PIERRE-ÉTIENNE TREMBLAY 

Directeur général, Québec Express Scripts Canada

 La COVID-19 a eu des effets inattendus sur les tendances en matière de médicaments en 2020. Pour autant, la croissance des médicaments de spécialité demeure la principale préoccupation des régimes d’assurance médicaments. Pierre-Étienne Tremblay, directeur général, Québec à Express Scripts Canada, donne quelques pistes aux promoteurs de régimes qui souhaitent mieux contrôler leurs coûts.

Quel est le portrait général des dépenses en médicaments au Québec?

En 2020, la croissance a été légèrement plus élevée au Québec (6,3 %) que dans le reste du pays (5,1 %). Le coût par réclamant a été de 1036 $ au Québec, comparativement à 786 $ ailleurs au Canada. Cela s’explique notamment par le fait que les Québécois font en moyenne 18,4 demandes de règlement par année, par rapport à 13 ailleurs au pays. En effet, la durée moyenne des prescriptions est de 27,7 jours au Québec, et de 39 jours dans les autres provinces. Les régimes du Québec doivent donc assumer davantage de frais liés aux honoraires des pharmaciens, surtout dans le cas des médicaments indiqués pour traiter les maladies chroniques.

Comment la COVID-19 a-t-elle influencé les tendances en matière de médicaments?

Nos études nationales ont notamment démontré que le nombre d’assurés qui n’ont fait aucune demande de règlement en 2020 a augmenté de 5 % par rapport à 2019. On a noté une réduction des coûts liés aux remèdes contre le rhume et la toux, aux antibiotiques et aux médicaments contre la douleur et l’inflammation.

On a aussi constaté une baisse de l’ordre de 130000 du nombre de nouveaux demandeurs atteints de dépression, de diabète ou de cancer. Même si elles entraînent une réduction des coûts à court terme, ces données sont inquiétantes, car elles sont révélatrices d’un retard considérable dans les diagnostics. Puisqu’elles n’ont pas été traitées, ces maladies risquent de causer des problèmes plus graves qui vont requérir des traitements plus intenses et coûteux à l’avenir. Malgré cette diminution des nouveaux demandeurs, on a tout de même constaté une augmentation de 10 % du nombre de demandes de règlement par demandeur pour les antidépresseurs, qui sont passés de la cinquième à la quatrième place des médicaments les plus coûteux pour les régimes. Les demandes de règlements liées aux médicaments pour l’asthme ont quant à elles crû de 19 %.

Quel est l’impact de la loi 31 concernant les services en pharmacie sur les régimes d’assurance médicaments?

Depuis son entrée en vigueur, on a observé une augmentation d’environ 5 % des demandes de règlement pour les services pharmaceutiques. Pour l’instant, ils représentent un peu moins de 0,2 % des dépenses totales. La plus forte hausse (552 %) provient des prolongations d’ordonnances au-delà de 30 jours, une situation qui s’explique par l’accès plus difficile aux médecins pendant la pandémie. À noter que depuis le 25 janvier, certains services en pharmacie sont payés par le régime universel d’assurance maladie et n’entraînent plus de coûts pour les régimes privés. Par contre, d’autres services non couverts par l’assurance maladie doivent être remboursés à 100 % par les régimes privés, alors qu’ils pouvaient faire l’objet d’une franchise et d’une coassurance par le passé. Ce sera intéressant de voir les effets de ces changements en 2021.

En considérant toutes les tendances que vous avez énumérées, que peuvent faire les promoteurs de régime pour contrôler leurs coûts?

Ils devront resserrer la gestion de leur régime, notamment avec des listes de médicaments gérés qui favorisent les traitements les plus efficients et qui mettent de côté ceux plus coûteux qui ne montrent pas d’avantages cliniques. Les promoteurs auraient aussi avantage à se doter d’un bon programme d’autorisation préalable, à miser sur les thérapies par étape et à mieux soutenir les participants qui souffrent de plusieurs maladies concomitantes. Pour notre part, nous misons maintenant sur l’analyse prédictive de façon à prévoir les comportements en matière de santé et mettre en place des stratégies d’intervention précoce auprès des participants, notamment en ce qui concerne les opioïdes et l’observance thérapeutique. Du côté de l’observance thérapeutique par exemple, on est capable d’estimer si un participant va respecter ses ordonnances dans les six prochains mois. On identifie ainsi les gens qui ont besoin d’aide pour prendre leur santé en main. On sait que les patients qui ne prennent pas leurs médicaments risquent de devoir éventuellement suivre des thérapies plus complexes et coûteuses. L’objectif est de mettre en place des mesures efficientes qui ciblent réellement les demandeurs à risque plutôt que des mesures moins pertinentes et plus coûteuses.