Le Québec n’échappe pasà la tendance : sa population vieillit. Sur le plan de la main-d’œuvre et des régimes de retraite on prévoit que, d’ici 20 ans, il n’y aura que deux travailleurs pour chaque personne âgée de plus de 65 ans. Quelle incidence ce vieillissement aura-t-il sur les placements ? Mario Lavallée, professeur en finances de l’Université de Sherbrooke, s’est penché sur la question. Il a de plus présenté ses idées lors de la conférence régionale de l’Institut Canadien de la Retraite et des Avantages sociaux (ICRA) qui s’est tenue à Québec en septembre dernier. Simeon Goldstein en a discuté avec lui.

Notons d’emblée que le vieillissement de la population n’est pas un phénomène mondial. Les pays émergents n’en souffrent pas de la même façon que les pays développés. Or, cette réalité risque d’inverser en quelque sorte les relations entre ces groupes de pays sur le plan des investissements. « Le vieillissement de la population n’est pas positif pour les marchés, tranche Mario Lavallée. Le travailleur accumule de la richesse, des actifs financiers. À un moment donné, il se met à les vendre et, quand on vend ce n’est pas bon pour le marché. Si je veux vendre mes actifs et que mes enfants, par exemple, veulent les acheter, ça va bien, dit-il. Par contre, retrouver de plus en plus de personnes dans la phase de décaissement pourrait mettre une pression à la baisse sur le prix des actifs financiers. »

D’où l’intérêt des marchés émergents. Il est question de pays en forte croissance économique et dont la population s’accroît à un rythme plus élevé qu’au Québec. « À un moment donné, les habitants de ces pays vont commencer à épargner et ainsi devenir des investisseurs cibles pour nous, dit M. Lavallée. S’il n’y a pas assez de Québécois pour acheter notre capital, on vendra nos obligations aux étrangers. » Il faudra aussi être prêts à accepter que, de temps à autre, des investisseurs étrangers prennent le contrôle des sociétés d’ici. Les investissements internationaux ne datent pas d’hier – le professeur Lavallée cite en exemple l’Empire britannique qui était tant un projet commercial que politique. Or la fluidité des marchés des capitaux a rendu ces investissments plus faciles pour tout le monde. « C’est dans la nature des choses. Nous détenons des actions de compagnies de pays émergents, l’inverse doit exister aussi, précise M. Lavallée. C’est d’ailleurs une bonne chose pour tout le monde, parce que cela permet aux investisseurs étrangers de diversifier leur portefeuille en actions canadiennes, comme cela nous permet de diversifier nos propres placements. » Étant donné que les investisseurs d’un pays émergent quelconque risquent d’investir d’abord chez eux, il deviendrait donc intéressant d’augmenter d’abord le poids de ces catégories d’actifs dans son portefeuille et ensuite les actions mondiales de grande qualité, note M. Lavallée dans sa présentation.

Le vieillissement de la population n’implique certes pas qu’il faille complètement tourner le dos aux entreprises d’ici. Le professeur Lavallée observe que, pour les pays développés, il s’avère intéressant d’augmenter le poids des secteurs des services et des actifs ayant des rendements courants élevés. « Le vieillissement comporte plusieurs phases, dit-il. Au départ, on est plus actif et on consomme toujours des biens. Mais à un moment donné, la santé fait en sorte qu’on consomme moins et presque exclusivement des services. » À titre d’exemple, le professeur Lavallée affirme qu’à un certain âge, les gens ne changent plus de voiture; par contre, ils continuent de la faire entretenir. Plus tard, ils ne seront peut-être plus capables de la laver. « Toute la notion de service prend de plus en plus de place et les biens, moins, dit-il. De plus, les biens vont se fabriquer dans d’autres pays où cela coûte moins cher. Or, on ne se fait pas coiffer en Chine. L’industrie des services, comme l’alimentation, continuera de bien vivre. »

La présentation de Mario Lavallée peut être téléchargée du site de l’ICRA.