Il faut rendre le travail fiscalement plus attrayant pour les aînés et favoriser le maintien à domicile, si on veut atténuer les conséquences économiques du vieillissement de la population, plaide le Conseil du patronat du Québec (CPQ), dans une récente étude.

La situation est « assez préoccupante » quand on anticipe l’impact du vieillissement de la population sur l’économie et les services à la population, juge Norma Kozhaya, économiste en chef du CPQ, en entrevue.

La diminution de la population active entraînerait une décélération de la croissance économique. Ce ralentissement pourrait faire en sorte que le produit intérieur brut réel (PIB) soit 63 milliards $ moins élevé que ce qu’il pourrait potentiellement être. Cela représente 6667 $ de moins par habitant, souligne-t-elle.

Pour arriver à ce chiffre, l’économiste utilise les hypothèses de la Chaire en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l’Université de Sherbrooke. La CFFP prévoit que la croissance économique passerait à un rythme annuel moyen de 1,4 % entre 2022 et 2041, contre 1,9 % de 2010 à 2019, en raison du vieillissement de la population.

Au-delà des chiffres, la combinaison d’une croissance économique plus faible avec un manque de main-d’œuvre aura des impacts réels sur la population, prévient-elle. « Concrètement, soit qu’on a moins de services, soit qu’on augmente la fiscalité. Il faudra trouver des moyens d’être plus efficients avec les ressources que nous avons. »

Le Québec tirerait d’ailleurs un « immense avantage » à encourager davantage de travailleurs expérimentés à rester sur le marché du travail. L’étude note que le taux d’activités des 60-64 ans n’est que de 52 % au Québec. Ce taux est de 57 % en Ontario. Il atteint 71 % au Japon et 74 % en Suède.

Mme Kozhaya juge qu’il faut améliorer les incitatifs au travail pour les aînés. « Un principe de base est que pour que les gens soient encouragés à travailler plus longtemps, il faut tout d’abord s’assurer que ça soit plus payant que la retraite. »

Pour y parvenir, le CPQ propose, entre autres, d’améliorer le crédit d’impôt pour la prolongation de la carrière et d’apporter des changements au supplément de revenu garanti (SRG) pour ne pas décourager les personnes à faible revenu de travailler plus longtemps.

Parmi les propositions du CPQ, Luc Godbout, titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques, croit que celles touchant le Régime de rentes du Québec (RRQ) sont les plus faciles à implanter. Il donne en exemple l’idée de permettre aux travailleurs de 65 ans de cesser de cotiser à la RRQ, s’ils le souhaitent. C’est déjà possible de le faire avec le Régime de pensions du Canada (RPC) dans les autres provinces. « Normalement, ça se fait à coût neutre pour le régime, mais ça vient accroître le gain du travail pour ceux qui veulent rester sur le marché du travail passé 65 ans », explique-t-il en entrevue.

Il aimerait aussi que le gouvernement donne la possibilité aux cotisants de repousser le versement de la RRQ à l’âge de 75 ans. « C’est un choix, s’ils [les travailleurs] repoussent, elles [les rentes] vont être bonifiées plus tard et ça peut devenir intéressant de rester sur le marché du travail. Ça ne coûte rien au gouvernement, ça donne de la souplesse aux citoyens et ça se finance à coût neutre pour le Régime des rentes du Québec. »

Soutien à domicile

Le vieillissement de la population exercera aussi une pression sur les services publics, ajoute Mme Kozhaya. La population des 85 ans et plus devrait tripler d’ici 2040, ce qui entraînera une hausse des dépenses en santé.

Le Québec devra trouver des moyens de retarder la perte d’autonomie. Investir dans les soins à domicile amènerait « un retour sur l’investissement » plus élevé qu’une entrée plus tôt en CHSLD, selon l’économiste. Elle note qu’une diminution de 1 % du taux de présence dans les CHSLD amènerait une économie de 1,9 milliard $ d’ici 2035. « Ce n’est pas ça qui va tout régler, mais ça permet quelques économies. »

Les mentalités doivent changer quant au travail des aînés, croit M. Godbout. À une époque où le taux de chômage était élevé dans les années 1980 et 1990, le départ d’un travailleur expérimenté était souvent vu comme une occasion « de faire une place aux jeunes ». « C’est rentré dans les mentalités, mais on n’est plus du tout là. »