Il faut interdire les logiciels de télésurveillance, ces «bombes à retardement» qui permettent aux employeurs d’espionner incognito leurs salariés en télétravail.

C’est ce que réclame entre autres Québec solidaire (QS) dans la réforme de la santé et de la sécurité du travail, le projet de loi 59, actuellement à l’étude.

Jeudi après-midi, le porte-parole de QS en matière de travail, Alexandre Leduc, a rencontré le ministre responsable de la réforme, Jean Boulet, pour lui proposer des modifications au texte législatif.

il faut profiter de cette réforme pour mieux encadrer le télétravail qui est de plus en plus répandu, a plaidé le député de QS, dans une entrevue avec La Presse Canadienne.

Des entreprises offrent déjà toutes sortes d’outils informatiques aux employeurs pour surveiller l’activité de leurs travailleurs.

Des logiciels «déplorables»

«Ce sont des logiciels qui sont déplorables, de mauvaises façons de faire de la gestion de personnel, et surtout des bombes à retardement, qui mènent à des lésions psychologiques», a plaidé M. Leduc.

«Se faire surveiller comme ça, ce n’est pas quelque chose qui est sain pour l’esprit, cela ne permet pas de se réaliser dans le travail.»

Est-ce courant? «Personne ne s’en vante, ce n’est pas très documenté, mais des entreprises américaines rapportent avoir plusieurs clients au Canada», a-t-il répondu.

Droit de visite de l’employeur

De plus, QS demande un encadrement du droit de visite de l’employeur sur les lieux du télétravail.

L’employeur est responsable de l’environnement du travail, notamment de la sécurité des lieux, pour éviter les blessures, mais qu’en est-il quand le lieu de travail est le domicile privé? En théorie, la loi s’applique et l’employeur est aussi responsable, mais peut-il modifier l’environnement à la maison?

La Colombie-Britannique a déjà fixé des règles. Par exemple, il faut consentir à l’inspection, donner un préavis, etc. Au Québec, «on est dans une zone grise totale et le laisser-aller n’est pas la posture la plus responsable», s’inquiète M. Leduc.

Outils de travail

Le député QS de Hochelaga-Maisonneuve exige également de clarifier les règles sur la fourniture des outils de travail.

Il faudrait qu’ils soient fournis par l’entreprise, ou que ce soit un montant forfaitaire à négocier, pour tenir compte de plus petites entreprises, ou encore des employés qui ont déjà des équipements adaptés ou ergonomiques à domicile.

Enfin, QS recommande d’imposer à toutes les entreprises l’obligation de mettre en place une politique de télétravail.

En commission parlementaire, le ministre Jean Boulet avait soutenu qu’il valait mieux recommander aux entreprises d’adopter une politique plutôt que de les forcer.

Actuellement, le mot «télétravail» n’apparaît nulle part dans le libellé du projet de loi 59, ce qu’avait déploré l’organisme Télétravail Québec en commission parlementaire.

Le ministre avait alors fait valoir que les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité du travail s’appliquent indépendamment du lieu où la prestation de travail est accomplie.

«Peu importe le lieu du travail, dans un café, à la maison, ou à l’établissement, il y a une obligation (pour l’employeur) d’utiliser les techniques pour éliminer, contrôler et bien identifier les risques», avait-il affirmé.

Le projet de loi 59, qui met à jour la loi actuelle vieille de 40 ans, a été durement critiqué par plusieurs syndicats, médecins, experts et groupes de défense des travailleurs.

Il vise réduire les coûts d’indemnisation. La CNESST a versé des prestations totalisant 2,22 G$ en 2018. Elle avait alors accepté 103 406 lésions professionnelles et enregistré 226 décès. Chaque jour, 251 travailleurs subissent un accident.