j’aimerais. Rien n’a été conçu et construit pour mon type de corps, des fauteuils de bureau aux sièges d’avion. Et il est impossible de ne pas intérioriser les paroles de nos intimidateurs.

À l’adolescence, dans les années 1980, à l’ère de la culture de régime et de la glorification de la minceur, je cherchais désespérément à perdre du poids et je me suis aventurée dans la course des régimes restrictifs. Puis, je laissais tout tomber, je mangeais trop et je reprenais tout le poids perdu, et même davantage. Les régimes ont contribué à mon obésité alors que j’étais âgée d’à peine vingt ans. J’ai demandé conseil à mon médecin, mais elle a simplifié à l’excès en me parlant de « calories consommées par rapport aux calories dépensées ». Elle m’a fait sentir inadéquate et honteuse. J’ai arrêté d’aller chez le médecin parce que je ne pouvais la regarder dans les yeux.

À une certaine époque, j’ai réussi à perdre 50 livres en suivant un régime restrictif. J’ai décroché un emploi dans un prestigieux cabinet d’experts-conseils. Puis, à 29 ans, je me suis retrouvée dans une tempête de stress familial et, en un an et demi, j’ai pris 100 livres. Ma santé physique et mentale ont chuté, et ma carrière a pris fin. Je voyais moins de clients. On a déménagé mon bureau à un étage différent. J’ai finalement dû prendre un congé de maladie prolongé. Mais je ne voulais pas retourner voir le médecin et l’entendre me dire : « Je pensais vous avoir dit de manger moins et de bouger plus. »

Quels aspects de cette maladie ont été les plus difficiles pour vous?

Cela a toujours été complexe, et la maladie a toujours comporté des défis physiques, émotionnels et sociaux. Physiquement et socialement, à mon poids le plus lourd, ma mobilité a été considérablement affectée. J’avais des douleurs lombaires et je ne pouvais plus faire les mêmes activités que mes amis. Sur le plan émotionnel, il faut beaucoup d’énergie mentale pour ne pas succomber aux fringales, aux compulsions et aux envies de trop manger. Et plus mon poids était élevé, moins je pensais avoir de la valeur. Il était également difficile de faire face aux idées préconçues selon lesquelles les personnes atteintes d’obésité sont paresseuses, manquent de volonté et ne sont pas aussi intelligentes.

Quelles autres idées fausses les gens ont-ils au sujet de l’obésité?

Qu’il s’agit d’un choix de vie. C’est plutôt un problème médical réel, complexe, chronique et récurrent et qui mérite d’être traité. Et non, le traitement ne consiste pas à « manger moins et bouger plus ». En tant que patients, nous ne devrions pas accepter cela comme un plan de traitement. Il y a également beaucoup de facteurs contributifs, notamment des facteurs génétiques, environnementaux, psychologiques et sociétaux, dont une grande partie ne dépend pas de nous. Personne ne choisit l’obésité.

On croit aussi à tort que les régimes alimentaires fonctionnent. Ce n’est pas le cas. Les recherches démontrent que presque tous les régimes fonctionnent à court terme. Par contre, selon un plus grand nombre de recherches encore, plus de 95 % de tous les régimes finissent par échouer. Pourtant, on rejette toujours la faute sur la personne qui vit avec l’obésité.

Qu’avez-vous fait pour contrer les effets de l’obésité sur votre santé physique et mentale?

J’ai adopté une approche multifactorielle et j’ai constaté que plus j’ai d’options d’interventions, meilleurs sont les résultats. L’obésité est un problème complexe impliquant de nombreux facteurs, donc il n’y a pas une solution unique.

Ma priorité absolue est le sommeil. Il s’agit de la première ligne de défense pour maintenir une bonne santé et gérer des maladies chroniques comme l’obésité. J’ai aussi dû trouver un plan de repas réaliste, adapté à mes besoins en matière de santé et d’activité et à mes goûts culturels. J’ai évidemment besoin de bouger, mais j’ai abandonné le mythe qui dit que « sans douleur, il n’y a pas d’honneur ». Je ne suis pas capable de faire des activités qui entraînent de la douleur très longtemps.

