Le porte-parole néo-démocrate en matière de santé, Don Davies, s’attend à ce que le gouvernement libéral tienne sa promesse d’offrir un régime national d’assurance médicaments, mais peut-être pas universel du jour au lendemain.

Les libéraux ont promis dans leur nouvelle « entente de soutien et de confiance » conclue avec le Nouveau Parti démocratique (NPD) qu’ils adopteraient une loi canadienne sur un régime national universel d’assurance médicaments d’ici la fin de 2023.

Ils ont également convenu de charger l’Agence nationale des médicaments d’élaborer, d’ici la fin de l’entente en 2025, un formulaire national des médicaments essentiels et un plan d’achat en gros.

En échange d’une initiative concrète sur l’assurance médicaments et d’autres priorités du NPD, le parti d’opposition a accepté de soutenir le gouvernement libéral minoritaire lors des votes de confiance aux Communes. Cette entente signifie que les libéraux de Justin Trudeau pourraient se maintenir au pouvoir pendant encore trois ans sans crainte d’être renversés en Chambre.

Les libéraux avaient fait d’un régime national universel d’assurance médicaments un élément central de leur programme électoral en 2019, mais lors de la campagne de 2021, ils ont à peine évoqué cette promesse. L’assurance médicaments était également absente du plus récent discours du Trône du gouvernement Trudeau, en novembre dernier.

Le député Davies a déclaré qu’il ne s’attendait pas nécessairement à voir un programme national universel d’assurance médicaments inscrit dans la loi, mais plutôt à le voir se construire petit à petit, sur de nombreuses années.

Il a comparé les progrès du NPD en matière d’assurance médicaments aux efforts de Tommy Douglas — surnommé « le père de l’assurance maladie » — vers l’établissement des soins de santé gratuits au Canada dans les années 1960. « Vous lancez le projet, puis vous construisez dessus », a déclaré M. Davies en entrevue.

L’entente entre les libéraux et les néo-démocrates prévoit aussi une approche particulière en matière de soins dentaires assurés, en commençant par les enfants de moins de 12 ans des familles dont le revenu annuel serait inférieur à 90 000 $. Le programme s’adresserait d’abord aux enfants de moins de 12 ans en 2022, puis s’étendrait aux moins de 18 ans, aux personnes âgées et aux personnes vivant avec un handicap en 2023, avant une mise en œuvre universelle en 2025.

« Encore beaucoup à faire », admet Duclos

L’approche en assurance médicaments, par contre, demeure beaucoup plus vague pour l’instant. On ne sait pas par exemple ce qui pourrait être inclus dans cette loi sur l’assurance médicaments, et le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, a été muet, cette semaine, sur la façon dont il envisageait de l’aborder.

« À quoi ça ressemblera exactement, on verra, a déclaré M. Duclos en conférence de presse mercredi. Il reste encore beaucoup à faire et nous sommes impatients de le faire avec l’aide et la collaboration du NPD. »

Bien que les libéraux n’aient pas fait campagne sur l’assurance médicaments l’an dernier, la lettre de mandat de M. Duclos suggérait qu’il « continue de travailler avec les provinces et territoires qui souhaitent créer une assurance médicaments universelle nationale ».

Les libéraux ont lancé l’an dernier un projet pilote de 35 millions $ avec l’Île-du-Prince-Édouard pour augmenter la liste des médicaments couverts par le programme provincial et pour réduire les coûts pour les personnes couvertes par d’autres régimes publics.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a déclaré mardi qu’il croyait que l’assurance médicaments devrait être universelle, mais il a aussi ajouté que le programme pourrait être implanté graduellement.

« Nous pourrions commencer par couvrir les médicaments nécessaires aux personnes atteintes de diabète ou aux personnes qui ont besoin de médicaments pour le cœur », a-t-il déclaré en conférence de presse. Il a ainsi suggéré que la liste des médicaments couverts par le régime pourrait s’allonger avec le temps.

M. Duclos, de son côté, a estimé que le gouvernement avait fait des progrès constants vers l’assurance médicaments, avec la création en cours de l’Agence canadienne des médicaments et l’investissement dans une stratégie nationale pour les médicaments destinés au traitement des maladies rares.

« Ils vont frapper un mur », prévient Legault

Les soins dentaires peuvent être, à certains égards, plus faciles à mettre en œuvre parce qu’il s’agit d’une politique fédérale autonome, tandis que les régimes d’assurance médicaments auront besoin de l’adhésion des provinces.

Le premier ministre du Québec, François Legault, a déjà manifesté sa méfiance concernant cette alliance libérale et néo-démocrate, qui bafoue selon lui les compétences des provinces.

« Il va y avoir un affrontement », a prédit M. Legault, en mêlée de presse mercredi matin à Québec. Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, est sur la même longueur d’onde, a-t-il soutenu, et il a prévenu que l’alliance fédérale allait « frapper un mur » des provinces.

Le Québec est la seule province à avoir instauré un régime universel d’assurance médicaments, obligatoire pour tous les résidants.

On se demande si un régime fédéral ne devrait être accessible qu’aux personnes gagnant moins d’un certain seuil de revenu, comme le régime proposé pour les soins dentaires.

Un rapport sur le débat national autour de l’assurance médicaments, commandé par les libéraux en 2018, suggérait fortement un système public universel et à payeur unique.