La banque ABC tente sérieusement de trouver des moyens de convaincre ses employés retraités de revenir au travail, notamment dans des emplois qui se prêtent bien aux horaires flexibles. Certaines succursales de grandes chaînes de magasins et de restaurants recrutent activement des travailleurs plus âgés, surtout pour les postes de première ligne liés au service à la clientèle. Voilà deux exemples d’une stratégie de plus en plus utilisée pour contrer la pénurie de main-d’œuvre au Canada: persuader les travailleurs plus âgés de demeurer en poste plus longtemps ou de réintégrer le marché du travail.
Certains experts croient qu’il est très difficile de faire changer d’idée des employés
qui ont hâte de mettre un terme à leur carrière et de passer à une autre étape, moins harassante, consacrée au golf, aux petits-enfants et au bénévolat, par exemple.
Or, les résultats de l’étude 2007 des Employeurs de choix au Canada, menée par
Hewitt & Associés, démontrent une toute autre réalité. En effet, les baby-boomers de la première vague(âgés de 55 à 60 ans)et les vétérans(âgés de plus de 60 ans)ont un indice de mobilisation plus élevé que les plus jeunes employés, ce qui laisse croire qu’ils pourraient se laisser convaincre de travailler plus longtemps si le milieu de travail leur convient.
Comme pour toute autre génération, les baby-boomers de la première vague et les vétérans ont des besoins et des points de vue particuliers sur les motifs qui les poussent à vouloir demeurer ou se joindre à une organisation. Mieux comprendre ces raisons aidera les employeurs à attirer et à retenir les travailleurs de cette génération.
Niveaux de mobilisation d’une génération à l’autre
Grâce à un indice de mobilisation, il est possible de mesurer le pourcentage des employés d’une organisation qui se sentent engagés à l’égard de leur employeur, tant sur le plan émotif qu’intellectuel. Les organisations qui bénéficient d’un indice de mobilisation élevé ont littéralement conquis le cœur et l’esprit de leurs employés: ceux-ci parlent positivement de l’organisation, manifestent le désir de demeurer à son service et se dépassent pour contribuer à son succès.
Avoir un indice de mobilisation élevé est fort avantageux pour les organisations. Elles profitent alors d’une meilleure capacité d’attraction de nouveaux employés, d’un taux de roulement moins élevé, d’une productivité accrue et de meilleurs résultats d’affaires. Ensemble, ces nombreux avantages forment un argumentaire convainquant en faveur de mesures visant à accroître la mobilisation des employés.
Or, les chemins qui mènent à la mobilisation des employés sont de plus en plus complexes et variés, à l’image de la segmentation et de la disparité de la main d’oeuvre. Pour un employeur, la première étape consiste à prendre connaissance des indices de mobilisation obtenus à l’échelle de l’organisation afin d’établir le point de départ pour chaque groupe et de les comparer entre eux. L’étape suivante(décrite ci-après)vise à comprendre les valeurs personnelles des travailleurs de générations distinctes afin de mettre de l’avant des stratégies qui ciblent leurs différents besoins.
Au total, 211 organisations canadiennes regroupant plus de 400000 travailleurs ont
pris part à l’étude 2007 des Employeurs de choix au Canada ou à l’étude 2007 des Employeurs de choix au Canada—Petites et moyennes organisations. Le graphique ci-dessous illustre l’indice de mobilisation de Hewitt pour chacun des six groupes d’âge.
La bonne nouvelle: les employés plus âgés sont plus susceptibles d’avoir un niveau de mobilisation élevé. En effet, les vétérans ont un indice de mobilisation de 11 points de pourcentage supérieur à la moyenne, étant de 63 %, et les baby-boomers de la 1re vague ont un indice de mobilisation de neuf points de pourcentage supérieur à la moyenne. D’ordre général, les employeurs peuvent s’attendre à un excellent rendement de ces employés, à condition de leur confier les rôles qui leur conviennent dans l’organisation.
