Tanya Mohan

La dermatite atopique, plus communément appelée eczéma, touche de 10 à 15 % des enfants canadiens de moins de cinq ans, et 40 % de ces enfants continuent de vivre avec cette maladie à l’âge adulte1. Tanya Mohan, analyste principale, veut que les employeurs sachent que « ce n’est pas qu’une question de maladie de peau ». Les personnes atteintes de dermatite atopique modérée ou grave peuvent avoir besoin de mesures d’adaptation comme le travail à domicile, ainsi que d’un accès à des médicaments parfois coûteux qui atténuent leurs symptômes, ce qui leur permet de dormir davantage et d’être des employés plus optimistes, concentrés et productifs. 

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Les employeurs doivent savoir de quelle façon la dermatite atopique peut influer sur votre capacité à vous concentrer, à écrire et à faire toutes les choses qu’il faut faire pour réussir au travail.

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Tanya Mohan

Quand avez-vous reçu un diagnostic de dermatite atopique? 

Quand j’étais bébé. J’étais vraiment irritable, mon sommeil était perturbé et je voulais toujours me gratter la peau – et bien sûr, l’apparition d’éruptions cutanées a déclenché la sonnette d’alarme pour mes parents qui ont vu que quelque chose n’allait pas. Mon médecin de famille a dit que c’était de l’eczéma, ce qui est assez courant, surtout pour les bébés nés en hiver. Elle m’a prescrit des crèmes topiques et mes parents sont repartis rassurés. À l’époque, on disait que cette maladie disparaissait à mesure que les bébés grandissaient. Mais dans mon cas, la croissance n’a rien réglé. J’ai vécu avec cette maladie jusqu’à ma quarantaine, au point où la dermatite atopique s’est retrouvée sur 80% de mon corps, et qu’aujourd’hui je l’accepte comme étant une maladie chronique. 

Quels sont vos symptômes? 

Des démangeaisons graves qui me poussent à me gratter jusqu’au sang et qui mènent à la formation de plaies ouvertes qui peuvent s’infecter. Ça devient une véritable torture psychologique. Les  démangeaisons sont si intenses qu’elles vous empêchent de vous concentrer. Vous vous grattez jour et nuit. Vous n’arrivez pas à dormir. Lorsque vous êtes sous la douche, la peau vous pique et vous brûle, et quand vous appliquez des crèmes médicamentées, c’est comme si votre peau était en feu. Mais vous devez vous gratter, car si vous ne le faites pas, vous devenez fou parce que vous éprouvez des démangeaisons et que vous ne faites rien pour les soulager.

Comment la dermatite atopique a-t-elle affecté votre qualité de vie? 

On me disait souvent « arrête de te gratter ». C’est ainsi que de l’adolescence jusqu’au début de ma vie adulte, je cachais les marques que je m’infligeais en me grattant, comme si c’était une mauvaise habitude. Je tenais bon, du mieux que je le pouvais afin de ne pas me gratter en présence des autres. Ensuite, je courais jusqu’aux toilettes de la maison ou de l’école, je me déshabillais, je me grattais jusqu’au sang et je m’hydratais la peau avant de remettre mes vêtements et repartir. À l’âge adulte, au travail, il m’arrivait parfois de me rendre aux toilettes toutes les heures. Je retournais ensuite m’asseoir à mon bureau pour reprendre le travail. Cette sensation de démangeaison prend toute la place dans votre vie. Cela devient une véritable obsession. Et vous êtes conscient qu’en vous grattant, vous vous faites du mal. Vous en venez à vous détester parce que vous n’arrivez pas à vous arrêter. 

Dans quelle mesure la dermatite atopique a-t-elle affecté votre travail? 

 En 2012, je me suis retrouvée à l’urgence parce que je m’étais tellement gratté le visage pendant mon sommeil que je me suis réveillée avec les yeux complètement enflés et une immense entaille au front. C’était comme si Wolverine m’avait attaqué le visage avec ses griffes. Mon mari m’a dit : « Tu n’as plus le choix, il faut que tu te fasses soigner d’urgence par un médecin. » Cela a mené à de nombreux déplacements à l’urgence et à des congés de maladie. C’est à ce moment que j’ai dit à mon employeur de l’époque que je souffrais de cette maladie. Mon patron et moi avons dû nous asseoir afin que je puisse lui expliquer à quel point la dermatite atopique affectait ma capacité à me concentrer, à écrire et à faire toutes les choses que nous devons faire pour réussir au travail. En fait, les congés de maladie ont mis en évidence à quel point la dermatite atopique était devenue débilitante pour moi. Deux choses m’ont cependant aidée à retourner au travail. J’ai commencé par suivre de nouveaux traitements prescrits par mon médecin, ce qui m’a procuré du soulagement. Deuxièmement, lorsque les démangeaisons ont cessé grâce aux médicaments, ma façon de voir les choses a changé. Comme je dormais davantage, j’entrevoyais la vie avec plus d’espoir. Même quelques heures de sommeil de plus m’ont aidée à m’éclaircir les idées et à sortir du lit avec la volonté d’accomplir mes tâches, de prendre ma douche, de m’habiller et de me rendre au travail. Auparavant, rien de tout cela n’était possible. 

Dans l’ensemble, en quoi le traitement vous a-t-il aidée? 

 Au fil des ans, j’ai essayé de nombreux traitements pour soulager mon eczéma. En collaboration avec mon médecin de famille et plusieurs dermatologues, j’ai finalement réussi à trouver un médicament qui est efficace pour moi et que je pourrai utiliser à long terme. Sans traitement, l’eczéma affecte énormément votre qualité de vie, du manque de sommeil jusqu’aux douleurs réelles qui touchent chacune des parties de votre corps. Cela peut vous obliger à rester au lit et faire en sorte que vous ne voulez pas quitter votre domicile. Honnêtement, aller travailler devient un véritable défi. Le traitement est donc la seule façon de reprendre une vie normale. 

Qu’aimeriez-vous que les employeurs sachent au sujet de la dermatite atopique? 

 Je fais du bénévolat en tant qu’ambassadrice de l’eczéma et j’ai vu que pour beaucoup de gens, la dermatite atopique est une partie importante de leur identité qu’ils préfèrent garder secrète. Ce n’est pas comme vivre avec le cancer, le diabète ou une maladie cardiaque, qui sont largement reconnus comme des maladies invalidantes et potentiellement mortelles. Ce n’est pas une maladie qui met la vie en danger, 

 mais en même temps, elle a une incidence énorme sur la qualité de vie. Les employeurs doivent comprendre que lorsque des personnes atteintes de dermatite atopique s’absentent du travail, il ne s’agit pas d’un caprice. C’est un problème légitime et tangible. De plus, la pandémie a montré que de nombreuses personnes peuvent travailler à distance au besoin, et je pense que ces options devraient être offertes aux personnes atteintes d’eczéma. Enfin, certains médicaments contre la dermatite atopique coûtent cher, de sorte qu’ils ne sont pas accessibles aux personnes qui ne sont pas couvertes par leur régime d’assurance médicaments. Les employeurs peuvent aider les personnes atteintes de dermatite atopique modérée ou grave en couvrant le coût des médicaments dont elles ont besoin.