Elles s’améliorent, mais bien trop lentement. C’est le verdict sur la performance des caisses de retraite canadiennes face à la crise climatique que dresse le dernier rapport annuel de l’organisme Shift Action for Pension Wealth and Planet Health, publié aujourd’hui.
Shift Action a évalué l’approche climatique de onze des plus grandes caisses de retraite du Canada, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). L’organisation constate que les gestionnaires des caisses s’améliorent lentement dans leurs stratégies par rapport à la crise climatique, mais anticipe mal l’ampleur du défi. « En conséquence, nous craignons que la crise climatique ne submerge leurs plans climatiques assez rapidement, affirme le directeur général de l’organisme, Adam Scott. Cela fait courir de grands risques financiers aux caisses de retraite et réduit les chances du Canada d’atteindre ses objectifs climatiques. »
Actuellement, dix caisses sur onze possèdent un plan climatique, mais quatre n’ont toujours aucune cible de réduction des émissions de gaz à effets de serre (GES) de leurs portefeuilles. L’Alberta Investment Management Corporation (AIMCo) paraît particulièrement mal à cet égard. Non seulement elle n’affiche aucun objectif de diminution, mais les émissions des entreprises dans lesquelles elle investit ont augmenté entre 2021 et 2022.
Pas moins de huit caisses sur onze s’engagent à être net zéro en 2050 (2040 pour University Pension Plan en Ontario), mais elles n’ont pas toutes rendues publiques des cibles intermédiaires. « Les objectifs intermédiaires sont très importants, car ils obligent les gestionnaires à être imputables dès maintenant de leurs décisions d’investissement, soutient Adam Scott. Chez les caisses qui n’en ont pas, nous voyons des décisions qui ne sont pas du tout alignées avec la volonté d’être net zéro en 2050. »
La CDPQ, UPP, le Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (OMERS) et le Régime de retraite des enseignants de l’Ontario (RREO) se distinguent sur ce plan, avec des cibles intermédiaires ambitieuses pour 2025 et 2030. La CDPQ, qui vise à réduire de 60 % l’intensité carbone de ses portefeuilles en 2030 par rapport au niveau de 2017, semble en bonne voie d’y parvenir. Elle a jusqu’à maintenant diminué cette intensité de 53 %. Elle a atteint dès 2021 l’objectif de 25 % qu’elle s’était fixée pour 2025.
Des dirigeants peu convaincants
Plusieurs caisses consacrent des fonds à la transition d’actifs qui émettent beaucoup de GES. La CDPQ, par exemple, a investi dans des fournisseurs d’électricité qui planifient de remplacer leurs centrales au charbon par des centrales à l’énergie renouvelable. À court terme, cela peut augmenter l’intensité carbone des investissements de la CDPQ, mais cela contribue à réduire les émissions à moyen terme.
Plutôt que de sortir de l’industrie des énergies fossiles, certaines caisses de retraite préfèrent investir leurs fonds auprès de sociétés pétrolières et gazières qui ont des plans pour réduire de façon marginale leurs émissions de GES, grâce notamment à des technologies comme la captation de carbone. Shift Action critique cette approche, qui n’est pas vraiment alignée avec les objectifs climatiques à long terme des caisses de retraite.
L’organisme a notamment ciblé Investissements RPC et AIMCo sur ce plan. Investissement RPC est d’ailleurs la seule caisse de retraite à recevoir une note inférieure cette année comparativement à l’année précédent. Shift Action a réduit de B à C sa note en ce qui concerne la reconnaissance de l’urgence climatique.
L’organisme dénonce entre autres les propos de dirigeants d’Investissements RPC et de AIMCo qui critiquent le désinvestissement dans les énergies fossiles et semblent rejeter le consensus scientifique qui préconise un abandon rapide des énergies fossiles pour lutter contre les changements climatiques.
Adam Scott rappelle que sept des onze caisses de retraite étudiées comptent au moins un administrateur qui provient de l’industrie des énergies fossiles. « Il y a clairement là un conflit d’intérêts qui peut expliquer le refus obstiné de certaines caisses de retraite de sortir leurs investissements de l’industrie des énergies fossiles », avance Adam Scott.
Combler le retard
Le rapport compare la performance des caisses de retraite canadiennes avec celle de trois autres caisses ailleurs dans le monde : Ircantec en France, ABP aux Pays-Bas et le New York City Public Pension Fund aux États-Unis. Shift Action constate que malgré certaines améliorations, les caisses canadiennes affichent un retard sur ces fonds comparables. Aucune caisse canadienne n’égale leurs ambitions climatiques. Seule la CDPQ s’en approche, selon Shift Action, grâce à son désinvestissement de l’industrie pétrolière.
« Ce que démontre l’exemple de ces trois fonds internationaux, c’est que c’est faisable de s’améliorer dans la gestion des risques climatiques et dans l’engagement envers la lutte contre les changements climatiques, note Adam Scott. Même un fonds aussi énorme que Stichting Pensioenfonds ABP, le plus gros d’Europe, bat les caisses canadiennes sur à peu près tous les critères. »
Adam Scott souhaite que les Canadiens prennent conscience des risques climatiques qui menacent leurs pensions et de l’impact des décisions d’investissements des caisses de retraite sur la crise climatique.
Les cibles de réduction de GES les plus ambitieuses pour 2030
CDPQ : 60 % sous les niveaux de 2017
RREO : 67 % sous les niveaux de 2019
UPP : 60 % sous les niveaux de 2021
IMCO : 50 % sous les niveaux de 2019
OMERS : 50 % sous les niveaux de 2019