Le Canada pourrait connaître une multiplication par 2,6 du nombre de visites aux praticiens de la santé mentale et une augmentation de 20 % des prescriptions d’antidépresseurs en raison des effets de la pandémie de coronavirus.

Le rapport examine l’impact humain et social des catastrophes naturelles et des périodes de difficultés économiques – comme les incendies de Fort McMurray en 2016 et les récessions de 1990 et 2008 – et la façon dont ces événements ont contribué à la santé mentale des gens une fois que les crises de santé publique et économique se sont atténuées. En plus de plusieurs autres facteurs sociaux et économiques, ces événements passés ont entraîné une augmentation de l’incidence des problèmes de santé mentale. En effet, le stress lié au confinement de la pandémie, combiné au chômage de longue durée, est susceptible d’accroître les niveaux de détresse en matière de santé mentale parmi les employés canadiens.

L’impact du chômage

Selon le rapport, l’économie canadienne et l’économie mondiale dans son ensemble sont au cœur de la pire récession depuis la Grande Dépression, avec un effondrement de la production économique et une hausse du chômage plus rapide que jamais. En effet, lors des récessions de 1990-1991 et de 2008-2009, il a fallu plus d’une décennie pour que le ratio des niveaux de chômage à long terme retrouve ses niveaux d’avant la récession.

Pendant les récessions, certains employeurs licencient une partie, voire la totalité, de leurs effectifs, tandis que d’autres annulent ou reportent leurs décisions d’embauche. Des exemples de ces deux types de licenciements ont été très présents lors de la pandémie de coronavirus. « En conséquence, les travailleurs au chômage entre deux emplois peuvent connaître des périodes de chômage beaucoup plus longues, ainsi que des difficultés financières, un niveau de stress accru et même une diminution des compétences. Le chômage de longue durée a reçu beaucoup d’attention dans la littérature pour sa capacité à affecter négativement une variété d’indicateurs de bien-être humain », pointe le rapport.

En Espagne, par exemple, pendant la crise financière de 2008/09, le chômage de longue durée (12 à 23 mois) a fait passer la probabilité de se déclarer en mauvaise santé de 45 % à 67 %. Et le chômage de très longue durée (24 à 48 mois) a encore accru cette probabilité, passant de 78 % à 132 % pour les personnes ayant un emploi.

Les femmes plus à risque

Le rapport a également constaté que les femmes sont plus exposées que les hommes. Dans le contexte actuel de ralentissement économique, 68 % des emplois perdus sont occupés par des femmes, contre seulement 18 % lors de la récession de 2008. De plus, avant la pandémie de coronavirus, les femmes – et en particulier les parents célibataires – étaient parmi les plus vulnérables économiquement, les mères célibataires présentant la plus forte incidence de faibles revenus, soit 17 %.

Pour ce qui est de la santé mentale, les femmes canadiennes sont plus susceptibles que les hommes de faire état de problèmes de santé mentale, mais elles sont moins susceptibles de déclarer que leurs besoins en la matière sont pleinement satisfaits.

Faciliter la consultation de praticiens

De plus, alors que la plupart des victimes des incendies de Fort McMurray sont toujours couvertes par les services de santé mentale fournis par leur employeur, ce n’est peut-être pas le cas pour le coronavirus, a déclaré le rapport, citant l’ampleur des pertes d’emploi et des congés. « Cela pourrait empêcher certains Canadiens d’accéder aux services dont ils ont besoin. En d’autres termes, si notre analyse montre qu’autant de Canadiens peuvent avoir besoin d’accéder à des services de santé mentale, tous ne peuvent pas se permettre ces services s’ils perdent leur assurance maladie [professionnelle]. »

Deloitte a recommandé aux gouvernements d’agir en tant qu’intermédiaires clés en facilitant la connexion entre les praticiens de la santé mentale et les patients via Internet, des lignes d’assistance ou des applications. Pour les employeurs, la firme a suggéré de saisir l’occasion de revoir la gamme d’avantages sociaux qu’ils offrent, en réfléchissant à la manière de mieux répondre aux besoins des employés pendant cette période stressante.

« Cela pourrait également être l’occasion d’élargir la portée des programmes de pleine conscience offerts aux employés dans leur ensemble d’avantages sociaux, en reconnaissant que les avantages qui vont au-delà des services professionnels de santé mentale sont utiles », indique le rapport. « D’autres possibilités d’options de soutien flexibles peuvent également se présenter. La mise à disposition de tuteurs universitaires à faible coût ou gratuits, de séances de détente ou de relaxation en ligne et d’autres services aux enfants des employés… peut s’avérer utile pour éliminer une partie du stress que subissent les parents lorsqu’ils doivent concilier leurs obligations professionnelles et familiales au quotidien, sur une longue période. »

Pour le secteur de l’assurance, le rapport a suggéré aux assureurs de revoir leurs processus afin d’accueillir plus efficacement un plus grand nombre de transactions – par exemple, en étendant le remboursement direct aux prestataires de services de santé mentale et d’envisager la rationalisation des coûts et des opérations pour faire face à un volume de demandes de services de santé mentale plus important que prévu.

Joan Weir, directrice de la politique en matière de santé et d’invalidité de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, explique que l’offre de prestations de santé mentale a évolué au cours des dernières années, en reconnaissance du fait que la santé mentale est une composante de plus en plus importante pour les employeurs et les participants au régime. « Ces changements ne feront que s’accélérer compte tenu de la pandémie », pointe-t-elle.

Développer les ressources

Par exemple, de nombreux employeurs ont augmenté la couverture maximale de leurs régimes d’avantages sociaux et reconnaissent un plus grand nombre de fournisseurs réglementés pour la prestation de services de santé mentale, tels que les psychothérapeutes et les conseillers.

De nombreux assureurs ont adopté des programmes de thérapie cognitivo-comportementale en ligne, explique Mme Weir, et beaucoup ont maintenant mis en place des programmes de prescription personnalisée volontaire pour les personnes handicapées pour des raisons de santé mentale, permettant aux participants au régime de se faire prescrire le médicament le plus approprié qui leur conviendra.

« La plupart des assureurs ont mis en place des portails de demande de remboursement qui encouragent les professionnels de la santé mentale, tels que les psychologues, à soumettre directement leur demande et à se faire rembourser directement par le prestataire », note-t-elle. « Les prestataires doivent s’y inscrire. Nous voyons le volume des demandes de remboursement électroniques en matière de santé mentale augmenter. »

Pendant la pandémie, le remboursement des demandes de remboursement de la télé-santé a été étendu à tous les prestataires de soins de santé mentale, ajoute Mme Weir, en soulignant que cela devrait constituer un changement durable. « Nous avons eu des discussions sur les champs d’application et la prestation des services de télés-anté. Cela varie d’un type de prestataire à l’autre, c’est pourquoi nous continuons à recueillir ces informations au fur et à mesure qu’elles sont disponibles. »

Ce texte a été publié initialement sur Benefits Canada.