Joindre une organisation ou y demeurer: les valeurs varient selon les générations Tous les employés qui ont participé à l’étude des Employeurs de choix ont été interrogés sur les raisons qui les pousseraient à se joindre à une organisation ou à y rester. Rédigés par Sean Lyons et Linda Duxbury, respectivement professeur à l’Université St. Francis Xavier et à l’Université Carleton, ces énoncés fournissent des données approfondies sur les différences générationnelles et les valeurs au travail de la main-d’œuvre canadienne.
Le tableau suivant permet de comparer la valeur attribuée à différents aspects du travail par les vétérans et les employés de la génération Y.
L’un des aspects les plus positifs à ressortir de ce tableau est le fait que certaines valeurs au travail sont aussi importants pour les employés plus âgés que pour les plus jeunes, ce qui permettra à certains programmes de ressources humaines de transcender les générations, à condition d’offrir une certaine flexibilité(par exemple, des programmes d’avantages sociaux flexibles permettant de satisfaire les besoins spécifiques des employés). Cependant, alors que les employés de la génération Y recherchent clairement des possibilités de développement et d’avancement, ce qui motive et mobilise les employés plus âgés – particulièrement ceux dont la retraite est imminente – est la satisfaction du travail bien fait.
Repenser la retraite
Le fait que l’indice de mobilisation augmente avec l’âge des employés confirme que certaines organisations offrent déjà un milieu de travail qui inspire et motive les travailleurs plus âgés. Par conséquent, si l’analyse de leurs effectifs révèle la nécessité d’attirer et de retenir des employés plus jeunes, ces organisations pourraient devoir revoir leurs pratiques en ressources humaines de fond en comble.
En soi, un niveau de mobilisation élevé pourrait ne pas être suffisant pour dissuader les employés plus âgés de partir à la retraite au moment prévu, surtout s’ils en ont les moyens financiers. Les employeurs qui doivent maintenir ou augmenter le niveau de mobilisation des baby-boomers et des vétérans devraient envisager les stratégies ci-dessous pour répondre aux besoins et aux valeurs de ces employés:
- Créez un milieu de travail juste et respectueux. Les employés plus âgés veulent effectuer un travail qui est en harmonie avec leurs valeurs, dans un milieu intègre, où les communications sont transparentes et où ils sentent qu’ils ont l’appui de leurs supérieurs.
- Permettez à vos employés de faire leur marque. Permettez à vos employés plus âgés de jouer le rôle de mentor et de former les plus jeunes afin d’assurer le transfert des connaissances avant leur départ à la retraite.
- Confiez-leur des tâches intéressantes à accomplir. Ce ne sont pas uniquement les tâches elles-mêmes qui attirent les employés plus âgés, mais également l’interaction avec les clients et avec les collègues de travail.
- Ne négligez pas leur apport. Même s’ils sont en fin de carrière, les employés plus âgés veulent qu’on leur offre des possibilités d’avancement et la chance d’apprendre de nouvelles compétences.
- Envisagez des arrangements de travail flexibles. Certains employés accepteront de demeurer en poste s’ils ont également la possibilité de participer aux activités qu’ils avaient prévues pour leur retraite. La retraite progressive, le travail à temps partiel ou des congés d’un mois ou plus pourraient offrir aux employés plus âgés la flexibilité recherchée dans une semi-retraite.
- Reconnaissez leurs efforts. Les employés plus âgés s’attendent davantage à recevoir une tape sur l’épaule qu’une ovation. Les superviseurs attentionnés, qui connaissent les besoins précis de leurs employés et qui leur témoignent la reconnaissance recherchée, sauront mériter leur loyauté soutenue.
Les sources de motivation des employés varient grandement d’une génération à l’autre. Quel que soit l’âge des employés, savoir ce qui compte à leurs yeux permet aux employeurs d’élaborer et de mettre en place des stratégies qui, à la fois, satisfont les besoins des employés plus âgés et atténuent les effets de la pénurie de main-d’œuvre.
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Andrée Mercier dirige la pratique canadienne en efficacité et développement organisationnel de Hewitt & Associés à partir du bureau de Montréal. |