Si les Canadiens ont fait la file en grand nombre mercredi pour se procurer pour la première fois du cannabis en toute légalité, la nouvelle législation suscite un peu moins d’enthousiasme chez les employeurs.

Selon un sondage de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), 54 % des propriétaires de PME du Québec s’inquiètent des impacts négatifs que pourraient éventuellement avoir la légalisation du cannabis récréatif sur leur entreprise.

« Beaucoup de questions se posent sur ce que les lois du travail et la réglementation tant provinciales que municipales prévoient, indique Martine Hébert, vice-présidente principale et porte-parole nationale de la FCEI. Les PME se retrouvent avec cette patate chaude dans les mains, alors qu’elles n’ont pas de département de ressources humaines ni de contentieux juridique pour les accompagner dans la gestion de ces nouveaux enjeux. »

Même si elle est d’avis que les cas d’intoxication au travail « demeureront minoritaires », Martine Hébert estime que la gestion de la consommation et de l’intoxication sur les lieux de travail représente un défi pour les PME.

Manque d’information

Toujours selon le sondage, mené auprès de 587 propriétaires de PME du Québec, seulement 34 % des répondants soutiennent qu’en tant qu’employeurs, ils sont suffisamment outillés et informés pour gérer ce nouveau phénomène dans leur entreprise.

« Cela est préoccupant, car un travailleur intoxiqué sur les lieux de travail compromet sa propre santé et sécurité ainsi que celles de ses collègues. Or, les employeurs sont quand même responsables d’offrir un lieu de travail sécuritaire et, à date, peu d’outils ont été mis à leur disposition par les gouvernements pour les aider dans la gestion de ce nouveau phénomène », poursuit Mme Hébert.

Pour aider les employeurs à s’y retrouver, la FCEI a développé différents outils, dont un modèle de politique sur les drogues et l’alcool, un webinaire gratuit, une formation sur la gestion des facultés affaiblies au travail et des renseignements à jour sur la législation en vigueur dans chaque province.

La FTQ craint les tests de dépistage abusifs

La légalisation du cannabis récréatif soulève aussi des inquiétudes à la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), mais pas pour les mêmes raisons.

Le syndicat insiste sur le fait que la légalisation « ne doit pas servir de prétexte aux employeurs pour imposer des politiques d’entreprise ou des tests de dépistage au-delà de ce qui est permis par les lois du travail et de la jurisprudence.

« La légalisation du cannabis ne doit pas devenir un bar ouvert pour les entreprises, particulièrement en ce qui a trait aux tests de dépistage. Par exemple, nous savons tous que les tests de dépistage de drogue ne peuvent mesurer l’état des facultés, mais uniquement identifier un usage de drogue dans le passé », soutient le secrétaire général de la FTQ, Serge Cadieux.

La FTQ rappelle que les tribunaux ont déjà statué que le dépistage aléatoire n’était justifié que dans les lieux de travail dangereux et seulement en cas de motif valable, et que les tests de dépistage réalisés au hasard étaient une atteinte à la vie privée.

« Bien sûr, tous les travailleurs et toutes les travailleuses doivent exécuter leur prestation de travail avec prudence, diligence et de façon sécuritaire pour lui-même et ses collègues, mais cela ne veut pas dire d’accepter n’importe quoi en termes de politiques en milieu de travail », prévient M. Cadieux.