Si retarder le versement des prestations du Régime de rentes du Québec (RRQ) constitue la meilleure décision à prendre pour la majorité des Québécois, certains groupes de la population seraient pénalisés financièrement s’ils n’avaient plus la possibilité de toucher leur rente dès 60 ans.

L’Institut sur la retraite et l’épargne de HEC Montréal a présenté lundi les résultats préliminaires d’une étude à paraître ce printemps sur les effets potentiels d’une hausse de l’âge d’admissibilité à la rente du RRQ.

« Nos travaux démontrent qu’il n’existe pas d’âge optimal universel pour commencer à toucher les prestations du RRQ et du RPC, soutient Pierre-Carl Michaud, professeur à HEC Montréal et directeur de l’Institut sur la retraite et l’épargne. Avec une hausse de l’âge d’admissibilité au RRQ, il y aurait des gagnants et des perdants. »

Les auteurs de l’étude ont analysé les données d’individus ayant réclamé leur rente du RRQ à 60 ou 61 ans et les ont suivis pendant 10 ans. Objectif : déterminer à quel âge ils auraient dû réclamer leurs prestations publiques pour obtenir la valeur nette la plus élevée. Car si retarder le versement permet théoriquement de bénéficier d’une rente bonifiée, différents paramètres peuvent brouiller les pistes.

Selon l’analyse effectuée par les chercheurs, si le gouvernement décidait de faire passer de 60 ans à 62 ans l’âge d’admissibilité au RRQ, le quart des Québécois qui demandent actuellement leur rente à 60 ou 61 ans seraient perdants financièrement, alors que les trois quarts seraient gagnants. Les gagnants bénéficieraient en moyenne d’un gain de 2 800 $ annuellement, alors que les perdants seraient privés d’environ 3 000 $.

Revenu, statut familial et fiscalité

Les principaux facteurs qui déterminent si un individu est « gagnant » ou « perdant » sont le revenu, la situation familiale et les enjeux fiscaux. Les gens qui ont tout intérêt à demander leurs prestations dès qu’ils en ont la possibilité sont les personnes seules à faible revenu sans régime complémentaire de retraite. Cela s’explique par l’espérance de vie plus faible des Québécois à faible revenu, mais surtout par des considérations fiscales, en particulier la récupération du Supplément de revenu garanti (SRG) lorsque la rente du RRQ est bonifiée.

Chez les personnes seules, la proportion de « perdants » atteint même 50 %, et le montant perdu annuellement peut s’élever jusqu’à 6 000 $. « La récupération du SRG est plus agressive chez les personnes seules que chez les couples », explique Pierre-Carl Michaud.

Dans l’éventualité où les gouvernements décideraient de suivre la recommandation de l’Institut canadien des actuaires d’augmenter à 62 ans l’âge d’admissibilité à la rente du RRQ et du RPC, l’étude, suggère que des mesures compensatoires devraient être mis en place pour certains groupes de la population qui vivraient des préjudices.

« Ce n’est pas vrai que retarder la rente à 68 ans est bon pour tout le monde. Il n’y a pas d’âge optimal, insiste Pierre-Carl Michaud. Les gens qui ont un faible revenu et pas de régime complémentaire de retraite ont probablement raison de la prendre à 60 ans. »

L’étude montre tout de même que la majorité des individus qui reçoivent leur premier versement du RRQ dès 60 ans, soit environ la moitié des Québécois, laissent de l’argent sur la table en prenant une telle décision.