
Une action collective au Québec soulève des questions sur la responsabilité des régimes de retraite à prestations déterminées à la suite de la réorganisation du promoteur du régime.
Une récente décision de la Cour supérieure du Québec a déclenché une incertitude quant aux responsabilités des entreprises et de leurs administrateurs lorsqu’un déficit de régime de retraite apparaît dans le cadre d’une réorganisation.
La Cour a autorisé un groupe de participants à un régime de retraite à prestations déterminées à intenter un recours collectif de 65 millions de dollars contre des entreprises impliquées dans une réorganisation en 2011. Le groupe prétend que la réorganisation, suivie d’une faillite en 2014, était une imposture qui les a privés des actifs nécessaires pour honorer leurs pensions.
« La décision pourrait avoir des répercussions étendues dans la mesure où les réorganisations d’entreprises sont courantes, qu’il s’agisse de fusions, de création de filiales ou de transfert d’actifs et d’employés, car elle suggère qu’il faut faire preuve de prudence si un déficit de pension est sur la table », commente Dominique Monet, avocat spécialisé en droit du travail et de l’emploi chez Fasken Martineau DuMoulin, qui n’a pas été impliqué dans l’affaire.
En 2011, MC Commercial, un conglomérat international ayant des usines dans 15 pays, a décidé de réorganiser ses activités canadiennes dans le secteur des appareils électroménagers, qui était géré par une seule entreprise. Les groupes d’employés se composaient de cadres et d’employés non syndiqués qui avaient leur propre régime de retraite à prestations déterminées, et d’employés syndiqués qui avaient un régime de retraite à prestations déterminées distinct.
La réorganisation a transféré tous les actifs commerciaux et administratifs de l’entreprise, ainsi que le régime de retraite à prestations déterminées des cadres, à une nouvelle entreprise pour 1 $. Les employés syndiqués et leur régime sont restés dans l’entreprise d’origine, qui a poursuivi ses activités pendant trois ans, en s’engageant dans une série de services et de frais interentreprises avec la nouvelle entreprise. Tout au long de ce processus, les deux sociétés avaient les mêmes directeurs, cadres supérieurs et actionnaires.
En 2014, la société initiale a déposé son bilan. À l’époque, le régime des employés syndiqués accusait un déficit de 35 millions de dollars, qui est devenu une dette non garantie dans le cadre de la faillite.
Le tribunal a jugé qu’il y avait suffisamment de preuves pour exiger un procès sur la question de savoir si le régime de retraite à prestations définies était un facteur de motivation principal de la réorganisation et de la faillite.
« Les principes juridiques énoncés ici ne sont pas nouveaux, car le Code civil du Québec exige que les parties agissent de bonne foi, bien que ces principes n’aient peut-être pas été soulevés auparavant dans le contexte des régimes de retraite », souligne Tina Hobday, associée spécialisée dans les régimes de retraite et les avantages sociaux chez Langlois, qui n’était pas impliquée dans l’affaire.
Tout en concluant que les allégations des retraités étaient suffisamment fondées pour nécessiter un procès sur le fond, le juge a reconnu qu’il serait difficile de prouver la mauvaise foi parce qu’elle exige un niveau d’exigence élevé.
« À première vue, les transactions semblent étranges parce que les deux entités semblent être les mêmes, avec les mêmes directeurs, les mêmes cadres et même le même chef des ressources humaines, de sorte que je ne suis pas surpris que les gens aient commencé à poser des questions et même que le juge ait autorisé l’action collective », explique Tina Hobday. « Mais il y a un fossé entre le fait de dire que quelque chose semble bizarre, ce qui peut justifier un procès sur le fond, et le fait de prouver la collusion lors de ce procès ».
Quoi qu’il en soit, elle estime que la décision mérite d’être signalée. « Elle rappelle que les parties doivent agir de bonne foi et, dans le contexte des pensions, cela signifie que les entreprises et leurs administrateurs ont l’obligation de minimiser l’impact d’une réorganisation sur le déficit d’une pension ou au moins d’y réfléchir. »
Ce texte a été publié initialement par Benefits Canada.