Le gouverneur de la Banque du Canada lance un appel à ses homologues du monde entier pour que les banques centrales communiquent plus et mieux avec le citoyen moyen afin de conserver sa confiance en ces temps d’incertitude et de populisme.

Tiff Macklem a estimé jeudi matin que les banques centrales devaient être « des sources d’informations et d’analyses dignes de confiance » pour la population, surtout pendant la crise économique causée par la COVID-19 et la reconstruction par la suite.

S’exprimant jeudi lors d’un symposium annuel organisé par la Banque fédérale de réserve de Kansas City, le gouverneur Macklem a souligné la baisse de confiance de la population envers les institutions publiques et les experts en général, ainsi que la montée du populisme, à la suite de la crise financière de 2008. Et les banquiers centraux ne peuvent ignorer ces tendances, selon lui.

Or, M. Macklem croit qu’il est plus important, mais aussi plus difficile, pour les banques centrales d’être « des sources d’informations et d’analyses dignes de confiance », alors qu’elles maintiennent des taux directeurs proches de zéro et adoptent des politiques monétaires non traditionnelles.

Pour la Banque du Canada, cela s’est traduit notamment par une première incursion dans ce que l’on appelle l’« assouplissement quantitatif », un moyen pour les banques centrales d’injecter de l’argent dans l’économie afin d’encourager les prêts et les investissements.

M. Macklem croit que les banquiers centraux ne doivent pas ressembler à « des prophètes qui annoncent un message du haut d’une tour d’ivoire ». Ils doivent, selon lui, « être audacieux en allant au-delà de la transparence vis-à-vis des marchés et s’adresser au grand public pour expliquer en quoi nos décisions répondent aux objectifs de notre économie dans son ensemble ».

« C’est pourquoi il faut prêter l’oreille à plus de gens, comprendre leurs perceptions, qu’elles soient justes ou non, prendre en compte dans nos décisions de politique monétaire les opinions plus largement présentes parmi le public, et communiquer avec les gens en les rejoignant là où ils sont. »

Baisse des prix? Vraiment?

Cette allocution à la réunion de Jackson Hole, au Wyoming, s’ajoute à une série de messages récents de la Banque du Canada sur la nécessité de toucher un public plus large, alors qu’elle cherche à renouveler les fondements mêmes de ses décisions politiques.

Depuis quelque 25 ans, la banque centrale visait une inflation annuelle de 2 % et un taux directeur qui maintienne les prix et l’économie stables. Or, l’inflation s’est effondrée lorsque les restrictions économiques ont été mises en place pour freiner la propagation de la COVID-19. Les chiffres en avril et en mai ont montré des baisses de prix ou une déflation. L’inflation elle-même devrait rester faible cette année et l’an prochain.

Mais ce que la Banque du Canada a entendu, c’est que les gens n’ont pas l’impression que les prix baissent, ils augmenteraient, plutôt. Probablement parce que les consommateurs dépensent moins pour des biens qui coûtent moins cher, comme l’essence, mais plus pour des choses qui coûtent plus cher.

« Nous devons découvrir et comprendre ce qui préoccupe le grand public, a soutenu M. Macklem. Cela inclut les points de vue de communautés et de groupes de la population que nous avons du mal à rejoindre habituellement. Et nous devons répondre à ces préoccupations. »

La Banque du Canada a réduit son taux directeur à 0,25 % et M. Macklem soutient que ce taux restera à ce plancher jusqu’à ce que l’économie reprenne. Cette déclaration a fourni une prospective aux marchés et marque un changement par rapport au prédécesseur de M. Macklem, Stephen Poloz.

Dans son discours de jeudi, M. Macklem a déclaré que les banques centrales ne pouvaient pas continuer à discuter seulement avec les marchés, les économistes et les médias. Il a noté que la Banque du Canada avait constaté une forte augmentation du trafic vers son site internet; ses articles sur « L’Économie claire et simple » et ses messages dans les réseaux sociaux « sont deux fois plus vus qu’avant la pandémie ».

« Nos contenus traditionnels comme les discours et le Rapport sur la politique monétaire connaissent quant à eux une hausse de plus de 10 % du trafic internet », s’est réjoui M. Macklem.