Manuvie affirme que les patients qui ont besoin de médicaments spécialisés pourront faire exécuter leurs ordonnances dans n’importe quelle pharmacie, à la suite des réactions suscitées par la signature d’une entente d’exclusivité entre l’assureur et Loblaw.

Le mois dernier, le fournisseur d’assurance a informé les patients que son programme de médicaments spécialisés serait dorénavant exécuté « principalement » par Shoppers Drug Mart et d’autres pharmacies appartenant à Loblaw. Auparavant, Manuvie couvrait également les médicaments spécialisés par l’entremise du fournisseur national de soins de santé à domicile et en milieu communautaire Bayshore HealthCare. Cette décision ne s’appliquait pas au Québec, où de telles ententes d’exclusivité entre assureurs et chaînes de pharmacies sont interdites par la loi.

« Nous avons écouté les préoccupations exprimées au cours de la semaine dernière et nous y répondons », a déclaré Naveed Irshad, chef de la direction de Manuvie Canada, dans un communiqué publié lundi.

« Bien que ce changement ne concerne qu’un petit nombre de nos participants, il contribue à faire en sorte que tous les Canadiens que nous soutenons aient le choix, l’accès et la souplesse nécessaires pour gérer leur santé. Nous sommes fiers de nous associer à des milliers de pharmacies dans tout le pays et de contribuer à la solidité et à la santé du système de santé canadien. »

Le programme de médicaments spécialisés de Manuvie concerne environ 260 médicaments destinés à traiter des affections complexes, chroniques ou potentiellement mortelles, comme la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn, la sclérose en plaques, l’hypertension artérielle pulmonaire, le cancer, l’ostéoporose et l’hépatite C.

Les patients couverts par le programme représentent moins de 1 % de l’ensemble des assurés de Manuvie, a indiqué la société, ajoutant que « dans le reste de nos activités, nous avons toujours offert aux Canadiens la possibilité de choisir leur pharmacie ».

Les accords prévoyant l’exclusivité de la distribution de médicaments par une pharmacie donnée dans le cadre d’un régime d’assurance sont connus sous le nom d’accords de réseau de pharmacies privilégiées. Selon les chercheurs, ces accords sont courants aux États-Unis et de plus en plus fréquents au Canada.

Manuvie avait déjà déclaré que l’adoption d’une entente exclusive offrirait aux patients « plus d’options » pour recevoir leurs médicaments spécialisés, en leur permettant d’aller les chercher dans une pharmacie appartenant à Loblaw ou de se les faire livrer à domicile.

Catherine Thomas, porte-parole de Loblaw, a déclaré que les pharmacies de Shoppers Drug Mart « continueront de soutenir les patients, en offrant une approche holistique des soins aux Canadiens qui vivent avec certaines des maladies les plus complexes ».

« Comme nous l’avons toujours dit, notre objectif est de garantir aux patients un accès pratique aux soins, et nous croyons fermement au choix », a-t-elle ajouté.

Certains se sont inquiétés du fait que les médicaments spécialisés pourraient devenir moins accessibles aux habitants des régions rurales ou éloignées qui ne vivent pas à proximité d’un Shoppers Drug Mart, à la suite de l’accord annoncé précédemment.

Marc-André Gagnon, professeur à l’université Carleton, spécialisé dans les politiques sociales, sanitaires et pharmaceutiques, s’est dit surpris de l’attention portée à l’accord.

« Normalement, ce genre d’affaire passe toujours inaperçu et personne ne pose de questions à ce sujet, a-t-il déclaré. Je ne suis pas surpris qu’avec la couverture médiatique, la compagnie d’assurance ait changé sa décision parce qu’elle avait l’air très mal en point en faisant quelque chose comme ça. »

Dans une mise à jour affichée sur son site Web, Manuvie a indiqué qu’elle mettait en œuvre le changement « rapidement ».

Selon M. Gagnon, bien que Manuvie ait changé de cap, la question n’est pas réglée pour autant. Il fait remarquer que le Québec demeure la seule province canadienne où des restrictions empêchent les assureurs de conclure des ententes avec des réseaux de pharmacies privilégiées.

« Il ne s’agit pas d’un événement ponctuel, d’une mauvaise décision de la part d’un régime privé d’assurance-médicaments, a-t-il déclaré. Il y a des problèmes structurels et les régimes privés d’assurance-médicaments essaieront de résoudre ces problèmes structurels d’une manière qui satisfera leurs actionnaires au détriment des assurés. »

Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a déclaré la semaine dernière qu’il était préoccupé par l’accord conclu entre Manuvie et Loblaw, qui « ne comprennent pas le message » concernant la nécessité d’une concurrence accrue.

« Je suis heureux de constater que Manuvie a écouté les préoccupations des Canadiens », a-t-il déclaré dans un communiqué lundi.

Les députés néo-démocrates Don Davies et Brian Masse ont également écrit une lettre au commissaire à la concurrence Matthew Boswell pour demander au Bureau de la concurrence d’ouvrir une enquête sur l’accord, d’après des informations publiées par la Presse canadienne.

Cet article est la traduction d’une dépêche de La Presse canadienne publiée originalement en anglais.