Lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé, Christina Disler s’est demandé s’il fallait fermer son entreprise d’espaces de cotravail à Vancouver, puisque les gens avaient si peur de se retrouver dans des bureaux communaux.

« Nous avons perdu environ 75 % de nos clients parce qu’ils ne s’étaient pas engagés dans des contrats à long terme, puisque (…) nous voulions offrir de la flexibilité », a expliqué la propriétaire de Werklab, une entreprise proposant des espaces de cotravail avec une attention particulière sur le bien-être. « C’était vraiment dur. »

Mais plus d’un an et demi plus tard, ses perspectives ont complètement changé. Les gens retournent dans des espaces de cotravail, qui offrent à leurs membres des bureaux, des salles de réunion et d’autres équipements tels que des gymnases, des cuisines et des cafés. Plusieurs envisagent également de recourir à ces lieux pour la première fois, alors qu’ils s’adaptent au travail à distance à long terme ou quittent des emplois de bureau pour créer des entreprises.

Ces changements s’avèrent être une aubaine pour les espaces de cotravail, qui commençaient à devenir courants avant que la pandémie ne fasse des ravages sur leur modèle d’affaires. Maintenant, leurs propriétaires s’attendent à atteindre un pic de popularité alors que les cas de COVID-19 continuent de s’atténuer et que les gens recherchent de nouvelles façons de travailler, de socialiser et de s’aventurer à l’extérieur après plus d’un an à la maison.

En termes simples, les espaces de cotravail, autrefois considérés comme quelque chose de « plaisant », sont maintenant devenus essentiels pour plusieurs personnes, a observé Mme Disler.

« Les gens se disent : “Je dois sortir de la maison, m’organiser, avoir une certaine responsabilité vis-à-vis des gens autour de moi et créer une séparation entre ma maison et le bureau” », a-t-elle expliqué.

« Nous avons donc observé une légère reprise et nos bureaux ont été remplis. » Mme Disler a également constaté un grand intérêt envers les forfaits d’entreprise, pour les clients qui se débarrassent de leurs bureaux, mais qui souhaitent toujours offrir à leur personnel un espace de travail.

Elle ne prévoit pas que cet intérêt changera de sitôt, un sentiment qui émane aussi d’une étude réalisée en 2020 par Coworking Resources et Coworker.com.

Leur recherche a révélé que le nombre de sites d’espaces de cotravail dans le monde devrait atteindre 40 000 d’ici 2024 et que ceux-ci devraient offrir des lieux de travail à cinq millions de personnes, soit une augmentation de 158 % par rapport à 2020.

Malgré le ralentissement de l’industrie l’an dernier, elle prévoit un taux de croissance annuel de 21,3 % à partir de 2021.

L’étude a en outre indiqué que le Canada comptait déjà 617 espaces de cotravail, y compris des sites gérés par de grandes entreprises comme Bureau en gros. Certains de ces sites s’adressent uniquement aux femmes et d’autres visent des industries spécifiques, comme les arts.

Le besoin de sortir de la maison

L’un des ajouts les plus récents est le Huddle Sharespace, qui a ouvert ses portes en novembre 2019. Le site de Scarborough, en Ontario, qui offre des bureaux, des salles de réunion, un centre d’exercice et un salon, compte désormais plus de visiteurs mensuels et les inscriptions à la journée sont également en augmentation, a indiqué Aleema Khan, responsable de la communauté.

Plusieurs visiteurs lui répètent ce qu’un paysagiste lui a dit il y a quelques semaines. « Il m’a dit qu’il avait une maison complète pour lui seul, mais a ajouté : “Je dois sortir de chez moi, j’ai besoin de rencontrer des gens, j’ai besoin de reparler aux gens et j’ai besoin de sentir qu’il y a un monde à l’extérieur” », a raconté Mme Khan.

Ces visiteurs créent une occasion en or pour les espaces de cotravail, a affirmé John Trougakos, professeur agrégé spécialisé en comportement organisationnel et en gestion des ressources humaines à l’Université de Toronto.

« Il n’y a jamais eu une époque où tant de personnes pouvaient travailler de n’importe où, comme c’est actuellement le cas, et où plusieurs personnes veulent et réalisent qu’elles peuvent travailler de n’importe où », a-t-il souligné.

« Cela donne vraiment à ces entreprises d’espaces de cotravail une longueur d’avance par rapport à avant la pandémie, alors que beaucoup moins de personnes travaillaient comme ça. »

Mais cela ne signifie pas qu’attirer des visiteurs sera toujours facile pour les espaces de cotravail. M. Trougakos estime que les perspectives pour les lieux de travail sont « fluides » et qu’elles pourraient prendre jusqu’à 18 mois pour se préciser, puisqu’on ne sait pas combien d’entreprises opteront pour le travail à distance à long terme, et combien d’employés voudront adopter ce modèle une fois la pandémie terminée.

« Nous sommes en quelque sorte au sommet de l’incertitude », a-t-il affirmé. « La façon dont les choses vont se dérouler n’est pas tout à fait claire, mais je pense vraiment qu’à l’avenir, l’occasion sera meilleure pour ces entreprises (d’espaces de cotravail) qu’elle ne l’était auparavant. »