Avec la pandémie et le télétravail qui s’éternisent, pas moins de 72 % des Américains affirment avoir travaillé depuis leur lit au cours de la dernière année. L’idée peut sembler tentante à première vue, mais constitue une catastrophe d’un point de vue ergonomique… et psychologique.

Sur Instragram, le mot-clic #WorkFromBed est devenu viral dans les derniers mois, rapporte BBC. Des milliers de télétravailleurs partagent sur le réseau social des photos d’eux bien installés dans leur lit, souvent en pyjama avec une tasse de café à la main.

En fait, la tendance du travail au lit aurait augmenté de 50 % depuis le début de la pandémie. Un Américain sur dix déclare même avoir passé la plus grande partie ou la totalité de sa semaine de travail au lit dans les derniers mois.

Cette pratique n’est toutefois pas toujours un choix délibéré et est parfois liée à des contraintes logistiques. Au Royaume-Uni, les travailleurs âgés de 18 à 34 ans sont par exemple les moins susceptibles d’avoir un bureau et une chaise adéquats, et sont donc deux fois plus susceptibles de travailler depuis leur lit que les travailleurs plus âgés.

Une très mauvaise idée

Tous les experts en ergonomie s’entendent pour dire que le travail au lit n’est pas bon pour le corps. Sur une surface molle comme un matelas, le cou, le dos et les hanches ont tendance à être très tendus. Résultat, les travailleurs vont s’étendre ou s’affaisser. « Rien de tout cela n’est optimal, a expliqué à BBC Susan Hallbeck, directrice de l’ingénierie du système de santé à la clinique Mayo, l’un des plus grands instituts de recherche médicale aux États-Unis. Vous n’êtes pas vraiment soutenu d’une manière qui soit propice au travail. »

Les jeunes employés sont particulièrement à risque, ajoute la spécialiste, car ils ne ressentiront pas toujours l’inconfort ou les douleurs causées par le travail au lit immédiatement. Or, les problèmes risquent de se faire sentir au fil du temps.

Outre des maux de tête, cette mauvaise habitude peut également causer des raideurs permanentes au dos et des douleurs cervicales.

Le mieux pour les travailleurs est donc d’investir dans un poste de travail, aussi petit soit-il. Une chaise de cuisine et une simple planche à repasser donneront déjà de meilleurs résultats qu’un lit d’un point de vue ergonomique, insiste Mme Hallbeck. Conscients des difficultés vécues par leurs employés en télétravail, des employeurs remboursent certaines dépenses contractées pour l’aménagement d’un bureau à domicile.

Si le lit est vraiment la seule option pour travailler, Susan Hallbeck conseille de tenter de recréer autant que possible l’expérience de la position assise sur une chaise droite. Comment ? Par exemple en enroulant un oreiller dans le bas du dos pour créer un soutien lombaire. Dans la mesure du possible, utiliser un clavier séparé de l’ordinateur permettra de placer l’écran à la hauteur des yeux. Et surtout, il faut éviter à tout prix de s’allonger sur le ventre pour taper. Cette position fait peut-être de belles photos Instagram, mais elle entraîne de fortes douleurs au cou et aux coudes.

Bonjour l’insomnie

Le corps n’est pas le seul à souffrir du travail au lit, l’esprit lui aussi risque de peu apprécier. En effet, travailler de son lit nuirait à la productivité et chamboulerait les habitudes de sommeil.

« En tant que spécialistes du sommeil, nous avons tendance à recommander que le lit soit réservé à trois choses : pour dormir, pour faire l’amour ou pour être malade. C’est tout », explique Rachel Salas, professeure associée de neurologie et spécialiste du sommeil à l’université Johns Hopkins du Maryland.

Lorsqu’un individu commence à regarder la télé, à jouer à des jeux vidéo ou encore à travailler au lit, le cerveau construit des associations comme quoi toutes les activités peuvent être réalisées au lit. « Ces associations finissent par évoluer vers des comportements conditionnés. Votre cerveau et votre corps finissent par ne plus associer le lit au repos », poursuit Rachel Salas.

En résumé, enfiler son pyjama le soir avant de se coucher constitue une bonne hygiène du sommeil, mais pas répondre à ses courriels à partir de son lit en plein jour.

Sur une période prolongée, une mauvaise hygiène du sommeil peut conduire à l’insomnie et à un dérèglement des horloges naturelles du corps.

« Les nuits perturbées, les douleurs corporelles ou les deux signifient que, sur le plan professionnel, vous êtes moins susceptible d’être productif, créatif ou concentré, souligne Rachel Salas, et votre travail risque d’en souffrir. »