Partout sur la planète, les besoins en infrastructure sont criants. Et même si les investisseurs, les caisses de retraite en première ligne, sont prêts à investir des milliards de dollars dans cette catégorie d’actifs, le financement des projets d’infrastructure demeure difficile, autant dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de développement. Comment combler ce fossé?

« L’association entre infrastructures et caisses de retraite va de soi », a affirmé Fiona Reynolds, directrice générale des Principes pour l’Investissement Responsable des Nations Unies lors d’une discussion organisée mardi dernier dans le cadre de la Conférence de Montréal. « D’un côté, on a des milliards de dollars d’actifs qui cherchent des investissements à long terme, et de l’autre des projets de haute qualité capables d’offrir un retour stable et durable. »

Au niveau mondial, l’actif sous gestion dans les infrastructures a progressé plus rapidement que la plupart des catégories d’actifs, selon des données de l’OCDE. « Il y a une forte demande pour les actifs à long terme », soutient Raffaele Della Croce, responsable, projet de l’investissement de long terme à l’OCDE. « Toutefois, il nous manque de données pour déterminer si les infrastructures ont réellement un impact positif sur la performance d’un portefeuille. »

À la Caisse de dépôt et placement du Québec, l’expérience a été très positive. « Nous investissons dans les infrastructures depuis 1999, ce qui nous a permis de tester la résilience de notre portefeuille, notamment lors de la crise de 2008 », soutient pour sa part Macky Tall, vice-président principal, placements privés et infrastructures à la Caisse.

Risques politiques

Il faut dire que les investissements en infrastructures ont leurs propres risques et une façon différente de générer du rendement pour les investisseurs. « Quand on investit en infrastructures, on doit penser à leur exploitation, aux impacts sur l’environnement, à la corruption, aux communautés locales… Il y a des risques sociaux, politiques et de gouvernance liés à de tels investissements », prévient Fiona Reynolds.

Car contrairement à d’autres catégories d’actifs, les considérations politiques jouent un rôle majeur dans les investissements en infrastructures. Un changement de gouvernement peut par exemple entraîner la modification, voire même l’annulation d’un important projet d’infrastructure. « Les gouvernements ont une vision à court terme et se servent des projets d’infrastructures pour assurer leur réélection. Cette vision est incompatible avec les préoccupations à très long terme des caisses de retraite », explique Mme Reynolds.

Macky Tall, ajoute que le risque, ainsi que le retour sur l’investissement, peut grandement varier selon le type d’infrastructure. « Les infrastructures de type “social” sont très peu corrélées au PIB et ont une faible volatilité. À l’autre extrémité du spectre, les infrastructures comme les ports, qui dépendent du volume de marchandises, sont plus risquées, mais offrent potentiellement un retour sur l’investissement plus important », avance-t-il.

Combler le fossé

Mais si les investisseurs institutionnels se pressent aux portes pour investir en infrastructures, comment se fait-il que, partout sur la planète, des projets soient sur la glace, faute de financement?

« Il ne manque pas de capital, il n’est simplement pas alloué aux bons endroits, estime Raffaele Della Croce. On doit penser à un nouveau modèle avec une structure financière optimisée et un meilleur partage des risques entre tous les intervenants par l’élaboration de partenariats public-privé d’un nouveau genre. »

L’entente conclue entre la Caisse et le gouvernement du Québec est une de ces initiatives qui pourraient permettre de combler le fossé entre les investisseurs et les projets à la recherche de financement, croit Macky Tall. « Avec cette entente, les dépenses en infrastructures ne figureront pas dans le budget du gouvernement, qui tente de rééquilibrer les finances publiques. Il s’agit d’une action concrète qui facilitera la réalisation de certains projets. »

Avec cette formule, le gouvernement conserve son rôle de protecteur de l’intérêt public, mais transfère l’essentiel du risque à la Caisse. « C’est une grosse responsabilité, mais aussi l’opportunité de démontrer notre leadership et de proposer à nos déposants d’investir dans des projets à long terme », poursuit M. Tall.

Alors qu’en 2030, l’OCDE évalue la demande en infrastructure à un total de 70 G$, ce transfère de risque des gouvernements vers les investisseurs pourrait fort bien se démocratiser, mais encore faut-il qu’il soit bien encadré, soutient Robert Palter, directeur, infrastructure chez McKinsey & Company. « Quand un gouvernement transfère une partie importante du risque aux investisseurs, les coûts et implications du projet doivent être clairement identifiés, ce qui démontre l’importance de la communication et du dialogue. »

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