Alors que de plus en plus d’assureurs se tournent vers les réseaux de pharmacies privilégiées pour réduire les coûts à l’extérieur du Québec, leurs efforts se heurtent à une certaine résistance de la part des participants, qui peuvent trouver difficile et peu pratique de changer de pharmacien.

En janvier, Manuvie a opté pour un réseau de pharmacies privilégiées avec Shoppers Drug Mart de Loblaw, mais s’est heurtée à l’opposition du public, ce qui a amené l’assureur à revenir sur sa décision le 5 février. Rappelons que cette pratique est interdite par la loi au Québec.

Telus Santé a annoncé en mars qu’elle ne rembourserait les employés pour certaines ordonnances que si elles étaient exécutées par la pharmacie virtuelle de l’entreprise, selon un reportage de CBC.

CBC s’est entretenue avec trois employés de Telus Santé qui se sont dits frustrés de ne plus pouvoir choisir l’endroit où ils feraient exécuter certaines ordonnances, à moins qu’ils ne paient de leur poche. Ils craignaient également de manquer la livraison de médicaments vitaux en utilisant la pharmacie virtuelle et que les personnes vivant dans des zones rurales soient particulièrement touchées.

Dans une déclaration à CBC, Telus Santé a déclaré que la politique « est conforme à l’approche standard » d’autres sociétés pharmaceutiques et que le changement « offre une gamme d’avantages, y compris une coassurance améliorée et des frais d’exécution d’ordonnance réduits ».

« En outre, nous accordons une grande importance à l’implication de nos employés dans l’essai et l’utilisation de nos services, car leurs précieux commentaires nous permettent d’améliorer continuellement nos offres pour nos clients », a soutenu l’entreprise.

Suzanne Lepage, stratège en régimes de soins de santé privés, a déclaré qu’elle n’était pas surprise de la décision de Telus Santé, car l’organisation a lancé sa propre pharmacie en ligne en 2022 pour permettre aux promoteurs de régimes d’économiser sur les coûts des médicaments.

« La plupart des payeurs privés (assureurs et gestionnaires de prestations pharmaceutiques) ont une pharmacie préférée ou un réseau de pharmacies à offrir aux promoteurs de régime », a-t-elle déclaré dans une déclaration envoyée par courriel à Benefits Canada, notant que cela offre aux promoteurs de régime la possibilité d’économiser sur les coûts des médicaments. « Le coût de la demande de remboursement à la pharmacie comprend le prix listé du médicament, la marge du grossiste et de la pharmacie et les honoraires du pharmacien. Les pharmacies privilégiées acceptent généralement une marge bénéficiaire et/ou des frais d’exécution moins élevés, en plus d’offrir des services supplémentaires aux patients. »

Elle note également que ces accords peuvent être mis en œuvre de différentes manières pour générer des économies. « Lorsqu’ils sont facultatifs, si les membres du régime les utilisent, il y a des économies potentielles ; cependant, les régimes d’avantages sociaux qui offrent un incitatif, comme une coassurance plus faible pour les participants qui utilisent la pharmacie privilégiée, ou qui la rende obligatoire, généreront plus d’économies parce que les pharmacies sont susceptibles d’offrir un rabais plus important en échange d’une plus grande certitude quant au nombre accru d’ordonnances qu’elles généreront. »

En effet, un rapport publié en 2023 par Médicaments novateurs Canada a révélé que le coût moyen par demande de remboursement en dehors du Québec est de 75,91 $, dont 76,3 % correspondent au prix de liste, 13,9 % aux frais d’exécution et 9,8 % à la marge bénéficiaire. Le rapport estime qu’une réduction de 1 % de la marge bénéficiaire entraînerait une diminution de 0,1 % des dépenses de médicaments, tandis qu’une réduction de 5 % de la marge bénéficiaire pourrait générer des économies de 0,49 % pour les régimes d’assurance médicaments.

Si la marge sur les médicaments était plafonnée, elle générerait des économies de 2,3 % lorsque la marge est limitée à 50 $ et de 0,9 % lorsqu’elle est limitée à 200 $.

« Les régimes privés cherchent des moyens de gérer les coûts de leurs régimes d’assurance médicaments alors que le coût des médicaments continue d’augmenter, a déclaré Mme Lepage. Si les promoteurs de régime peuvent encourager les participants à leur régime à utiliser des pharmacies moins coûteuses, le régime pourra demeurer viable et maintenir un niveau élevé de couverture, tout en minimisant les coûts, au lieu de limiter ou de restreindre la couverture. »

Cet article a initialement été publié par Benefits Canada.