Les éléments que doit contenir la politique de financement sont décrits de façon assez sommaire dans la réglementation. La question se pose donc pour les régimes : jusqu’à quel point la politique ­doit-elle être détaillée ?

« L’un des principaux défis pour les promoteurs sera de déterminer jusqu’où on doit être spécifique dans la politique. L’équilibre est difficile à trouver », confirme ­Tina ­Hobday, associée et avocate spécialisée en régimes de retraite chez ­Langlois.

Selon elle, une politique de financement devrait être suffisamment générale pour ne pas requérir des modifications constantes, mais suffisamment spécifique pour être réellement utile.

« ­Si une politique ne contient que des phrases vagues et générales, elle ne servira à rien. Oui, une politique très spécifique peut se révéler trop contraignante, mais le but d’une politique de financement, ce n’est pas d’avoir un bout de papier pour se conformer à la loi. C’est de se créer des règles pour faciliter la prise de décisions concernant le financement futur du régime », ­affirme-t-elle.

Ainsi, on ne devrait pas être capable de transposer une politique d’un régime à un autre. ­Celle-ci doit être bâtie sur mesure en fonction de la tolérance au risque, de la situation financière, de la démographie et de la maturité de chaque régime. Par exemple, le principal objectif de financement à court terme d’un régime déficitaire sera probablement d’éliminer ce déficit. Dans une régime en surplus, l’objectif ne sera pas le même.

« À mon avis, une bonne politique de financement devrait inclure un ou deux objectifs à court terme et un ou deux objectifs à long terme », estime ­Tina ­Hobday.

« Une bonne politique de financement devrait inclure un ou deux objectifs à court terme et un ou deux objectifs à long terme. »

Tina ­Hobday, Langlois

Autre fait à noter : la loi n’exige pas des promoteurs qu’ils identifient dans la politique de financement les stratégies qu’ils comptent utiliser pour atteindre leurs objectifs, même si ­Retraite ­Québec le recommande. « ­La loi force la réflexion, mais elle ne force pas les régimes à détailler comment ils vont atteindre leurs objectifs. C’est un exercice qui peut être très complexe, et l’imposer dans la loi aurait probablement été trop lourd et coûteux pour les petits régimes », mentionne ­Pierre ­Bergeron, conseiller principal et associé à ­PBI ­Conseillers en actuariat.

Le degré de raffinement des politiques de financement va donc dépendre fortement de la taille des régimes. Au ­RRUQ, la politique ne se contente pas d’énumérer vaguement les risques et les objectifs du régime. Elle introduit des stratégies bien précises, par exemple un mécanisme de marges dynamiques dans l’évaluation du passif actuariel, de façon à « stabiliser la cotisation et assurer la sécurité des prestations ».

Une politique rédigée par qui ?

La loi spécifie que la politique de financement doit être élaborée par « celui qui a le pouvoir de modifier le régime ». Typiquement, il s’agira donc de l’employeur, ou encore des différentes parties impliquées dans la négociation des paramètres du régime (employeur et syndicat). Autrement dit, ce ne sera pas, sauf exception, la responsabilité du comité de retraite. « ­La loi précise que la personne qui approuve la politique doit la transmettre au comité. C’est donc ­sous-entendu que le comité n’est pas cette personne », fait remarquer ­Tina ­Hobday, qui précise tout de même que chaque régime devra se poser la question à savoir qui est responsable de rédiger la politique.

Au ­RRUQ, c’est la ­Table réseau de négociation du régime de retraite et des assurances collectives qui a concocté la politique de financement. Constituée paritairement par les différents employés et employeurs membres du ­RRUQ, la ­Table réseau est l’instance qui a le pouvoir de modifier le règlement du régime. Il faut savoir que la première version de la politique de financement, adoptée en 2007, avait été rédigée par le comité de retraite. « ­Il allait de soi qu’avec la nouvelle loi, c’est la Table réseau qui devait élaborer la politique de financement », dit ­Alain ­Vallée, directeur général du Régime de retraite de l’Université du ­Québec.

Même s’il n’est pas responsable de la rédaction de la politique, le comité de retraite a tout de même un rôle à jouer, croit ­Pierre ­Bergeron. « ­Il devrait être inclus dans la réalisation des travaux de recherche et de préparation. Une fois la politique adoptée, le comité devra aussi s’assurer que la politique de placement est conforme à la politique de financement. »

« Si on avait rendu obligatoire la politique de financement il y a 30 ans, les régimes ­PD se porteraient mieux aujourd’hui. »

Pierre Bergeron, PBI

Regarder la forêt, pas seulement l’arbre

Définir des objectifs de financement, c’est bien, mais encore ­doivent-ils être cohérents avec les différentes composantes du régime. « ­On ne peut pas indiquer avoir une faible tolérance au risque dans la politique de financement et avoir de l’autre côté une politique de placement audacieuse », souligne ­Michel ­Montour, de ­Retraite ­Québec.

Pour éviter de telles incohérences, la conception de la politique de financement ne doit pas se faire en vase clos. « ­Les gens ont tendance à regarder un élément à la fois, plutôt que le régime en entier. La politique de financement va encourager les promoteurs à prendre du recul et à voir la forêt plutôt que seulement l’arbre », estime ­Pierre ­Bergeron.

Ce dernier espère d’ailleurs que les promoteurs vont voir dans la politique de financement un outil leur permettant de se projeter dans l’avenir. « ­Elle ne doit pas être vue comme une image statique du régime à un certain moment, mais comme une façon de faire vivre le régime dans le temps », ­prévient-il.

Reste à savoir si une telle politique aura un effet positif à long terme sur la santé financière des régimes ­PD québécois. « C’est certain que ça va amener plus de discipline dans le financement des régimes », croit ­Alain ­Vallée, en se basant sur l’expérience vécue par le sien.

« ­Je suis convaincu que si on avait rendu obligatoire la politique de financement il y a 30 ans, les régimes ­PD se porteraient mieux aujourd’hui. Les promoteurs y auraient ­peut-être pensé à deux fois avant de se lancer dans les congés de cotisations et les généreux programmes de préretraite », renchérit ­Pierre ­Bergeron.

Le défi sera toutefois de faire en sorte que l’exercice ne demeure pas seulement théorique, insiste ­Tina ­Hobday. « ­Une fois que les régimes auront établi leur politique, ils devront s’assurer de la suivre. S’ils l’oublient dans un tiroir, tout cela n’aura servi à rien. »

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