Les travailleurs qui, dans le cadre de leur emploi, doivent se déplacer à pied pendant que des voitures circulent autour d’eux peuvent être soumis à un stress sournois sans même le réaliser, ce qui pourra avoir un impact néfaste sur leur santé.

C’est une des conclusions de la toute première étude à s’être intéressée à ceux qu’on appelle les « travailleurs piétons », c’est-à-dire les signaleurs routiers et les policiers, mais aussi le personnel de la voirie, les éboueurs, les remorqueurs ou encore les brigadiers scolaires.

Afin d’être en mesure de quantifier le phénomène du stress, les chercheurs de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) ont demandé à 19 policiers affectés à des tâches de circulation routière de porter un dispositif qui mesurerait leur fréquence respiratoire et leur fréquence cardiaque.

On a aussi demandé à ces policiers, toutes les 15 minutes, d’indiquer à des observateurs si leur niveau de stress avait diminué (pouce en bas), s’il avait augmenté (pouce en haut) ou s’il était demeuré stable (pouce horizontal).

« On avait leur fréquence cardiaque et leur fréquence respiratoire en temps réel, a expliqué la responsable de l’étude, la professeure Marie-Soleil Cloutier de l’INRS. On voyait des pics de stress (…), mais le stress perçu par les policiers n’était pas très élevé. Ça nous dit qu’on ne peut pas toujours se fier à la perception des gens. »

Les effets néfastes du stress sur la santé, et encore plus ceux d’un stress chronique, sont bien documentés. Il est donc intéressant de savoir que les travailleurs piétons peuvent être soumis à un tel stress, même de manière inconsciente, ce qui pourra un jour mener à l’apparition d’autres problèmes de santé.

Lors d’entretiens avec les chercheurs, les policiers ont admis avoir ressenti un plus grand stress quand ils étaient entourés de plusieurs types d’utilisateurs (comme des automobilistes, des cyclistes et des piétons) ou que le chantier auquel ils étaient affectés était particulièrement complexe.

Mais souvent, « les policiers se disaient souvent moins stressés que nous on le voyait », a résumé Mme Cloutier, ce qui s’explique possiblement par le fait que les policiers sont fréquemment exposés à des situations plus stressantes que de devoir gérer la circulation automobile.

Les chercheurs n’ont pas été en mesure de recruter de signaleurs routiers pour réaliser la même expérience en raison d’une « résistance » de la part des employeurs.

Inattention

Sans grande surprise, les chercheurs ont constaté que la cause la plus fréquente des accidents impliquant des travailleurs piétons au Québec est la distraction ou le manque d’attention.

Si cette inattention peut parfois être le fait du travailleur qui a été blessé, elle sera le plus souvent attribuable à l’automobiliste, a dit la professeure Cloutier.

« L’information n’est pas toujours bien répertoriée (…), mais ce sont vraiment les conducteurs (…) qui roulent trop vite et qui finissent malheureusement, et malgré eux, par être impliqués dans un accident », a-t-elle précisé.

On considère que ces travailleurs piétons constituent un sous-groupe vulnérable aux accidents routiers sur le lieu de travail, mais leur exposition est peu documentée dans la littérature scientifique.

Même si les travailleurs piétons sont relativement peu nombreux, on constate chez eux des blessures plus graves et donc des congés plus longs après un accident, a dit Mme Cloutier.

Les chercheurs ont analysé des données existantes appariées SAAQ-CNESST qui comprenaient près de 900 rapports d’accidents qui ont eu lieu entre 2000 et 2016 et qui impliquaient au moins un travailleur piéton.

Près de la moitié des accidents se sont produits sur des rues commerciales, et c’est (évidemment) dans la région de Montréal qu’on en retrouve le plus. Les accidents les plus graves se retrouvent plutôt en dehors de Montréal, sur des routes où la limite de vitesse est plus élevée.

Le nombre d’accidents impliquant ces travailleurs piétons est passé d’environ 75 par année au début des années 2000 à environ 45 par année plus récemment.

« La congestion, c’est protecteur, a souligné Mme Cloutier. C’est un peu drôle à dire parce qu’on n’est jamais contents de la congestion, mais il y a un effet protecteur parce qu’il n’y a pas beaucoup de vitesse, mais il y a aussi un effet d’impatience (…) et ça, ça amène des situations stressantes. »

Les chercheurs recommandent notamment que les travailleurs qui sont affectés à un chantier plus complexe reçoivent une formation particulière à cet effet.

La recherche a été menée en collaboration avec des spécialistes de l’Université Laval, de Polytechnique, et de Thales Recherche et Technologie Canada. Elle a été financée par l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail.