Alors que le nombre de jours passés au bureau devrait augmenter pour de nombreux travailleurs hybrides canadiens, les obligations de retour au bureau créent des tensions entre employés et employeurs. 

Le travail à distance et hybride, stimulé par la pandémie de Covid-19, cède la place à des modalités plus proches des normes traditionnelles, maintenant que les conditions du marché du travail ont basculé en faveur des entreprises.

Certaines des plus grandes sociétés de services financiers du Canada, dont plusieurs grandes banques, ont annoncé qu’elles passeraient à quatre jours de présence obligatoire au bureau par semaine à compter de l’automne.

Les avocats spécialisés en droit du travail affirment recevoir des appels de clients qui ne souhaitent pas perdre un ou plusieurs de leurs jours de télétravail, mais que les entreprises adoptent une position plus ferme qu’il y a quelques années, alors qu’un taux de chômage plus faible favorisait les chercheurs d’emploi plutôt que les employeurs.

« Il semble qu’avec l’incertitude économique, les employeurs disposent désormais d’un plus grand pouvoir pour imposer unilatéralement ce genre de mesure et dire aux employés: si ça ne leur plaît pas, ils peuvent s’en aller », a déclaré Philippe de Villers, président de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Canada.

Les gens dans cette situation peuvent avoir l’impression de devoir choisir entre respecter la consigne ou trouver un nouvel emploi. Même si cela est vrai dans de nombreux cas, les experts indiquent qu’il existe d’autres options.

Une option pour les employés qui ne souhaitent pas retourner au bureau est de chercher tout simplement un autre emploi. « Des employés envisagent massivement des changements de carrière. Comme on peut s’y attendre, ceux qui sont confrontés à un protocole de retour au travail plus strict sont plus susceptibles de chercher à quitter le navire et à trouver un arrangement plus flexible s’ils ne sont tout simplement pas d’accord », a déclaré Sunira Chaudhri, fondatrice et associée du cabinet Workly Law.

La tendance au retour au bureau est plus fréquente dans les grandes entreprises, comme les banques et les cabinets de comptables, que dans les petites entreprises ou celles des secteurs d’activité plus soucieux de retenir leurs meilleurs éléments, selon Jon Pinkus, avocat spécialisé en droit du travail et associé chez Samfiru Tumarkin.

La Banque de Montréal, la Banque Royale et la Banque Scotia ont annoncé qu’un plus grand nombre de travailleurs devront être présents au bureau quatre jours par semaine à partir de l’automne, invoquant des améliorations opérationnelles et des possibilités de collaboration.

Si un employé ne souhaite pas quitter son poste actuel et n’a pas besoin d’aménagements liés à sa situation familiale ou à ses besoins médicaux, il devra peut-être se conformer aux exigences de retour au bureau fixées par son employeur.

Des exceptions prévues

Des exceptions peuvent toutefois s’appliquer en fonction de la situation familiale.

La situation familiale est un problème qui peut nécessiter des aménagements, et les employeurs doivent être « très prudents », a souligné Mme Chaudhri, car de nombreux employés ayant de jeunes enfants ont organisé leurs journées en fonction de leurs responsabilités parentales.

Elle a ajouté que ces responsabilités pourraient devoir être accommodées si elles ne peuvent être assumées par un retour au bureau à temps plein. Par exemple, elle a indiqué qu’il pourrait être difficile pour une personne d’aller chercher son enfant à la garderie si elle doit être au centre-ville de Toronto jusqu’à 17 h.

« S’il est tout simplement impossible ou déraisonnable pour un employé d’effectuer ce type de changement, il peut demander un accommodement en raison de sa situation familiale », a souligné Mme Chaudhri.

Si les besoins médicaux d’une personne ont changé depuis qu’elle travaillait au bureau à temps plein avant 2020, Mme Chaudhri a indiqué que les employeurs pourraient devoir envisager des aménagements médicaux.

« Les employeurs doivent être bien conscients du fait que les aménagements pourraient devoir faire partie intégrante des discussions sur le retour au travail des employés la plupart du temps », a-t-elle ajouté.

M. Pinkus a déclaré que les aménagements médicaux sont l’un des problèmes les plus courants qu’il constate chez ses clients concernant les obligations de retour au bureau. Il a affirmé que les employés pourraient avoir besoin d’aménagements pour des raisons qui pourraient rendre difficile la conduite ou la position assise prolongée.

D’autres problèmes pourraient inclure l’accès à des médicaments qui peuvent ne pas être pratiques à apporter au bureau, ou la nécessité d’être à proximité d’un hôpital ou d’un médecin.

« En tant qu’employeur, vous avez l’obligation d’accommoder une personne jusqu’à ce qu’il y ait ce qu’on appelle une contrainte excessive », a souligné M. Pinkus.

Selon le cabinet d’avocats torontois Achkar Law, une contrainte excessive désigne une difficulté ou une dépense importante liée à l’accommodement des besoins ou des demandes d’un employé.

Des actions en justice possibles

Si un employé a commencé à travailler à domicile à temps plein pendant la pandémie de COVID-19 et que son employeur ne lui a pas précisé si cet arrangement était temporaire ou permanent, mais qu’il tente maintenant de le faire revenir au bureau quatre jours par semaine, cela pourrait être considéré comme une rupture de contrat, a affirmé M. Pinkus.

Cependant, il a ajouté que, si l’employeur a communiqué clairement que le télétravail ne durerait pas éternellement, il serait plus difficile pour un employé d’intenter une action en justice.

Selon lui, les employés envisageant de refuser de retourner au bureau devraient être « très prudents », car, si leur employeur avait le droit d’imposer un retour au bureau, cela pourrait être considéré comme un départ volontaire, ce qui signifie que le travailleur n’aurait pas droit à une indemnité de licenciement. « Si on se trompe, les conséquences sont très graves. »