Les dirigeants des grandes banques canadiennes estiment qu’un rebond économique se profile à l’horizon, mais affirment que la situation s’annonce difficile à court terme et que les dépenses n’augmenteront pas vraiment avant la deuxième moitié de 2021, voire même en 2022.

Les grands banquiers pensent que le Canada bénéficie de généreux programmes d’aide du gouvernement, qui ont réduit les défaillances et les insolvabilités, ainsi que de l’arrivée de plusieurs vaccins prometteurs contre la COVID-19.

Cependant, les semaines à venir ne s’annoncent pas faciles puisqu’un nombre croissant de Canadiens continuent de contracter le virus.

«À court terme, les choses ne seront pas aussi bonnes qu’on aurait pu l’espérer, mais dans l’ensemble, je pense que nous sommes probablement sur la bonne voie pour voir, lentement, davantage d’éléments positifs au fil de l’année», a observé lundi le chef de la direction de la Banque TD, Bharat Masrani.

Ce dernier faisait ces commentaires dans le cadre d’une conférence virtuelle des grands patrons des banques canadiennes, organisée par la Banque Royale. L’événement voit les dirigeants des principales banques du pays présenter leurs prévisions économiques pour l’année qui débute.

Ils ont tous convenu que le Canada était au milieu d’une reprise économique, mais la rapidité avec laquelle cette reprise s’installera dépendra de la capacité du pays à maîtriser la pandémie.

Les vaccins joueront un rôle essentiel, ont-ils fait valoir.

«Nous croyons qu’entre 4,0 et 4,5 millions de Canadiens considérés à haut risque devront être vaccinés avant de pouvoir vraiment rouvrir l’économie, et nous pouvons y parvenir en 100 jours, si nous avons les vaccins», a estimé le chef de la direction de la Royale, Dave McKay.

Le nombre de doses de vaccins contre la COVID-19 administrées au Canada a atteint lundi 319 938. Les efforts pour obtenir plus de vaccins se multiplient à mesure que de nouveaux stocks arrivent, mais le pays compte au moins 38 millions d’habitants.

Une fois que les gens seront vaccinés, M. McKay croit que les Canadiens, qui économisent de l’argent en ne le dépensant pas depuis le début de la pandémie, voudront renouer avec les voyages et le divertissement.

Mais le moment où cette reprise se produira reste une grande inconnue.

La plupart des entreprises dans des provinces comme l’Ontario demeurent fermées et le Québec est allé jusqu’à instaurer un couvre-feu pour tenter de faire baisser le nombre de cas. Certains défenseurs de la santé publique et politiciens demandent que des mesures similaires soient mises en œuvre ailleurs.

Le chef de la direction de la Banque CIBC, Victor Dodig, estime qu’un rebond tardera à se matérialiser dans le secteur de l’hôtellerie et dans d’autres secteurs considérés comme «discrétionnaires».

«Nous prévoyons devoir attendre jusqu’au prochain exercice financier avant de constater une robustesse (dans ce secteur)», a-t-il affirmé.

M. Masrani pense que certains consommateurs rencontreront des problèmes de crédit au cours de la deuxième moitié de 2021, ou même en 2022. Il intègre ainsi une certaine négativité dans les modèles économiques de la TD.

Même si le chef de la direction de la Banque de Montréal, Darryl White, a indiqué s’attendre à ce que les deux à quatre prochains mois soient une période «difficile», il observe certains éléments positifs.

«Nous ne voyons tout simplement pas les pertes de dépréciation arriver à la cadence à laquelle les gens auraient pu s’attendre», a-t-il indiqué.

L’allègement des loyers, les reports de paiements hypothécaires et les subventions salariales ont aidé de nombreux Canadiens à gérer la crise et les banques ont constitué d’importantes réserves pour faire face aux créances douteuses qui pourraient suivre, a-t-il souligné.

Pour qu’un rebond prenne vraiment forme, M. McKay croit que l’aide gouvernementale devra se poursuivre et continuer à se concentrer sur les secteurs de l’économie qui devraient prendre plus de temps à se remettre de la crise, comme les petites entreprises, les services d’hébergement et les sociétés de transport.

M. Dodig a remarqué que les gens se tournaient rapidement vers les services bancaires en ligne pendant la pandémie. Même ceux qui utilisaient déjà les options numériques avant la COVID-19 ont augmenté le nombre d’opérations qu’ils réalisent en ligne.

La CIBC a récemment transformé 250 centres bancaires, soit le quart d’entre eux, en centres de conseil, car la numérisation a été accélérée par la crise sanitaire, a-t-il illustré.

M. McKay a indiqué que de nombreuses succursales bancaires avaient été temporairement fermées ou fonctionnaient avec des heures réduites depuis le début de la pandémie.

La Banque Royale a fermé certaines succursales et M. McKay s’attend à réduire leur nombre d’encore 3 ou 4 % au cours de l’année à venir, a-t-il ajouté.

Cela équivaut à entre 30 et 50 succursales, a calculé M. McKay.

Il pense que l’empreinte des succursales peut être réduite et que la banque peut obtenir plus de flexibilité en se concentrant sur des baux plus courts, mais la manière dont elle devrait aborder les succursales dépendra de la reprise.

«Tout est positionné pour voir comment les clients reviennent et comment ils utilisent leur succursale», a-t-il expliqué.

«Une grande partie de l’activité des clients passe encore par nos succursales, mais nous verrons ce qui colle avec les consommateurs et ce qui change à travers tout cela.»