Problématique plus répandue que l’on pourrait le croire, la maladie mentale affecte ou a déjà affecté un travailleur canadien sur trois. Plus du quart (27 %) d’entre eux affirment aussi éprouver des symptômes importants de stress, révèle une nouvelle étude de Morneau Shepell, dont les résultats ont été présentés hier lors de l’événement annuel Réseau Employeur tenu à Montréal.

« Depuis les années 1990, les demandes d’invalidité sont très influencées par la santé mentale, et à la lumière de cette étude, la situation ne va pas en s’améliorant », soutient Claudine Ducharme, associée, Services-conseils en santé et en assurance collective chez Morneau Shepell.

Réalisée auprès d’employés, employeurs et médecins de partout au Canada, la nouvelle enquête nationale de la firme de services-conseils indique aussi que plus de la moitié des employés (soit 58 %) ont subi des effets négatifs du stress au travail, alors que près de la moitié (45 %) ont révélé avoir songé à quitter leur emploi en raison du stress lié au travail et de ses répercussions.

Les bienfaits d’un milieu sain

« Les employés sont parfaitement conscients qu’un milieu de travail sain où règne le respect est un milieu de travail productif, puisque 90 % d’entre eux affirment que la gestion de la santé mentale est importante pour la productivité », explique Claudine Ducharme. Le maintien de bonnes relations avec les collègues et les supérieurs est primordial pour qu’un employé qui éprouve des problèmes ait envie de les partager plutôt que de les cacher et de finir par s’absenter du travail. »

Chez les médecins, il semble exister un consensus (99 %) selon lequel les enjeux professionnels jouent un rôle dans les problèmes de santé mentale et 98 % d’entre eux croient que le milieu de travail joue un rôle dans la détérioration de la santé. Ainsi, les employeurs devraient améliorer leurs communications et le soutien social au sein de leurs entreprises. Les médecins interrogés sont d’avis que ces facteurs sont plus importants pour leurs patients que la réduction de la charge ou les congés.

« Les relations conflictuelles et le manque de respect dans les milieux de travail ont souvent un effet bien pire sur la santé mentale des employés qu’une trop grande charge de travail », note Claudine Ducharme.

Le défi de la stigmatisation

La stigmatisation demeure un obstacle majeur pour réaliser des progrès dans les organisations. Près de 71 % des employés se sont dits préoccupés par la stigmatisation au travail et 53 % d’entre eux ont peur d’être stigmatisé par leur médecin.

Moins souvent abordé, le phénomène d’autostigmatisation est bien présent et affecte 65 % des employés.

« Il reste beaucoup de travail à faire en ce qui concerne l’autostigmatisation. Beaucoup d’employés atteints vont se cacher, tenter de rationaliser, faire du déni pour se convaincre qu’ils n’ont pas de problème », explique Mme Ducharme.

Même si les mentalités changent, l’étude a tout de même révélé certains éléments « choquants », selon Mme Ducharme. Par exemple, 19 % des employés croient qu’une personne atteinte de maladie mentale exerce un plein contrôle sur sa maladie. Un répondant a aussi mentionné que son employeur ne devrait pas aider les personnes qui ont des problèmes de santé mentale.

Distorsion entre employeurs et employés

L’étude révèle une importante différence de perception entre les employeurs et les employés au sujet de l’efficacité des mesures mises en place pour gérer la problématique de la santé mentale.

En général, les employeurs donnent une bien meilleure note à leur milieu de travail que leurs employés. En effet, 76 % des employeurs considèrent que le respect règne au sein de leur organisation, alors que seulement 56 % des employés sont du même avis, un écart de 20 %. En ce qui concerne l’équilibre travail-vie personnelle, l’écart est de 15 %.

Plaidoyer pour la solidarité

L’ancien joueur du Canadien de Montréal Dave Morissette a insisté sur l’importance de la solidarité et de l’écoute dans un milieu de travail en comparant le fonctionnement d’une entreprise à celui d’une équipe de la Ligue nationale de hockey. « Les équipes qui gagnent dans la LNH sont celles où il y a du respect et de l’écoute, où les joueurs se sentent bien », a-t-il affirmé.

Si Dave Morissette est particulièrement sensibilisé à la problématique de la santé mentale, c’est qu’il y a été confronté de près lorsque son frère s’est suicidé. « Je regrette de ne pas avoir agi. Je le savais qu’il allait le faire. J’aimerais ça retourner dans le passé, lui tenir la main et lui dire de me parler », a-t-il confié.

Selon lui, l’ouverture et la communication dans les milieux de travail sont la clé de la productivité et du succès. « Je me souviens qu’un soir, après une défaite, Alain Vigneault a fait le tour du vestiaire et a demandé à tout le monde ce qui n’allait pas. C’est la même chose en entreprise. Il faut être solidaire avec ses collègues et s’entraider. Les gens sont bons, ils ont des solutions à vos problèmes et ils veulent vous aider ».

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