Alors que débutent les consultations publiques sur l’avenir du Régime de rentes du Québec (RRQ), les ex-membres du Comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois (comité d’Amours) souhaitent que le régime offre plus de flexibilité aux travailleurs et retraités.
Dans un mémoire déposé mercredi, Alban d’Amours, René Beaudry, Luc Godbout et Bernard Morency proposent d’augmenter de 70 à 75 ans l’âge maximal auquel les Québécois peuvent faire débuter leur rente, mais de maintenir à 60 ans l’âge minimum d’admissibilité.
Concernant l’âge minimum, les experts déplorent certes qu’encore trop de bénéficiaires touchent leur rente dès 60 ans, une décision coûteuse pour la plupart d’entre eux, mais estiment qu’il ne faut pas restreindre le droit de devancer le début de versement dans l’objectif de protéger les travailleurs contre eux-mêmes. « Il y a un risque non nul que ce type de proposition polarise et éloigne les changements proposés de leurs objectifs initiaux », peut-on lire dans le mémoire.
Les auteurs misent plutôt sur l’éducation pour convaincre les Québécois de demander leur rente à un âge plus avancé. Selon eux, Retraite Québec devrait modifier la communication qu’elle envoie aux travailleurs approchant l’âge de 60 ans « afin d’éviter l’introduction de biais cognitif altérant la décision des cotisants » et de montrer clairement les avantages financiers de retarder le premier versement de la rente pour la majorité des gens. L’idée d’une transition du travail à temps plein vers la retraite à temps plein entre les âges de 60 et 75 ans devrait également être mise davantage de l’avant.
Les experts notent que la proportion de travailleurs qui demandent leur rente dès 60 ans a déjà diminué de façon importante, passant d’environ 60 % en 2016 à 33 % en 2021.
Concernant l’âge maximal, les ex-membres du comité d’Amours suggèrent d’introduire dès le 1er janvier 2024 le passage de la limite actuelle de 70 à 75 ans, une modification qui se ferait à coût neutre, précisent-ils. Dans un tel contexte, il n’est pas nécessaire d’implanter cette mesure graduellement.
La possibilité de reporter la rente du RRQ jusqu’à 75 ans a pour effet de concentrer le besoin d’épargne personnelle en début de période de retraite et de doter les bénéficiaires de rentes garanties et indexées plus généreuses, et ce, jusqu’à leur décès. Cette option est particulièrement pertinente pour les retraités qui ne bénéficient pas d’un régime de retraite à prestations déterminées.
« Il s’agit avant tout d’offrir davantage de flexibilité pour les bénéficiaires, en distinguant le moment et la manière dont ils prennent leur retraite du moment où ils choisissent de débuter leur rente », indique le mémoire. Cette flexibilité accrue permettrait par exemple à un individu de retarder le début de sa rente parce qu’il travaille à temps partiel ou encore parce qu’il souhaite décaisser son épargne personnelle.
Pour avoir son plein effet, le report à 75 ans devrait prévoir une rente représentant plus du double de celle débutant à 65 ans.
Plus de flexibilité pour les travailleurs âgés
Outre la question de l’âge d’admissibilité, les ex-membres du comité d’Amours recommandent de rendre facultatif le versement des cotisations au RRQ pour les gens qui travaillent au-delà de l’âge de 65 ans, qu’ils aient ou non commencé à toucher leur rente. Ils se disent d’ailleurs d’accord avec la modification des règles de calcul de la rente proposée par le gouvernement afin d’éviter que les gains de travail d’une personne qui reporte sa rente après 65 ans réduisent la moyenne de gains utilisés pour le calcul de la rente.
Le débat entourant les consultations publiques est aussi une occasion de repenser certains autres aspects du RRQ et du système de retraite dans son ensemble, souligne le mémoire. Pour plus de flexibilité, la période au cours de laquelle un bénéficiaire peut changer d’idée une fois qu’il a commencé à recevoir sa rente du RRQ pourrait être augmentée de 6 à 12 mois après le premier versement. Ce délai de 12 mois est déjà celui en vigueur au Régime de pensions du Canada (RPC).
Les experts soutiennent par ailleurs que les personnes touchant l’aide sociale devraient elles aussi pouvoir retarder le premier versement de la rente du RRQ au-delà de 60 ans, ce qui est impossible actuellement. Des crédits de gains pour reconnaître des périodes de diminution de revenu lorsqu’une personne s’occupe d’un enfant à charge ou est en situation d’invalidité pourraient également être instaurés.
Toujours dans l’optique de donner plus de flexibilité aux Québécois, les auteurs du mémoire suggèrent de permettre un décaissement plus rapide des sommes accumulées dans un compte de retraite immobilisé (CRI) ou un fonds de revenu viager (FRV) après l’âge de 60 ans. Dans le même ordre d’idée, les experts proposent de retarder à 75 ans l’âge de conversion obligatoire des REER en FERR. Cet âge est fixé à 71 ans depuis la création du REER en 1957, alors que l’espérance de vie au Canada s’est significativement améliorée depuis. Cette dernière proposition requerrait toutefois la collaboration du gouvernement fédéral.
Le mémoire contient aussi des recommandations plus techniques sur la mise en œuvre de mécanismes d’ajustement dans le cas d’une détérioration de la situation financière du régime de base ou du régime supplémentaire du RRQ. À ce chapitre, les experts notent que le RRQ pourrait s’inspirer des mécanismes déjà mis en œuvre par le RPC.
Lors de la première journée de consultation, mercredi, plusieurs autres intervenants se sont opposés à la proposition du gouvernement Legault de repousser à 62 ou même 65 ans l’âge d’admissibilité au RRQ, dont la FTQ, la CSN et le Réseau FADOQ.