De peur de subir des reproches ou de perdre leur emploi, les travailleuses japonaises sont de plus en plus nombreuses à retarder ou dissimuler leur grossesse. Face à une pression sociale et professionnelle trop oppressante, certaines femmes abandonnent même l’idée d’avoir des enfants.

Près du quart des futures mères japonaises subiraient cette forme particulière de harcèlement en entreprise, rapporte Radio-Canada. Le phénomène est si répandu qu’il porte un nom : le matahara.

Pour les « punir » d’être enceinte, ces femmes font l’objet de remarques blessantes, sont contraintes à effectuer des heures supplémentaires ou sont rétrogradées au retour de leur congé de maternité. Stressées, elles subissent souvent des fausses couches. Pour éviter d’être harcelées, les femmes victimes de matahara vont tenter de dissimuler leur grossesse le plus longtemps possible. Mais un jour ou l’autre, leur employeur et leurs collègues l’apprennent.

Radio-Canada raconte notamment l’histoire d’une travailleuse en garderie qui a dû présenter officiellement des excuses pour ne pas avoir respecté « l’ordre des grossesses » et être tombée enceinte avant certaines de ses collègues qui avaient priorité. Car dans certains milieux de travail japonais, les femmes doivent respecter un ordre précis pour tomber enceinte.

« Vous n’allez pas me dire que le pays favorise la natalité quand on est dans des situations de ce genre. On croit halluciner. Est-ce que le pays veut des enfants? Il faut savoir ce que le Japon veut », lance Muriel Jolivet, professeure émérite à l’Université Sophia, à Tokyo.

Une société encore sexiste

L’existence du matahara peut sembler paradoxale dans un pays vieillissant où le taux de natalité est très bas. Le gouvernement a certes mis sur pied des programmes de création de places en garderie et des congés de maternité plus avantageux, mais les mentalités évoluent très lentement.

Selon le Forum économique mondial, le Japon occupait en 2017 le 114e rang des pays en matière d’égalité hommes-femmes. Dans un pays où il est très mal vu de quitter le bureau plus tôt pour s’occuper des enfants, les femmes ont beaucoup de difficulté à faire leur place dans les milieux professionnels.

Après leur grossesse, bon nombre d’entre elles occupent des emplois à temps partiels précaires et mal rémunérés. Même si s’agit d’une pratique illégale, 20 % des futures mamans ont été licenciées en 2015 au Japon.

Il y a toutefois une lueur à l’horizon : le parlement japonais vient d’adopter une loi sur la parité en politique, ce qui permettra aux femmes de faire entendre davantage leur voix. L’année dernière, le gouvernement a aussi décrété que les entreprises doivent éviter le matahara.