Alors que le cycle économique s’achève, les aubaines se raréfient sur les marchés, et les caisses de retraite doivent redoubler d’ardeur pour les dénicher. À ce petit jeu, les  promoteurs anticonformistes qui n’ont pas peur de passer pour des ringards ont tout pour triompher.

« Si un gestionnaire fait une visite en ville pour présenter sa stratégie et que personne ne veut le rencontrer, ça m’intéresse. Mais si j’arrive dans une conférence où il y a 2000 personnes en habit, je sais que je ne ferai pas d’argent », raconte Gilles Horrobin, chef des placements au régime de retraite de la Société de transport de Montréal (STM).

Lors du Séminaire sur la gestion des caisses de retraite de l’International Foundation of Employee Benefit Plans, qui s’est tenu la semaine dernière à Montréal, il a fait l’éloge de l’approche contrarian en recommandant aux régimes de se tenir loin des dernières tendances de marché, et de plutôt miser sur les actifs décotés et démodés.

Un exemple? Les actions européennes. « Il s’agit probablement de la catégorie d’actif la plus mal aimée à l’heure actuelle en raison de toutes les nouvelles négatives qu’on lit dans les journaux sur l’Europe. Mais à notre avis, les actions européennes offrent de très belles perspectives, car elles sont moins avancées dans le cycle que les actions nord-américaines. »

L’Espagne c’est oui, la Grèce c’est non

Autre catégorie délaissée par les investisseurs à l’affût des dernières tendances, les titres de style valeur, qui ont mal performé au cours des dernières années. « Ils n’ont jamais été aussi abordables », soutient Gilles Horrobin.

Le gestionnaire surveille aussi avec intérêt le marché immobilier de Vancouver suite à la chute du prix des copropriétés. « Les acheteurs étrangers qui sont partis vont finir par revenir. La ville va conserver son attrait et sa qualité de vie. Il s’agit d’un problème cyclique, et non séculaire », dit-il.

Être en mesure de distinguer une situation cyclique d’une situation séculaire est d’ailleurs une condition essentielle pour obtenir du succès avec l’approche contrarian, poursuit-il. « Les problèmes économique en Grèce ou au Botswana sont séculaires. On préfère garder nos distances. Par contre, les problèmes vécues par l’Espagne il y a quelques années étaient cycliques. » En prenant la décision d’investir dans l’immobilier espagnol, la caisse de retraite de la STM a « frappé un coup de circuit », affirme M. Horrobin.

Toujours dans les actifs impopulaires, il cite la couronne suédoise, fortement sous-évaluée, les fonds de titres de sociétés en détresse et les actions des marchés frontières (ou marchés pré-émergents).

Pour ces dernières, Gilles Horrobin prône cependant une grande prudence. « C’est un marché très niché et très peu corrélé aux autres catégories d’actif. Leur très faible liquidité requiert un horizon de placement de 15 à 20 ans », conseille-t-il.

Trop tendance, le marché privé?

Les caisses de retraite qui chassent les actifs les plus en vogue se tournent volontiers vers les marchés privées. Mais fidèle à son approche anticonformiste, la STM affiche un enthousiasme très modéré face à ces types de placement.

Selon Gilles Horrobin, les attentes de rendements des placements alternatifs sont, dans l’ensemble, irréalistes. Les titres de placement privé sont surévalués en raison du trop grand volume de capital disponible, et l’utilisation du levier y est trop prononcée. Les investisseurs en infrastructures se butent quant à eux à des enjeux réglementaires croissants dans certains pays. Le gestionnaire explique par ailleurs se montrer assez sceptique face à la récente montée en popularité de la dette privée.

Gilles Horrobin ne le cache pas, c’est tout un défi de convaincre un comité de retraite de déployer son capital bien au-delà des sentiers battus. Il insiste sur l’importance de prendre le temps d’expliquer en détail les stratégies étudiées pour éviter d’effrayer les membres. « Quand on a envisagé la possibilité d’investir en Espagne, le taux de chômage chez les jeunes était de 49 %! Il fallait y aller un petit pas à la fois pour s’assurer de rendre le comité confortable avec notre stratégie et les convaincre de nous suivre. »

Bref, tous les environnements de marché offrent de bons placements aux investisseurs suffisamment agiles et opportunistes. Il faut seulement se faire à l’idée de ne pas détenir le portefeuille le plus branché en ville.