J’ai trouvé des activités que j’aime vraiment pour m’assurer une certaine constance. Il est également important de faire partie d’une communauté de soutien pour briser la solitude qui accompagne souvent l’obésité.

Le counseling et la pleine conscience ont aussi joué un rôle considérable pour moi. Le plus grand changement d’attitude s’est produit lorsque j’ai compris que le chiffre sur le pèse-personne n’est pas ce qui est le plus important. Je me concentre plutôt sur la mobilité, la souplesse, la force physique, un meilleur sommeil, une meilleure estime personnelle, une meilleure présence et un meilleur bilan de santé. Je me suis débarrassé du pèse-personne et je me dis toujours : « Mon poids n’est pas de mes affaires. » Ce que je dois faire, c’est manger des aliments frais et sains, bouger, aimer mon corps et en profiter maintenant. On ne peut pas revenir en arrière.

Nous avons de la chance de vivre à une époque où il existe des médicaments sûrs contre l’obésité. Il s’agit d’un autre outil important pour arrêter de penser constamment à la nourriture. Il est donc ensuite possible de concevoir un plan d’action pour atteindre ses objectifs.

Que peuvent faire les employeurs pour mieux soutenir leurs employés atteints d’obésité?

Lorsque j’étais à la fin de la vingtaine, mon employeur ne m’aidait pas. À mon poids le plus lourd, j’ai demandé à mon employeur s’il était possible de modifier ma semaine de travail pour que je puisse mieux gérer mon obésité, et on me l’a refusé. Finalement, le congé de maladie que j’ai dû prendre lui a coûté beaucoup plus cher. Lorsque je suis retournée au travail, mon gestionnaire m’a dit qu’il voyait bien que j’avais de la difficulté et que ma maladie empirait d’un mois à l’autre. Pourquoi n’ont-ils rien fait alors que c’était si évident?

Les employeurs doivent prendre soin de leurs employés, surtout si le milieu de travail peut contribuer à l’obésité, par exemple, le travail par quart, ou les emplois qui restreignent l’autonomie des employés ou qui sont très stressants. Ils devraient également offrir des ressources portant spécifiquement sur la gestion du poids et l’obésité, peut-être en faisant appel à des organismes comme Obesity Matters et Obésité Canada. Ils peuvent varier les services en santé mentale offerts aux employés pour aborder les aspects psychologiques de l’alimentation et de la gestion du poids. De plus, ils devraient insister sur l’inclusivité et la diversité corporelles. Il peut s’agir de gestes simples comme fournir des chaises qui conviennent à différents corps, être sensible aux activités de consolidation d’équipe qui exigent un certain niveau physique, et effectuer des vérifications régulières sur les mesures d’adaptation.

Quels changements aimeriez-vous voir dans l’attitude générale à l’égard de l’obésité?

J’aimerais que l’on reconnaisse plus largement que l’obésité est un problème médical complexe, qui a peu à voir avec la volonté et les choix de vie. Quand on laisse tomber les jugements, on peut chercher des solutions. Manifestez de la compassion, de l’empathie et offrez votre soutien aux personnes qui vivent avec l’obésité. Concentrez-vous sur l’état de santé, et non seulement sur le poids. Les professionnels de la santé doivent créer un environnement sécuritaire où les patients se sentent à l’aise d’aborder leurs problèmes liés à l’obésité. Ils doivent aussi aider ceux et celles qui ont assimilé les préjugés auxquels ils font face. Entre-temps, les politiques publiques devraient éduquer et soutenir les gens, améliorer l’accès à des aliments sains, encourager la création d’environnements propices à l’activité physique et offrir une couverture pour les médicaments contre l’obésité.

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