Les femmes obtiennent récemment des emplois mieux rémunérés, destinés à du personnel plus qualifié, mais un écart salarial persistera tant qu’elles ne cesseront pas d’être sous-représentées par rapport aux hommes dans les postes de direction, fait valoir un nouveau rapport.

Le marché du travail canadien a vu près de 200 000 femmes accéder à des emplois dont les tâches impliquent moins de contacts avec la clientèle, et pour lesquels les salaires sont nettement plus élevés, depuis la levée de nombreuses mesures pandémiques, selon le rapport publié mardi par la Banque Royale du Canada.

Sur les 21 milliards de dollars de revenus supplémentaires créés par la migration vers des secteurs mieux rémunérés qui s’est déroulée pendant la pandémie, 9 milliards de dollars, soit 43 %, ont été obtenus par les femmes. Cela représentait 15 % de l’augmentation totale des revenus des femmes pendant la reprise de la pandémie.

« Mais les hommes obtiennent toujours la majorité des gains de revenu et une grande partie de cela est probablement attribuable au fait que les rôles que les femmes et les hommes occupent sont toujours différents », a souligné Carrie Freestone, économiste pour le service d’études économiques de la Royale.

« Même si nous voyons des femmes dans ces secteurs mieux rémunérés, les postes de direction sont souvent occupés de manière disproportionnée par des hommes. »

Les recherches de Mme Freestone ont révélé que les hommes représentaient plus des deux tiers des postes de direction, même si le nombre de femmes et d’hommes sur le marché du travail est égal.

Certaines des inégalités sont encore plus prononcées chez les parents. Mme Freestone a découvert que les pères avec de jeunes enfants étaient beaucoup plus susceptibles d’être des cadres supérieurs, remplissant 10 % de ces rôles, tandis que les mères occupaient moins de 3 % de ces postes.

« Il semble donc qu’il y ait un lien entre le fait d’avoir un enfant et le fait que les femmes soient peut-être moins susceptibles d’assumer un rôle de cadre supérieur », a-t-elle souligné.

À la recherche de meilleures conditions

Une grande partie de ses recherches s’intéresse aux femmes qui sont revenues sur le marché du travail après les fermetures pandémiques, ce qui a poussé la participation des femmes au marché du travail à un niveau record de 85,6 % en janvier.

Mais plusieurs d’entre elles ne sont pas retournées à leur emploi ou à leurs industries antérieurs et ont plutôt cherché un travail assorti de rôles mieux rémunérés et « plus productifs », selon le rapport.

Les « secteurs à contacts rapprochés » comme l’hôtellerie, par exemple, ont connu un exode d’environ 178 000 employés, lorsqu’ils ont été contraints de fermer pour lutter contre la COVID-19, a expliqué Mme Freestone.

Bon nombre des travailleurs qui ont fui ces secteurs étaient des femmes. Bien qu’elles occupaient environ 55 % des emplois dans ces secteurs avant la pandémie, les femmes représentaient 80 % des personnes qui s’en éloignaient.

La Banque Royale a estimé que près de 140 000 femmes ont perdu des emplois dans des secteurs à contacts rapprochés, dont plusieurs se sont mises à la recherche de postes dans des secteurs à faible contact, les services professionnels, scientifiques et techniques, ainsi que la finance, l’assurance et l’immobilier.

« La majorité des personnes qui sont passées de ces secteurs à des secteurs mieux rémunérés étaient titulaires d’un diplôme ou d’un diplôme collégial, donc une grande partie de ces personnes étaient potentiellement des femmes surqualifiées pour leurs postes, qui sont passées dans des secteurs qui correspondent mieux à leur niveau de scolarité », a expliqué Mme Freestone.

« Et je pense que peut-être que les femmes travaillant dans le secteur de l’hôtellerie ont vu d’autres femmes capables de travailler à domicile travaillant dans ces industries, comme la technologie et la finance, donc je pense qu’il y avait définitivement une incitation à se diriger vers ces industries plus flexibles. »

La refonte de leur carrière a été facilitée par des modalités de travail plus flexibles et des services de garde d’enfants abordables, et plusieurs étaient à la recherche d’un risque moindre par rapport à la COVID-19 et de revenus plus élevés.

Cependant, bon nombre de leurs salaires restent inférieurs à ceux de leurs homologues masculins.

Bien que les femmes représentaient 60 % des emplois créés dans la finance, l’assurance et l’immobilier au cours de la pandémie, les femmes diplômées et travaillant dans la finance, l’assurance, l’immobilier et la location ou le crédit-bail gagnaient environ 85 cents pour chaque dollar gagné par les hommes.

Dans tous les secteurs, les femmes gagnaient en moyenne 89 cents pour chaque dollar gagné par un homme en 2021, selon les dernières données de Statistique Canada.

Même tendance au Québec

En 2022, l’écart de rémunération horaire entre les hommes et les femmes atteignait 3,25 $ au Québec. L’Institut de la statistique du Québec précise ainsi que la rémunération horaire moyenne des femmes de 15 ans et plus atteignait 29,29 $ en 2022 et celle des hommes du même groupe d’âge 32,54 $.

C’est donc dire que pour chaque dollar gagné par un homme, une femme en gagnait 0,90 $. Il reste que les écarts entre les hommes et les femmes se sont atténués depuis une dizaine d’années, toutes proportions gardées.

Il en est de même pour la rémunération hebdomadaire, qui affichait en 2022 un écart de 229,62 $ entre les hommes et les femmes. La rémunération hebdomadaire des femmes atteignait alors 989,08 $ et celle des hommes 1218,70 $.

Bien que cet écart soit important en dollars, il est en réalité moindre qu’avant, en termes de pourcentages, puisque les niveaux de salaires ont grimpé au fil des ans, tant pour les hommes que pour les femmes.

En effet, un salaire de 400 $ et un autre de 500 $ donnent un écart de 100 $. Et un salaire de 900 $ et 1000 $ donne aussi un écart de 100 $. Mais l’écart de 100 $ n’a pas le même poids dans les deux cas de figure.

Ces statistiques toutes fraîches publiées à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes laissent aussi voir que l’écart hommes-femmes a diminué plus rapidement pour la rémunération hebdomadaire que pour la rémunération horaire. Ceci laisse croire que le temps de travail des femmes aurait crû, ce qui a permis de réduire davantage leur retard face aux hommes à ce chapitre.